Imaginez à quoi pouvaient ressembler les routes en Tchécoslovaquie avant 1989. Bien entendu, la marque qui dominait était le constructeur national. Skoda occupait les premières places du parc automobile mais la situation tendait à évoluer rapidement avec la possibilité, nouvellement acquise, d’importer des voitures d’occasion. Mais pendant des décennies la marque nationale a occupé une position privilégiée. Il suffit de regarder de vieilles photos pour voir que les Skoda étaient partout dans la rue.
La première Skoda de l’ère socialiste était la 1200 lancée en 1952 et qui a survécu jusqu’aux années soixante-dix en subissant quelques évolutions (1201, 1202). Parallèlement à celle-ci, à compter de 1955, on a commencé à produire un modèle plus petit, la 440, qui après avoir été « restylée » a reçu le nom d’Octavia. Son dérivé break a été maintenu en production jusqu’en 1971. A cette époque, les Tchécoslovaque avaient déjà eu droit à un nouveau modèle. En 1964, un modèle qui avait abandonné le concept de moteur à l’avant et propulsion pour le tout à l’arrière avait fait son apparition, la 1000 MB appelée aussi « Embecka ». Elle a été remplacée par le modèle 100 qui en était largement dérivé et disposait uniquement d’une nouveau dessin de carrosserie. C’est en 1977 que la gamme Skoda fait le grand saut avec les modèles 105/120. Des voitures qui conservaient cependant le concept archaïque du moteur arrière.
Mototechna distribuait en 1977 la Skoda 105 S au tarif de 56,000 couronnes, la 120 L à 58,000 et la version haut de gamme GLS à 65,000. La Skoda la plus chère de l’époque était la « Erka » (110 R) vendue 66,800 couronnes. Sachant qu’en 1977 le salaire moyen en Tchécoslovaquie était de 2412 couronnes, il fallait donc 23 à 28 mois de salaires pour s’offrir une Skoda !
Mais la vraie révolution intervient juste avant la chute du totalitarisme. La Skoda Favorit arrive avec la traction avant et un hayon arrière. C’est le célèbre designer italien Bertone qui en signe le dessin. Vendue 84,600 couronnes, elle n’était pas aussi simple que cela à obtenir. Elle était très populaire et les listes d’attente chez Mototechna s’allongeaient. En 1988, le salaire brut moyen en Tchécoslovaquie était de 3,020 couronnes. La nouvelle Favorit équivalait donc à 28 mois de salaire. Par comparaison en 2011, le salaire moyen en Slovaquie est de 786 euros. La Skoda Citigo est vendue 7,390 euros, soit neuf mois et demi de salaire...
Vous pourrez arguer du fait que la Citigo et la Favorit ne peuvent pas être comparées car cette dernière est une voiture familiale. Les chiffres ci-dessous vous permettront néanmoins de comparer leurs dimensions avec aussi la Fabia dont les prix débutent à 8,407 euros, soit près de 11 mois de salaire.
Dimensions : Favorit / Citigo / Fabia
Longueur (mm) : 3815 /3563 /4000
Largeur (mm) : 1620 / 1641 / 1642
Hauteur (mm) : 1415 / 1478 / 1498
Empattement (mm) : 2450 / 2420 / 2465
Coffre (litres) : 251 / 251 / 315
28 mois de salaire aujourd’hui en Slovaquie équivaudrait à 22,000 euros. La moins chère des Superb est vendue 23 ,087 euros. En 1988, la Skoda Favorit n’était pas le modèle le moins cher de la gamme car jusqu’en 1990 le constructeur tchèque à produit des modèles à moteur arrière. La Skoda 105 coûtait en 1988 57,780 couronnes... soit 19 mois de salaire ! Pour être totalement complet dans ces comparaisons il faut aussi parler du prix de l’essence. En 1988, un litre valait 8,80 couronnes. Un mois de salaire brut représentait donc 343 litres. L’an passé et au prix de 1,592 euros du litre, un Slovaque pouvait acheter 494 litres.
Avec l’avènement du socialisme, de nombreux petits fabricants tchécoslovaque ont fini par disparaître. C’est le cas de marques comme Aero, Praga et Walter. La seule marque de voitures particulières à avoir survécu est Tatra. Mais l’économie planifié avait décidé que Tatra se concentrerait uniquement sur la production de camions. La remplaçante de la Tatra T600 « Tatraplan » produite jusqu’en 1952 avait été rejetée au motif que les voitures de luxe seraient désormais importées du grand-frère soviétique. La qualité douteuse et les retards de livraison des limousines en provenance d’URSS ont forcé les autorités tchécoslovaques à reconsidérer la question. La Tatra 603 est donc à la fois un souvenir du régime communiste mais aussi une des fiertés de l’histoire automobile tchécoslovaque. Elle avait un moteur 8 cylindres de 2,5 litres refroidi par air installé en position arrière. Ses 95 chevaux étaient suffisants pour transporter des passagers dans un confort maximum. En 20 ans elle a été produite à plus de 20,000 exemplaires. Elle a été rarement vendue à des particuliers et était réservée aux décideurs politiques et aux représentants des entreprises de l’Etat.
La remplaçante de la Tatra 613 arrive en 1974. Elle en conserve la technique de base mais dispose d’une carrosserie moderne aux formes anguleuses dessinées par l’italien Vignale. Elle est restée en production, jusqu’à la moitié des années 90, en connaissant des évolutions mineures. La fiche des prix de Mototechna de 1977 indique que la 613 coûtait le prix hallucinant de 284,000 couronnes. Cela représentait 118 mois de salaire pour le commun des mortels ! Comparé à aujourd’hui, cela ferait 93 ,000 euros... soit le prix d'une BMW série 7, d'une Audi A8 ou d'une Mercedes Classe S déjà bien équipée.
Lu sur : https://autobild.pluska.sk/poradca/legendarne-auta-socializmu-com-sme-jazdili-pred-rokom-1989
Adaptation VG