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L’hiver. Ce n’est pas forcément le meilleure moment pour se rendre dans une petite ville de la Sibérie profonde. Des chaussées défoncées, des zones résidentielles ternes, des sites industriels à l’abandon, une province russe comme il en existe des dizaines. Une province à peine capable de surprendre. Et pourtant, c’est là que nous allons rencontrer avec quelque chose d’extraordinaire. Une Volga noire à la peinture profonde posée sur des jantes de 19 pouces avec des pneus de taille différente à l’arrière et à l’avant et qui se distingue aussi par sa double sortie d’échappement et son intercooler sous le parechoc avant. Est-ce ici la simple symbiose entre une carrosserie russe et la mécanique d’une Toyota Crown de neuvième génération ? Non, c’est beaucoup plus complexe et plus intéressant.
Transfigurer une auto avec une suspension rabaissée et des jantes alu spectaculaire est à la portée de tous. Par ses deux modifications, le rêve du petit fonctionnaire soviétique et du citoyen ordinaire se transformée en voiture moderne et élégante. Abdula Dibirdadaev a donné à cette Volga de 1982 le surnom de « Black Bolt » mais en fait le nom n’a pas d’importance. Ce qui importe c’est le croisement opéré pour en arriver là. Heureusement que l’histoire de l’automobile dispose d’un modèle comme la Toyota Crown avec son châssis séparé car c’est justement cette dernière qui est régulièrement utilisé pour transformer les voiture russes. Mais dans le cas présent cela n'est pas ce châssis qui a été repris, cela ne servait à rien d’alourdir la voiture plus que nécessaire d’autant plus que son moteur moteur est le six cylindres bi-turbo 2JZ-GTE que l’on ne rencontre que sur la Toyota Aristo et la Toyota Supra ! Ça c’était l’idée. Pour la concrétiser, Abula va être aidé de son ami Sergueï car 280 chevaux sur une voiture conçue dans la seconde moitié du 20ème siècle, ce n’est pas rien.
Abdula :
- J’ai eu cette idée il y a environ cinq ans mais je ne pensais pas faire une voiture qui plairait et impressionnerait autant. D’ailleurs, au début mon entourage était plutôt sceptique. Même mon père qui me prenait pour un fou au début, m’a finalement prêté de l’argent pour arriver à mes fins. J’ai aussi vendu ma propre voiture neuve pour financer ce projet qui m’a coûté pour l’instant 800,000 roubles. Mais sans Sergueï, je n’aurai jamais pu aller aussi loin.
Sergueï:
- L’essentiel était de savoir si nous réussirions à faire ce que voulait Abdula. Surtout qu’au début son souhait de transformer cette berline 4 portes en coupé deux portes compliquait encore la tâche ! L’idée a finalement été abandonnée et avec sa carrosserie d’origine cette GAZ-24 est déjà impressionnante. J’ai moi-même refusé un job chez un concessionnaire local pour travailler sur ce projet. Je pense que cela en valait la peine.
C’est une plateforme complète de Toyota Aristo de 2001 qui a été adaptée. Plancher, longerons, faux-châssis et suspensions ont été séparés de la partie supérieure de la carrosserie qui a été remplacée par celle de Volga. Pour simplifier la tâche, nos deux amis ont travaillé par grandes parties (le toit avec les montants, les ailes arrière, etc...). A noter que l’une des raisons du choix de la Toyota était que les mesures préliminaires ont montré que les deux voitures ont un plancher de dimensions quasiment identiques (longueur et largeur) à 3 mm près. Et elles ont exactement le même empattement de 2800 mm ! De plus, la Toyota Aristo a un équivalent à conduite à gauche – la Lexus GS 300 – ce qui était important pour l'adaptation de la direction dans la Volga.
Le travail effectué est énorme car la suspension de la Toyota est beaucoup plus moderne. Autre exemple, les charnières de capot sont clairement différentes de celles d’origine. C’est d’ailleurs avec elles qu’ils ont eu le plus de problèmes car les modifications du compartiment moteur ne permettaient plus d’installer le mécanisme d’ouverture du capot au même endroit. Ils ont même envisagé de changer le sens d’ouverture avant de tomber sur le mécanisme du hayon d’une Nissan Teana qui s’adaptait idéalement.
