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ZiS-110 : 'Héros de l'Union Soviétique'.

Cette voiture a vécu sa jeunesse durant une période particulièrement dramatique. Elle est le symbole du pouvoir des vainqueurs du fascisme, des participants aux grandes batailles de la guerre froide, et le témoin du dégel de Khrouchtchev. Za Roulem l’a rencontré sur l’asphalte et sur les pavés de la Place Rouge.

Quand en sortant de la rue Nikolskaya, vous pénétrez au volant de la voiture sur les pavés de la Place Rouge, avec à votre gauche le Goum, et à votre droite les coupoles du Musée d’Histoire Nationale et les cubes en marbre du Mausolée, que vos yeux se pose sur le drapeau rouge qui orne le logo de capot, vous sentez un coup de froid. Vous avez l'impression que derrière vous, au-delà de la séparation en verre, se tient sur la banquette confortable une personnalité inquiétante... Pourtant, nous ne sommes plus en 1946, quand la ZiS sortait à peine, mais en 2008.

La rumeur courait (il en existe tellement qu’on ne regarde même pas la voiture elle-même) que le « Petit Père des peuples » a lui-même demandé qu’on copie la Packard américaine pour créer la voiture portant son nom. Rappelez-vous que ZiS signifie « Usine du nom de Staline ». De nos jours, personne ne saura dire si c’est vrai ou pas. Ce qui est sûr est que la décision de concevoir une voiture digne des hautes sphères n’a été prise qu’au sommet de le l’Etat.

La voiture, c’est vrai ressemble à une Packard d’avant-guerre, mais n’en est pas totalement une copie. Cependant la ZiS devait remplacer les Packard qui se trouvaient dans le garage des hautes personnalités du Kremlin et qui avant la guerre véhiculaient les dirigeants de l’Etat. Mais Staline voulait sa propre voiture. Voiture à laquelle le slogan « aux soviétiques, leur propre fierté » pourrait s’appliquer sans discussion.

La ZiS-110 est construite selon les standards américains de l’époque. Ce qui pour l’URSS et aussi pour l’industrie européenne est totalement inhabituel. Il faut s’imaginer dans ces années d’après-guerre quel fût l’étonnement des passants en découvrant dans la rue les premières ZIS-110 avec leur laque brillante et leurs chromes éclatants. La fiche technique avait également de quoi étonner : moteur 8 cylindres en ligne (disposition pourtant déjà dépassée dans les années 40), avec soupapes à poussoirs hydrauliques ne nécessitant pas de réglage, le starter et les volets de radiateur automatiques, l’ouverture du circuit de refroidissement en fonction de la température de l’eau ! Dans l’habitacle, on trouvait une radio (« superhétérodyne à 6 lampes » comme le précise la notice d’utilisation), une pendule, un chauffage puissant, un allume cigare. Et miracle technologique à cette époque, des vitres électriques, de même que la cloison de séparation d’habitacle. Une pompe électrique actionnait un vérin hydraulique entraînant la glace.

En soit, la voiture était parfaitement adaptée pour transporter les hauts dignitaires du pays. A une exception près : pour le sommet de l’Etat on a conçu la ZIS-115 blindée. Un modèle qui ne différait pratiquement pas du modèle habituel.

Il y a 60 ans de cela, on accordait peu de soin au chauffeur : la place conducteur est comptée. Autant que celle d’un pilote de char. Pourtant, derrière la banquette avant non réglable (!) on trouve un endroit aussi vaste que la cuisine de Khrouchtchev ! Le chauffeur se doit d’adopter une posture digne de sa fonction. Cela dit, il n’est pas si difficile de trouver une position confortable. Les mains sur la partie inférieure du volant, les jambes pas trop redressées et donc prêtes à appuyer sur les pédales extrêmement dures.

