Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, peu de voitures "pour les civils" ont été fabriquées et le cataclysme du conflit a labouré le paysage automobile mondial.

Aux Etats-Unis commence l'ère des "big-three" de Detroit - General Motors, Ford et Chrysler. Leurs installations se sont développées pour la production d'armes et après la guerre, les petits fabricants automobiles américains n'ont plus aucune chance de pouvoir rivaliser avec ces géants. En Europe, l'heure est venue pour les constructeurs français, italiens et tchécoslovaques dont les usines n'ont pas beaucoup souffert de la guerre, voire pas du tout. En Allemagne, la plupart des usines ont été réduites en cendres et la remise en état des entreprises survivantes est prise en charge par la Grande Bretagne ou l'Union Soviétique, à l'exemple de l'usine géante Volkswagen de Wolfsburg.

En Pologne, l'industrie automobile doit être reconstruite en partant de zéro. Certains projets, interrompus par la guerre sont remis en marche. Le premier camion polonais d'après-guerre, le Star 20, ressemble à s'y méprendre au PZInz 703. Cela n'a rien d'étonnant puisque les ingénieurs qui ont participé au lancement du Star 20 en 1948, travaillaient avant la guerre dans les bureaux d'études de PZInz.

Les camions sont des véhicules utilitaires et leur production était donc idéologiquement acceptable dans le système amené en Pologne par l'Armée Rouge. Mais des perspectives moins roses allaient toucher la voiture particulière, qui dans le socialisme réel était traitée comme un objet suspect et exubérant, symbole de la consommation individuelle, l'un des leviers de base du capitalisme. Le socialisme réel a bien essayé de mettre fin à l'automobile, comme bien individuel. Si le créateur du parti bolchévique, Vladimir Lénine, se déplaçait la plupart du temps en Rolls-Royce, les voitures étaient utilisées exclusivement par des fonctionnaires ou servait de taxis, forme de transport public. Pourtant, dans la Pologne d'après guerre, on envisage rapidement de construire des voitures particulières.

A la fin de 1947, le pouvoir polonais (à noter que la PRL - la République Populaire de pologne n'a été créée qu'en 1952) signe un accord pour la fabrication de voitures avec Fiat. Le contrat rappelle qu'avant-guerre la Pologne avait déjà travaillé avec les Italiens. Le nouveau gouvernement en place à Varsovie essaie de perpétuer cette "tradition". C'est en août 1948 qu'est créé à Varsovie la société FSO (Fabryka Samochodow Osobowych) pour fabriquer 10,000 voitures Fiat par an. Le même type de production débute en parallèle en Espagne chez Seat.

Mais l'accord avec l'Italie est bloqué par Joseph Staline, qui argue que les voitures produites en Pologne et en Union Soviétique doivent avoir une base commune pour faciliter leur utilisation en cas de guerre avec l'Occident. Le contrat avec Fiat est donc annulé fin 1949 alors qu'a déjà commencé, sur les plans et sous le contrôle des experts italiens, la construction de l'usine FSO dans l'actuelle zone de Zeran, alors connue sous le nom de Pelcowizna. En janvier 1950, le gouvernement polonais finit par signer un accord pour produire la GAZ-M-20 Pobieda ("la Victoire" en russe, en honneur de la victoire soviétique durant la Seconde Guerre Mondiale).

C'était une voiture rappelant les modèles Ford et l'Opel Kapitan, dont la ligne de montage avait été déménagée de la zone d'occupation américaine en Allemagne vers Moscou en réparation des dommages de guerre. En Pologne cette voiture reçoit le nom de Warszawa. Comme promis par Staline, la licence de production de la Warszawa a été offerte à la Pologne, mais pour les machines, la documentation technique et l'assistance pour la mise en production il faut payer près de 400 millions de zlotys, soit huit fois plus que ce qu'aurait du coûter l'accord signé avec Fiat. A signaler que cette licence de production faisait partie d'un ensemble de contrats qui devait lier économiquement la Pologne à l'Union Soviétique.

La première Warszawa, une simple Pobieda pour laquelle Zeran ne fabriquait quelques pièces, est sortie de l'usine le 6 novembre 1951. FSO devait en fabriquer 25 mille voitures par an, mais en 20 ans de production ce chiffre n'a jamais été atteint. Les investissements n'ont jamais été rentabilisés et durant toutes ces années, pour accélérer son amortissement, on a compensé par un prix élevé. Un grand nombre des voitures produites ont d'ailleurs été exportées, principalement en Chine, en Roumanie et en Albanie.

