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Il y a 75 ans, le 03 novembre 1936, l'usine Staline de Moscou commençait la production d'un modèle de prestige, la ZiS-101.
Les reportages sur les réalisations de l'URSS, dont regorgeaient les journaux soviétiques en particulier à la veille des grandes fêtes du régime, ne correspondaient pas toujours à la réalité. Lorsqu'on parle du lancement de la production en série de la ZiS-101 le 03 novembre 1936, on oublie souvent de mentionner que seulement 2 voitures ont été assemblées à cette date. De plus il ne s'agissait pas de production à la chaîne, mais de voitures produites à la main, comme celles qui avaient été réalisées en avril 1936 pour leur présentation aux membres du Parti et du gouvernement. De nombreuses pièces ne correspondaient pas aux plans et l'assemblage avait eu lieu dans les sous-sols de l'atelier de production de boîtes de vitesses. C'est un chose dont les reportages officiels se passaient bien d'évoquer.
Dès les premières étapes de son développement, ce modèle de catégorie supérieure avait fait l'objet d'une attention particulière de la part des dirigeants du pays. Et il était vu par la presse soviétique comme le porte-drapeau de l'industrie automobile nationale. Dès 1932, ZiS avait rejeté l'idée de produire le même modèle de Buick américaine que celui fabriqué par l'usine de "Krasnij Putilovets" de Leningrad.
Puis est arrivé chez ZiS, le modèle Buick 1934. Après démontage, il est analysé soigneusement et l'on commence à préparer toute la documentation technique nécessaire à la production de son moteur, de sa boîte de vitesse et de son châssis. Pour la carrosserie on décide de faire quelque chose de plus moderne. Le responsable de l'atelier de carrosserie I. German a réussi à convaincre le directeur de l'usine I. Likhatchev. Quatre maquettes différentes sont réalisées. Comme à l'habitude du directeur de gérer les affaires de l'usine à sa manière, ces propositions sont toutes rejetées et il faut redessiner la carrosserie à son goût. A noter que les maquettes devaient être vue à la fois par le directeur mais aussi par le commissaire au peuple pour l'industrie lourde, G. Ordzhonikidze. Ensembles ils donnent enfin leur accord pour la mise en production.
On décide d'envoyer la maquette à l'étranger pour la fabrication des matrices d'emboutissage. C'est la société américaine Budd qui est chargée par Likhatchev de cette réalisation. Mais en route pour les Etats-Unis, le directeur de l'usine prend une décision inattendue et ordonne de confier à la Carrosserie Chausson, en France l'étude d'une nouvelle carrosserie. Les Français dessinent donc une nouvelle voiture mais sans savoir quels en seront les soubassements techniques. En voyant ces dessins, I. German se prend littéralement la tête entre les mains ! Plus tard il s'avère que Budd ne travaille pas sur la carrosserie mais seulement pour les équipements pour la produire. Il faut débourser de l'argent supplémentaire pour que des ingénieurs conçoivent en Amérique son ossature en bois. Mais, naturellement, on ne tient pas compte des capacités de production de ZiS. Quoiqu'il en soit, Budd respecte les délais et renvoie à ZiS les matrices, les moules, les gabarits et les 500 pièces frappées lors des tests d'emboutissages.
Selon le plan, en 1936 l'usine était sensée produire 2,000 ZiS-101. Mais les délais n'ont pas été tenus. Cette grande usine n'avait pas su gérer les cadences infernales imposées par les dirigeants du pays. Elle n'a tenu ni ses engagements pour la production de voitures particulières, ni pour les camions... puisque qu'avec seulement 7,200 véhicules produits, elle n'a rempli les objectifs du plan qu'à 87%.
De sombres nuages s'accumulent sur l'usine. Une atmosphère lugubre règne aussi dans le pays : dans les ateliers de l'usine, on parle tout bas de la mort mystérieuse du commissaire au peuple Ordzhonikidze alors que peu de temps auparavant les ouvriers lui montraient avec fierté les deux premiers exemplaires de ZiS-101...
Dans l'atelier d'emboutissage, à sa mémoire est créée une nouvelle brigade stakhanoviste, portant le nom de Sergo. Les stakhanovistes se sont engagés à éliminer l'un des points faibles de la fabrication de la nouvelle voiture : certaines pièces n'étaient pas fournies par les presses de l'usine.
La question de la mauvaise qualité de la ZiS-101 est l'un des principal point mis à l'ordre du jour de la conférence technique qui se tient en février 1938. Les discussions ont lieu dans une atmosphère très tendue. Car à la même époque sont arrêtés et condamnés le chef du bureau d'études, D. Bondarev, le responsable des fabrications E. Vazhinski, l'adjoint au responsable de l'ingénierie E. Einstein, le responsable de production P. Bogdanov, le responsable de l'atelier d'emboutissage A. Evseev et son adjoint V. Chimanovski et d'autres employés de l'usine. Personne n'ose s'élever contre ces
arrestations.
La question de la qualité de la ZiS-101 a duré des années. Le 24 août 1940 est publié le décret du PCUS de l'URSS "pour l'amélioration de la qualité de la ZiS-101". Il mentionne les défauts inadmissibles pour le porte-drapeau de l'industrie soviétique : des odeurs d'essence dans l'habitacle, le bruit de la boîte de vitesses, les craquements de carrosserie, les vibrations dans le volant, les pannes de l'horloge ou des essuie-glaces. Likhatchev, qui vient d'être nommé commissaire au peuple pour la construction moyenne, est réprimandé pour "avoir caché ces défauts au gouvernement" et N. Volkov qui l'avait remplacé au poste de directeur de ZiS est renvoyé.
Après le transfert de la fabrication de la voiture dans un nouvel atelier, l'usine a atteint la cadence de production de 17 ZiS-101 par jour. Un rythme très élevé pour une voiture aussi chère ! La ZiS-101 (et la ZiS-101A) restera la voiture de prestige la plus produite de toute l'histoire de l'automobile soviétique. Entre le 3 novembre 1936 et le 07 juin 1941 l'usine moscovite en aura fabriqué 8752 exemplaires.
Légende des photos :
- Illustration de la ZiS-101 par Alexandre Zakharov pour la rubrique historique de Za Roulem. La voiture était produite en noir, en bleu foncé, en vert foncé et en beige clair.
- Les ouvriers devant la 4,000ème limousine ZiS-101 en novembre 1938.
- Une ZiS-101A destinée au garage du Kremlin. Après les sévères conclusions de la commission d'Etat dirigée par l'ingénieur Tchoudakov, la voiture a été modernisée. En particulier, le métal a remplacé l'ossature grinçante en bois. Cette version portait le nom de ZiS-101A et a été produite à partir de 1940.
- Timbre-poste avec la ZiS-101 datant de 1974. L'illustrateur A. Kovrizhkine n'a pas oublié les détails comme le porte bagages archaïque se repliant au dessus du pare-choc arrière.
Lu sur : http://www.zr.ru/a/377692/
Adaptation VG