La ZIS-110 n’a pas de starter manuel. Il est électrique. On a estimé que pour une voiture de ce type il serait vulgaire de trouver un starter manuel. Quand on écoute le grondement du moteur, on a presque l’impression de pouvoir compter chaque tour du régime de ralenti. Et pour faire décoller les presque 2,5 tonnes (en ordre de marche !) de la voiture il faut appuyer comme un fou sur la pédale des gaz. Mais avant cela il faut bien s’habituer au levier de vitesse. La précision n’est pas forcément moins bonne que sur une Pobeda ou une Volga, mais le débattement est énorme. Peut-être que c’était moins sensible lorsque la voiture était neuve.

N’ayant pas réussi à enclencher la seconde, j’ai essayé de tromper la machine et passer de la première à la troisième. Mais le moteur n’avait pas pris suffisamment de tours. La voiture hoquète honteusement. Si l’on peut rouler à 35km/h en troisième, il faut déjà pouvoir atteindre cette vitesse en première (non synchronisée) ! Pourtant la puissance était énorme pour l’époque : près de trois fois plus de chevaux que sur une Pobeda : 140ch !

La conduite par à-coups et le tangage ne sont pas pour cette voiture. Il faut écrire avec des majuscules Confort de Conduite. A l’intérieur, impossible de savoir que l’on évolue sur des pavés. Ni le chauffeur, ni le premier personnage de l’Etat, assis dans un fauteuil confortable et menant les affaires du pays, ne ressent les irrégularités de la route.

Afin de ne pas perturber cette harmonie, il ne faut en aucun cas faire des mouvements brusques du volant. Car dans ce cas, vous percevrez d’abord un mouvement quasi-imperceptible du long capot, puis un autre dans le derrière : ce sont les torsions habituelles d’une carrosserie vieille d’un demi-siècle reliée en vingt points au châssis.

Avant les virages il convient de bien freiner, en appuyant fermement sur la pédale, enclencher la seconde (j’ai appris !), et inscrire en douceur le nez de la voiture dans la bonne direction. Si vous le faite trop vite, vous ressentirez les torsions désagréables de la carrosserie. Je ne sais pas à quelle vitesse voyageait les hautes personnalités il y a 50 ans, mais les chauffeurs de ces voitures étaient de véritables pilotes.

La ZiS-110 (ou la ZiS-115 blindée) a été utilisée pour transporter les hautes personnalités de l’Etat pendant plus de 10 ans. A l’époque il était impossible d’acheter cette voiture. C’était une voiture destinée à l’administration et à quelques personnalités du monde de l’Art. On a pourtant du mal à croire que la ZiS-110 a également servi de taxi et d’ambulance ! La voiture, créée pour Staline a également servi durant la période de dégel. Nikita Khrouchtchev aimait à parcourir les kolkhozes et les sovkhozes à bord d’une ZiS-110-m à 4 roues motrices. C’était plus simple et plus rapide que de construire des routes ! Mais ces temps nouveaux nécessitait d’avoir une nouvelle voiture de représentation qui ferait la fierté nationale. Jamais plus, on ne fabriquerait une limousine dans l’usine, qui après le 20ème congrès du Parti Communiste fût renommée de ZiS (Usine du nom de Staline) en ZiL (Usine du nom de Likhatchev) qui serait à la fois la voiture des hautes sphères, et un taxi ou une ambulance.

La production en série de la ZiS-110 avec son 8 cylindres en ligne de 6 litres et de 140ch a débuté en 1945. A côté des limousines standards, on a fabriqué des limousines blindées ZiS-115 (environ 40 exemplaires), cabriolet ZiS-110B, et ambulance ZiS-110A. Quelques versions à 4 roues motrices ont également été produites. Celles-ci, comme les limousines blindées, disposait d’un moteur poussé à 162ch. Les dernières ZiS-110 (l’usine s’appelait déjà ZiL) ont été fabriquées en 1958. La ZiS-110 a été fabriquée en tout à 2089 exemplaires.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/16633-geroj_sovetskogo_sojuza/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #ZiS, #110