En mars 1954, Joseph Staline meurt. Deux mois plus tard, les dirigeants de la PRL décident que FSO doit produire un nouveau modèle plus populaire que la Warszawa. Cela devait être un "moyen de transport permettant à ceux qui remplissent des fonctions officielles, comme les dirigeants syndicaux, les militants, les chercheurs et les membres éminents de l'intelligentsia, de gagner du temps".

La Syrena était née. Il s'agissait d'une deux portes pour quatre personnes, avec un petit coffre et un moteur deux temps. Initialement, FSO devait produire 3 mille voitures de ce type chaque année. Les plans ont été portés à 10,000 et c'est finalement en 1956 que la production en grande série a été approuvée. Sa silhouette assez gracieuse pour l'époque était signée Stanislaw Panczakiewicz, celui qui avant-guerre avait conçu la CWS T-1 (la seule voiture de l'histoire de l'automobile qui pouvait être construite à l'aide d'une clé et d'un tournevis). Le moteur de la Syrena avait été imaginé par Ferdynand Bluemke. Avant la guerre, il avait dirigé le département moteur de la fabrique Steinhagen Stranskyn de Varsovie, laquelle fabriquait le moteur deux-temps de la légendaire moto Tornedo. C'est également sous sa direction qu'avait été conçu le moteur deux-temps de la Radwan, une petite voiture dont la production aurait du débuter fin 1939 - début 1940 à Huta Ludwikow à Kielce.

Après-guerre la première application de ce moteur a été une motopompe pour la lutte contre les incendies. Il a ensuite servi de base à celui de la Syrena. Malheureusement Ferdynand Bluemke n'a pas eu le temps de travailler très longtemps sur la Syrena car il a trouvé la mort en 1962 dans le crash aérien d'un vol de la LOT sur l'aéroport d'Okecie.

Quelques mois après la mort de Staline et de la décision du gouvernement polonais qui a conduit à la naissance de la Syrena, est dévoilée à l'Hôtel Astoria de New-York la Chevrolet Corvette, une des voitures de sport les plus célèbres au monde. Les ingénieurs polonais essaient de suivre la mode et en 1960, FSO fait sensation en présentant la Syrena Sport, une petit coupé avec une carrosserie en fibre de verre, comme sur la Corvette ! Certaines pièces provenaient de la Syrena de série, mais sous le capot on trouvait un moteur totalement nouveau. A ce jour, la Syrena Sport, dessinée par Cezary Nawrot, est l'une des plus belles réalisations du design polonais. Certains pensent même que la Syrena Sport est la plus belle voiture jamais conçue derrière le Rideau de Fer. Véritable tentation et appel à la liberté, cette voiture n'a pas suscité la sympathie des dirigeants de la PRL et il n'en subsiste aujourd'hui que des photos car elle a été détruite.

Dans le milieu des années 50, outre la Syrena, la Pologne a connu d'autres projets de voitures populaires. Elles ont été principalement conçues par des fabricants de motos et des entreprises aéronautiques qui cherchaient un moyen de poursuivre leurs activités après la baisse des commandes d'armements.

A la fin de 1956, les autorités décident d'autoriser la fabrication de microcars, un type de véhicule qui préfigure les citadines d'aujourd'hui. Quelques mois plus tard est présentée la Mikrus développée par usines de fabrication de matériel de transport (WSK) de Mielec et de Rzeszow. Il fallait beaucoup se contorsionner pour prendre place à l'avant de cette voiture minuscule (les places arrières étaient prévues pour des enfants ou un seul adulte). Situé derrière l'essieu arrière, le moteur bicylindre de 0,3 litre emmenait la voiture jusqu'à la vitesse de 65 km/h. Bien que la Japon concevait à la même époque des voitures similaires, la Mikrus n'a pas eu le succès escompté. Les investissement pour la produire et la développer sont restés limités et c'est pourquoi la Mikrus, produite quasiment à la main, coûtait l'équivalent de 50 mois de salaire. Sa production a été stoppée en 1960 après environ 1,700 exemplaires.

