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Industrie automobile polonaise : quelque chose à fêter ?

Cela fait plus de 20 ans que la Pologne est un pays libre et démocratique mais les amateurs de voitures polonaises n’ont aucune raison d’être satisfaits. Si l’on regarde le nombre d’usines qui se sont installées dans le pays durant les deux dernières décennies cela ne fait aucune doute que la Pologne est devenue une vraie puissance automobile, mais force est de constater que l’industrie automobile polonaise de souche a été pratiquement réduite à néant. Le rêve polonais a viré au cauchemar. Désormais, pour les constructeurs mondiaux, les Polonais ne sont plus qu’une main-d’œuvre bon marché. Interia.pl nous propose un bref bilan des années qui se sont écoulées depuis 1989 et la fin de la PRL.

Pour la plupart des constructeurs nationaux, les vingt dernières années peuvent être résumées en un mot : faillite. Le début des années quatre-vingt-dix avait laissé l’espoir d’un avenir radieux, mais malheureusement comme cela arrive souvent en Pologne, le copinage et une absence totale de stratégie a enterré tout espoir. En 1991, la situation semblait sous contrôle. La dernière « Kanciak » (la PF 125p) était produite par FSO et l’usine lançait la nouvelle Polonez Caro. Le niveau des ventes n’était pas un problème car la voiture s’était avérée être parfaitement adaptée aux conditions du pays. Mais la piètre qualité et le retard pris par l’usine dans la modernisation de la production a fait que les Polonais se sont tournés rapidement vers l’industrie automobile occidentale. Kadett, Escort ou Golf, même hors-d'âge ou reparées après un accident, étaient souvent préférées à une Polonez neuve !

Ce n’était pas étonnant. Avec ses moteurs archaïques et ses roues arrière motrices, la Polonez consommait énormément de carburant. La mauvaise protection anticorrosion ne plaidait pas non plus en sa faveur. Certes, en 1992 sont apparus les moteurs tant attendus (diesel d’origine Citröen et 1,4 litre Rover de 103 ch) mais peu de gens pouvaient se permettre de se les offrir. Et rapidement, on a pris conscience des lacunes de l’usine. Le diesel était réputé pouvoir « faire 3 carrosseries » et face à la puissance développée par le moteur Rover, la transmission et la suspension étaient débordées.

Le 16 avril 1991, le tchèque Skoda a rejoint le groupe Volkswagen. C'est alors qu'on se rend compte que, sans un partenaire étranger puissant, FSO serait voué à l’échec. En 1994, GM commence l’assemblage de l’Opel Astra dans l’usine de Zeran et on commence paresseusement à franchir les étapes vers la privatisation. Un an plus tard lorsqu'on décidera enfin de vendre les actions de la société aucun partenaire sérieux ne sera trouvé. Si la Pologne fascine, elle reste méconnue et fait peur... Bien qu'il aie refusé d’élire en 1990 le libéral Stanislaw Tyminski, le pays offre FSO aux Coréens de Daewoo en 1995. Ce mariage donne naissance à Daewoo-FSO. Les débuts semblent prometteur mais cette romance asiatique n’était en fait pas trop heureuse. Les partenaires aux yeux bridés tombent rapidement dans de graves difficultés financières.

En 2000 quand Daewoo tombe dans l’escarcelle de General Motors, FSO s’engage dans une pente glissante qui le mène vers la faillite en 2005 (soit trois ans après la fin de la production de la Polonez, la dernière vraie voiture « Made in Poland »). C’est l’ukrainien AvtoZAZ qui sauve alors FSO en rachetant les dettes de Daewoo-FSO et en lançant à Zeran la production de la Chevrolet Aveo. Actuellement (*) les 1,500 employés de FSO sont en congés forcés. L’usine travaille pour le compte de General Motors en Corée et tout le groupe GM traverse une grave crise. La production est arrêtée au moins jusqu’au 22 juin prochain. Comme l’indique le journal « The Wall Street Journal Polska », la prochaine mission de FSO pourrait être le démontage du modèle Kia Ceed destiné à être vendu en Ukraine en raison de l’augmentation récente des droits de douane...

