Il y a 50 ans, le 14 juin 1961, était produit en RDA à Karl-Marx-Stadt (désormais Chemnitz) les premiers exemplaires pilotes de la camionnette Barkas B1000.
En russe comme en allemand, le terme "barkas" désigne la même chose. Une barcasse. Cette dernière est définie comme tel dans le dictionnaire : "C'est le bateau à rame le plus gros, destiné à transporter une ancre, des personnes ou des marchandises...". C'est sans doute pour cela que les ingénieurs du bureau d'étude de l'usine VEB Zentrale Entwicklung und Konstruktion für den Kraftfahrzeugbau (VEB ZEK) ont choisi ce nom. Ils avaient été chargés de créer un véhicule utilitaire d'une capacité de 1 tonne capable d'atteindre la vitesse de 100 km/h. En Allemagne on désigne ces utilitaires sous le nom de "Schnell-Laster" ou camions rapides. La conception a débuté dès 1950 mais la jeune démocratie allemande changeait si rapidement qu'après cinq ans la VEB ZEK a revu totalement les plans du futur véhicule. De plus, les restrictions de métal en provenance d'URSS imposaient d'être attentif à son poids et ses dimensions. Et comme on prévoyait qu'il soit une camionnette à traction avant, il fut décidé d'adopter une structure monocoque.
Avec sa suspension indépendante à barres de torsion et sa traction avant, le premier prototype de cette camionnette classiquement désigné sous le nom de L1, fût achevé en 1956. L'année suivante des prototypes de minibus et de fourgon mixte (marchandises et passagers) furent également construits.
C'est l'entreprise nationale VEB Kraftfahrzeugwerk FRAMO Hainichen située comme son nom l'indique à Hainichen qui était destinée à produire le futur véhicule. C'était l'ancienne usine Framo, fondée par Jorgen Skafte Rasmussen (créateur également des motos et des voitures DKW). Pour les soldats allemands de la Seconde Guerre Mondiale, les ambulances Framo étaient synonyme de délivrance et de retour du front. Mais les autorités de la RDA ne voulaient pas que ce genre d'association soit fait avec la nouvelle camionnette et elles décidèrent de renommer l'usine en 1957. Chose faite en 1958 lorsque l'usine reçoit le nom de VEB Barkas-Werke Karl-Marx-Stadt.
En 1958 la camionnette, qui porte encore le nom de L1 et a déjà sa forme définitive, subit ses tests d'homologation. De 1956 à 1961 les différents prototypes construits auront parcouru plus d'un million de kilomètres.
Le premier exemplaire qui tombe de la chaîne d'assemblage porte le numéro de châssis 40 009. La première série de 39 véhicules comprend également des ambulances, deux fourgons mixtes et deux minibus de 11 places.
Les Allemands ont démontré que malgré le démantèlement de leur appareil productif en 1945, la fuite de nombreux spécialistes à l'Ouest et toutes les limitations et interdictions imposées par l'Union Soviétique, ils étaient capables de créer un véhicule tout à fait décent. Bien que le Barkas B1000 était équipé d'un moteur obsolète poussé dans ses derniers retranchements, il surpassait en terme de volume utile, de capacité de chargement, de design, et d'ergonomie, les RAF Latvia ou UAZ-451. Le Barkas se distinguait également face à ses analogues occidentaux. Les visiteurs de la foire de Leipzig de 1962 ont pu s'en convaincre lors de ses grands débuts internationaux. Hélas le système socialiste préparait le Barkas à une longue vie et au fur et à mesure que les années passaient il perdait tous ses avantages.
Les tentatives répétées visant à l'améliorer se limitaient à des modifications, sans lesquelles il ne pourrait plus être vendu sur les marchés étrangers. Le Barkas a ainsi reçu un double circuit de freinage en diagonale ou des feux plus gros. Le moteur trois cylindres deux temps 900 cm3 AWE-311 de Wartburg 311 fut remplacé en 1962 par le 991 cm3 (AWE-312) qui développait la puissance moins humiliante de 42ch (contre un pathétique 28ch auparavant). En 1969, un système de refroidissement supplémentaire a été imposé pour éviter la surchauffe moteur. Soulevée à plusieurs reprises, la question du remplacement du 2 temps par un 4 temps fut constamment reportée. En mai 1969, l'usine fabrique un prototype de Barkas B1000 équipée d'un moteur de Moskvitch-412. Un projet réalisé dans en coopération dans le cadre du Comecon (Conseil d'assistance économique mutuelle). Mais l'URSS refuse finalement d'allouer ses moteurs car la Moskvitch-412 est alors un produit générateur de devises à l'exportation.