La carrosserie de Volga a aussi été l’objet de toutes les attentions. Bien sûr la couleur beige d’origine ne convenait pas mais elle plus elle était enfoncée et rayée à certains endroits. Mais on peut remercier le propriétaire précédent (et semble-t-il l’unique propriétaire) car si en 30 ans, cette Volga n’avait pas parcouru plus de 12,000 km, elle n’avait pas non plus pourri dans un garage et n’était pas non plus particulièrement attaquée par la rouille. Il semble aussi qu’elle n’ait pas connu d’accident grave. Avec la transplantation importante qu’elle a connu, la carrosserie nécessitait des soudures et une peinture de qualité et ce d’autant plus que les passages de roues ont été adaptés pour accueillir des roues beaucoup plus grandes (235/35 R19 à l’avant et 245/35 R19 à l’arrière).
Le six cylindres entre facilement sous le capot et il reste même une certaine marge. La cloison moteur a été redessinée pour accueillir la cloche de la boîte automatique. Les rails des sièges, le pédalier, le réservoir de carburant ont également nécessité pas mal de travail. Faire passer la conduite à droite de l’Aristo à la conduite à gauche a été relativement facile en prélevant, comme mentionné plus haut, les éléments caractéristiques sur une Lexus GS 300.
Les travaux estimé à un mois et demi ont finalement duré huit mois mais tout n’est pas fait. L’intérieur n’est pas encore terminé. L’idée est de laisser le tableau de bord d’origine mais avec une instrumentation moderne. Ils veulent aussi refaire les panneaux de portes mais dans le style d’origine, tout comme les sièges qui seront refaits en changeants les ressorts et la mousse. Ils ne veulent pas de sièges modernes avec un soutien latéral mais ils devront avoir la même fermeté que les sièges des voitures modernes.
Nous avons pu faire un tour à bord, histoire d’évaluer le travail accompli. Sur les chaussées dégradées par l’hiver nous n’avons rien perçu d’anormal. Aucun bruit provenant des soudures entre le châssis japonais et la carrosserie soviétique. On sent à peine la poussée des turbocompresseurs : l’Aristo pèse 260 kg de plus que la Volga. Ce qui est rigolo c'est qu'on a un peu l’impression d’être un guébiste, pour qui il faut le rappeler, on avait construit des Volga avec moteur V8. Bien sûr, l’Aristo n’a jamais été une voiture de sport (et nos deux créateurs n’avait pas l’intention d’en faire une) mais sa suspension est idéale en terme de maniabilité et son châssis est donc parfaitement adapté pour ce type de transformation. On sent à peine la présence des pneus taille basse. Par contre dans les trous les roues peuvent frotter dans les passages de roues... La suspension des limousines Toyota est plutôt connue pour être souple. Abdula et Sergueï chercher à monter des amortisseurs plus fermes. La direction semble également un peu floue.
Mais ce ne sont que des détails. Le plus important et le plus intéressant est que dans son comportement général, il est impossible de détecter que cette GAZ-24 a connu une opération chirurgicale aussi importante et compliquée. Pas de gémissements, pas de grincements ou d’autres bruits qui montreraient que la carrosserie a été mal soudée ou que quelque chose cloche. Les portières se ferment presque parfaitement et le silence à l’intérieur est au niveau d’une voiture premium moderne alors même que l’isolation phonique n’a pas encore été faite.
L’hiver n’est peut-être pas le meilleur moment de l’année pour se rendre au fin fond de la Sibérie. Pourtant, nous risquons d’y revenir car Abdula, un grand fan des productions de l’Usine Automobile de Gorki, dit qu’il aimerait bien voir dans son garage une Pobeda, un GAZ-69 et d’autres modèles modifiés de la même manière que cette Volga. Quant à Sergueï, il pense qu’il devrait être en mesure de répondre à tous les caprices de son ami...
Lu sur : http://info.drom.ru/tuning/29852/
Adaptation VG