La Fabryka Samochodow Malolitrazowych (FSM) s’est mieux tirée des changements politiques qu’a connu le pays. Dès les premiers de jours de son existence, la société a été associée à l’italien Fiat et elle n’a donc eu aucune difficulté pour trouver un investisseur stratégique. Le 28 mai 1992 les usines de Bielsko-Biala et de Tychy sont entrées dans la composition de Fiat Auto Poland, une société détenue à 90 % par Fiat. Il est vrai que depuis 1983 et la production de la dernière Syrena, ces deux usines ne produisent plus de voitures d’origine purement polonaise, mais les employés de Fiat Auto Poland ont d’autres raisons d'être heureux. Ces dernières années, les deux usines ont inondé les routes d’Europe avec des millions de Fiat. La Pologne a ainsi produit des Cinquecento, Seicento, Uno, Bravo, Maera ou Palio. Le 22 septembre 2000, l’usine de Bielsko-Biala a fabriqué la dernière Fiat 126p, qui s’appelait déjà officiellement « Maluch ». C’est avec elle que l’usine a abandonné son passé communiste. Le capitalisme semble donc être dans ce cas une réussite puisque Fiat est l’une des rares entreprises « polonaise » sans problèmes financiers.

En 2003 a débuté la production de la Panda qui bat jusqu’à aujourd’hui des records de vente. Depuis mai 2007 l’usine de Tychy fournit à toute l’Europe la nouvelle Fiat 500. Les voitures polonaises sont réputées pour leur qualité élevée et leur faible taux de pannes. Grâce à Fiat, de nombreuses familles polonaises, même en période de crise, ont continué à avoir des revenus stables. Mais il faut garder à l’esprit que les syndicats des deux usines font souvent part de leur divergence avec l’état-major italien.

Il n’y a pas que les producteurs de voitures particulières qui connaissent des temps difficiles. Les fabricants de camions et de camionnettes se trouvent également dans une situation désespérée.

L’usine Star de Starachowice est tombée dans de très graves difficultés financières à la fin des années 90. Les ventes ont diminué de plus de 50% et la dette de l’entreprise a augmenté rapidement. En 1993 le spectre de la faillite était proche. Une profonde restructuration (principalement par la vente d’actifs) a permis à Star de survivre quelques années de plus et de se lancer dans la recherche intensive d’un investisseur stratégique. Des pourparlers ont été menés avec Volvo, Renault et Mercedes avant que la majorité des actions ne tombent dans les mains de Sobieslaw Zasada.

Malheureusement, cela n’a pas suffi. Les licenciements et le manque de nouveaux projets ont mené la société au bord de la faillite. A l’initiative de Sobieslaw Zasada, on a rencontré les responsables de la société allemande MAN. Cette dernière avait déjà une usine à Poznan et n’avait donc pas peur du marché polonais. Le 17 décembre 1999, MAN est devenu propriétaire d’une partie de Star. Grâce son nouveau propriétaire, la société a donc rebondi et produit désormais, entre autre, des châssis d’autobus. Malheureusement, le 9 janvier 2009, la société MAN Star Truck & Buses s’est transformée en MAN Bus et la marque Star est entrée définitivement dans l’histoire.

Après une longue et grave maladie, Jelcz est également entré dans un repos bien mérité. Après de profondes restructurations et un changement de propriétaire (en 2001, la société est divisée en trois sociétés distinctes), Jelcz s’était considérablement affaiblie. L’usine survivait essentiellement grâce aux commandes d’autobus passées par les grandes villes. Mais face à la concurrence, la production de Jelcz-Laskowice faisait piètre figure et tous les ans la production baissait. Le 10 janvier 2008, le tribunal a déclaré l’usine en faillite (l’usine avait fêté un an plus tôt son 55ème anniversaire). Avec un en-cours de quelques commandes (y compris celles passées par Cracovie), l’usine n’a pas fermé immédiatement. Le dernier autobus a quitté l’usine le 28 octobre 2008. Cette date peut être considérée comme celle de la fin de la marque.