En 1957, sur la base de la Mikrus, le WSK de Mielec a fabriqué le prototype de la Meduza, une voiture original de par sa forme ovale. Mais les autorités n'ont pas accepté qu'elle soit produite en série. La Smyk, avec sa porte frontale - comme la fameuse BMW Isetta de la même époque - n'a pas non plus obtenu le feux vert. Avec son moteur de moto Junak elle aurait du être produite à Szczecin. L'Usine de Moto de Varsovie (WFM) a réalisé en 1958 la microcar Fafik à trois places. Elle était destinée à combler le fossé existant entre une moto et une voiture "normale". Elle utilisait les pièces du scooter Osa produit dans la même usine. Mais là aussi, la production de la Fafik n'a pas été acceptée et WFM a cessé la production de scooters en 1965.

Les ingénieurs de l'époque étaient enviés non seulement pour leur créativité technique mais aussi pour leur humour. Qui aujourd'hui oserait appeler une citadine "Fafik" ("toutou" en polonais) ou un camion à ordure, produit en série - "Bajader" ("blagueur") ?

La Syrena devait terminer sa carrière en 1968. Un tout nouveau modèle, la Syrena 110, dont le seul point commun avec son prédécesseur était le nom, devait la remplacer sur la chaîne. Conçue au milieu des années 60, la Syrena 110 avait une carrosserie de type hatchback avec un hayon. Maintenant en Europe, ce type de modèle est le plus répandu, mais il y a un demi-siècle il s'agissait du dernier cri en matière d'automobile et sans doute le premier modèle du genre au-delà du Rideau de Fer. Cette nouvelle Syrena avait une suspension à quatre roues indépendantes et une direction à crémaillère. C'était une traction avant avec un moteur totalement nouveau - un quatre temps de 1,000 cm3. Avant la fin de la PRL, on n'allait plus revoir une voiture aussi moderne !

FSO devait produire de 50 à 75 mille Syrena 110 tous les ans, mais le projet a finalement été abandonné. Les projets de cette voiture ainsi que de la nouvelle grande berline qui devait remplacer la Warszawa ont été mis à la poubelle.

L'Union Soviétique venait de signer un accord avec Fiat pour construire l'une des plus grandes usines automobile du monde. Les dirigeants de la PRL vont faire également de même avec les Italiens pour produire sous licence la Polski-Fiat 125p, un modèle spécialement conçue pour FSO. Personne ne met en doute le fait que cet accord a contribué à la modernisation de l'industrie automobile en Pologne, mais il a aussi mis un terme à toutes velléités de produire une voiture entièrement conçue par les Polonais. Et si à Zeran, on a tout de même réalisé quelques prototypes, dont le "break de chasse" Ogar dessiné par Cezary Nawrot, tous étaient basés des Fiat.

Il y a 40 ans, Edward Gierek a également signé un accord pour produire sous licence la Fiat 126p, une voiture de ville, devenue célèbre avec son surnom de "Maluch". Elle était fabriquée par une nouvelle société, la FSM (Fabryki Samochodow Malolitrazowych), dans ses usines de Tychy et Bielsko-Biala où le gouvernement de Gierek avait investi une fortune. Pourtant Fiat reconnaissait lui-même que le modèle 126 n'était pas une réussite. De plus il était difficile pour les ingénieurs de la FSM de concevoir des nouveaux modèles basés sur cette 126p. Au début des années 80, FSM se lance néanmoins dans la conception d'une toute nouvelle citadine portant le nom de Beskid. Elle se distingue par sa carrosserie monocorps avant-gardiste. Des voitures de ce type vont connaître un succès phénoménal quelques années plus tard comme la Renault Twingo apparue en 1993.

Les Français ont-ils été inspirés par ce prototype peu connu conçu derrière le Rideau de Fer ou les ingénieurs polonais et français ont eu la même idée ? Impossible de le savoir, mais il est clair que là aussi les Polonais avaient montré, une fois de plus, de quoi ils étaient capables.

La Pologne aurait pu devenir une grande puissance automobile mais aujourd'hui de tous ces rêves inassouvis, il ne nous reste que des pièces de musée...

Lu sur :
https://wyborcza.pl/7,75248,10708718,pracownie-niespelnionych-marzen-polska-mogla-zostac-motoryzacyjna.html
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Star, #FSO, #Polski-Fiat, #Pologne