Le Barkas continue à se contenter de ce qui est disponible. Il rencontre cependant un certain succès même en dehors de la RDA. C'est le 22 février 1980 qu'est fabriqué le 100,000ème Barkas B1000.
Les tentatives à la fin des années 60 de faire un Barkas diesel, d'installer des freins à disques ou de porter sa charge utile à 1,3 tonne sont restées infructueuses. Quelles ont été les vraies évolutions ? En août 1977 il perd son embrayage hydraulique. En octobre 1979, le boitier de direction est remplacé par un ensemble plus moderne. En 1985, un embrayage à diaphragme fait son apparition. Mais la plus grosse évolution reste la porte latérale coulissante installée en juin 1987 !
En 1989, alors qu'on commence à rêver de la réunification des deux Allemagne, le Barkas voit apparaître un moteur 4 temps, fabriqué sous licence Volkswagen. La camionnette reçoit alors le nom de Barkas B-1000-1. Cette nouveauté a joué un rôle... psychologique : les Ossi ne se sentaient plus retardés avec ce moteur 4 temps. Le sort de l'usine Barkas de Hainichen était pourtant scellé. L'assemblage était réalisé selon des méthodes primitives et le Barkas n'avait toujours pas de freins à disques...
Le 10 avril 1991 le dernier exemplaire de Barkas quitte la chaîne. Un évènement célébré dans une réelle tristesse car ce véhicule avait accompagné plusieurs générations d'Allemands de l'Est au cours de ces longues années. Au total, l'usine a fabriqué 175,740 Barkas B1000. L'outil de fabrication a été démonté et on a perdu sa trace à Saint-Pétersbourg et à Kazan...
Légende des photos :
- Le Barkas B1000 est l'un des exemples les plus brillants du design de la RDA et il se distinguait fortement du Combi de VW, produit de l'autre côté du rideau de fer.
- Le Barkas B1000 se distinguait par sa suspension indépendante à barres de torsion longitudinales à l'arrière et transversale à l'avant. Le moteur peu économique était compensé par la transmission avec roue libre. L'éclaté montre le fourgon Barkas dans sa version de base.
- Le Barkas B1000 disposait d'une cellule de chargement spacieuse avec un plancher plat et bas. Ses dimensions - 2570x1676x1430mm - et une capacité de 6,4 m3.
- En 1965, la gamme Barkas est complétée par une version plateau ayant une capacité de charge de 1050kg. Comme le Framo, la partie cabine de la carrosserie autoporteuse est fixée à un demi-châssis à longerons.
- Le Barkas a été livré à la NVA - Nationale Volksarmee (l'Armée populaire nationale).
- Sur la base de la version à demi-châssis a été réalisé de nombreuses versions spéciales comme ce camion échelle B1000 FR-DL.
- Le minibus B1000 avait une porte latérale coulissante et sa sécurité passive répondait aux normes européennes.
- La production du dernier exemplaire de Barkas en 1991 s'apparente à une cérémonie funéraire.
- Les Moscovites se souviendront peut-être du magasin "Leipzig" sur la Leninski Prospekt, où l'on vendait ces jouets à l'échelle 1:25 de la marque nationale Anker.
- Cette ambulance figure sur un timbre de la RDA, la République Démocratique Allemande.
- Voici une tentative assez réussie de restyling datant de 1988. Malheureusement, le Barkas a conservé son dessin datant des années 60.
- En 1982 dans le district de Torgau, en Saxe, a été inauguré le parc national Dahlehen Heide où était utilisé cet inhabituel B1000.
- En 1983, suivant l'exemple de l'usine soviétique RAF, les Allemands ont contruit avec les Finlandais une ambulance similaire sur châssis Barkas. Toute la partie arrière de cette version appelée B1000 KK/SMH-3 est en plastique thermoformé, fournie par le fabriquant de remorque Bastei. Cette ambulance pesait plus de 2,2 tonnes pour une puissance de 45ch.
Lu sur : http://www.zr.ru/a/326261/
Adaptation VG