La marque Lublin, née durant les premières années du capitalisme, n’a pas non plus survécu. Le successeur longtemps attendu du Zuk est entré en production en 1993. Il était initialement fabriqué à la Fabryka Samochodow Ciezarowych de Lublin. En 1995, Daewoo rachète la majorité des actions de la société et la FSC est transformée en Daewoo Motor Polska. Les plans étaient impressionnants mais cela s'est terminé en eau de boudin. A la faillite de Daewoo, l’usine a été reprise par Andoria Motors qui a toutefois été contrainte de revendre le Maxus, ce projet de successeur du Lublin développé conjointement avec la société anglaise LDV. A la fin de l’année 2003, Intrall Polska a acheté les droits pour fabriquer les camionnettes Lublin et la version modernisé n’a été fabriquée que quelques mois en 2003 avant que la société ne se déclare elle aussi en faillite. La marque Lublin a donc finalement cessé d’exister...

Il a fallu moins de vingt ans pour que la plupart des grands constructeurs emblématiques de l’industrie automobile polonaise quittent la scène. Ceux qui ont réussi à survivre ne voit pourtant pas l’avenir en rose. La crise économique qui s’aggrave, contrarie les projets et il n’est pas exclu que d’autres faillites soient déclarées dans les prochaines années.

Pour être complet il faut aussi souligner que les tentatives pour créer de nouvelles marques polonaises ont également échoué. Le projet d'un véhicule urbain sous le nom de Click n’a pas eu de suite et la société Veno qui, il y a quelques mois, promettait de produire la « première supercar polonaise » lutte pour sa survie.

Pourtant, il y a quelques années, les Polonais ont réussi à créer une marque qui est reconnue à l’étranger et qui jusqu’à présent n’a pas connu de graves problèmes financiers. Il s’agit de Solaris, un constructeur d’autobus situé à Bolechowo et créée en 1994 par Krzysztof Olszewski. Cet homme avait occupé des postes de gestionnaire dans des usines Neoplan en Allemagne et connaissait bien les mécanismes qui régissent le marché actuel de l’autobus. Sans la charge d'installations obsolètes ou d'une dette la société a réussi à faire sa place sur le marché. A ce jour, Solaris a déjà produit plus de 5,000 véhicules.

On a également beaucoup parlé de Leopard, la marque fondée par l’ingénieur polonais Zbyslaw Szwaj. Son élégant roadster avec un châssis en aluminium et un moteur de Chevrolet Corvette est produit à la main et vendu dans le monde entier. Il faut avoir à l’esprit que la clé du succès de Leopard ne réside pas seulement dans le génie de cet ingénieur. Le châssis a été conçu par son fils Maksymilian qui a travaillé dans les centre de style de Rover et Porsche, avec l’aide financière d’un mécène suédois, Alf Naslund. Produite à Mielec cette voiture, dont la puissance dépasse les 400 chevaux, atteint les 100 km/h en environ 4 secondes. Et pour des raisons de sécurité, la vitesse maximale est limitée électroniquement à 250 km/h.

Pour finir, il faut rappeler que vingt ans après le début des changements politiques qui ont touché l’Europe de l’Est (dont la Pologne), le tchèque Skoda propose dans sa gamme plusieurs modèles internationalement reconnus et que le roumain Dacia bat des records de popularité sur de nombreux marchés exigeants (comme par exemple l’Allemagne). Il est tout de même dommage que pour de nombreuses icônes de l’automobile polonaises, l’année 1989 a été le début de la fin...

Lu sur : http://motoryzacja.interia.pl/news-mamy-co-swietowac,nId,1382289 (sur 2 pages).
Adaptation VG

(*) l’article date d’octobre 2010.

Tag(s) : #Histoire, #Pologne, #Analyse