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La Russie est le marché automobile qui bénéficie de la plus forte croissance. C’est pour Renault le meilleur moment pour prendre une participation chez AvtoVAZ a avoué Carlos Ghosn, lors d’une interview au journal russe Vedomosti.
Le français Renault a acquis vendredi 29 février une minorité de blocage dans AvtoVAZ. Les Français sont prêts à partager leur technologie et aider la marque Lada à se développer. Pour que ce contrat soit profitable au constructeur français, celui-ci doit aider AvtoVAZ a maintenir sa place de leader sur le marché russe assure le Président Carlos Ghosn. Lui qui, il y a quelques année, a réussi à sortir le japonais Nissan de la crise. Cela ne sera pas non plus facile chez AvtoVAZ mais Ghosn est persuadé qu’AvtoVAZ est une compagnie rentable et que dès cette année la Russie peut devenir le premier marché automobile en Europe.
- Pourquoi êtes-vous si enthousiaste sur le marché qui vient d’être conclu ?
- Grâce à ce contrat, Renault devient le plus grand groupe automobile en Russie, un marché qui a le plus grand potentiel de croissance. Le marché russe deviendra probablement dès cette année le plus important en Europe. Les prévisions de vente pour l’année 2008 en Russie sont de 3,2 millions de voitures. L’Allemagne qui pour l’instant occupe la première place du podium est à 3 millions de véhicules. Nous pensons que le marché russe pourra à l’avenir faire encore mieux. Actuellement en Russie on compte 150 voitures pour 1000 habitants. C’est très peu pour un si grand pays.
- D’après vous, pendant combien de temps se prolongera la croissance du marché russe ?
- Pour les cinq prochaines années je ne vois aucune raison pour que la croissance s’arrête. Je ne veux pas dire que le taux annuel de croissance restera à 25% mais je pense qu’on sera toujours sur des chiffres à deux digits.
- « Troika Dialog » a annoncé durant l’automne qu’AvtoVAZ pourrait faire son apparition sur les marchés boursiers de Moscou et de Londres. Il n’est pas exclu que cela se traduise par une nouvelle émission d’actions. Dans ce cas, la part de Renault dans AvtoVAZ ne diminuerait-elle pas ?
- Dans tous les cas, nous resterons propriétaire de 25% plus 1 action.
- Avez-vous l’intention dans l’avenir d’augmenter votre participation dans AvtoVAZ ?
- Non. Par ce contrat nous n’avons pas l’intention d’absorber AvtoVAZ mais d’en être le partenaire. Lors de la conférence de presse il a été dit [par la direction d’AvtoVAZ] que Renault a été choisi en qualité de partenaire parce que nous avons proposé le meilleur projet industriel. Il est important qu’il y ait une totale confiance en nous, parce que nous savons diriger une alliance dans laquelle chaque partenaire est content.
- Et Nissan pourrait se joindre à ce partenariat ?
- Financièrement, je ne pense pas. Mais comme Renault, Nissan coopérera avec AvtoVAZ d’un point de vue technologique et bénéficiera comme Renault de son immense tissu de fournisseurs.
- Quels changements vont avoir lieu dans la gestion d’AvtoVAZ avec l’arrivée de Renault ?
- Nous espérons que les méthodes de gestion seront les mêmes que celles existant dans l’Alliance entre Renault et Nissan. AvtoVAZ et Renault resteront des compagnies autonomes, mais vont chercher les points de convergence et échanger des technologies, des fournisseurs. Le conseil d’administration d’AvtoVAZ, avec à sa tête Boris Aleshine, continuera à diriger la compagnie, mais il aura Yann Vincent [nouveau Directeur opérationnel d’AvtoVAZ] comme assistant. Parallèlement nous allons créer chez nous, un Comité Stratégique, qui prendra des décisions sur les problèmes communs à Renault et AvtoVAZ. Ainsi, si AvtoVAZ dit tout à coup : « Nous voulons cette plateforme », ce Comité décidera si c’est possible. Il se réunira une fois par mois et comptera à partie égale des membres d’AvtoVAZ et de Renault.
- Allez-vous personnellement participer à la gestion de la compagnie russe ?
- Je vais devenir membre du conseil d’administration d’AvtoVAZ, pour souligner à quel point ce partenarait avec AvtoVAZ est important pour Renault. Je vais suivre ce projet et venir de temps en temps à Togliatti, mais pas aussi souvent que je vais au Japon ou visite des entreprises en France.
- C'est-à-dire que vous n’avez jamais eu l’idée de diriger AvtoVAZ ?
- Nombreux sont ceux qui me critiquent déjà parce que j’occupe deux poste à la fois : président de Renault et de Nissan. Je suis déjà fortement occupé par ces fonctions. Je ne peux donc pas faire le même travail en Russie. Par contre il pourrait y avoir cette possibilité pour nos hauts dirigeants, y compris Yann Vincent.
- La décision de la nomination de celui-ci a été prise par vous ou par AvtoVAZ ?
- C’était notre proposition, avec laquelle AvtoVAZ était d’accord. Il est important qu’entre Vincent et Aleshine il y ait déjà un bon contact. Je pense qu’ils forment la bonne équipe.
- Combien de spécialistes de Renault vont aller travailler chez AvtoVAZ ?
- C’est une question qui est encore à l’étude dans tous les départements du groupe - aux finances, à l’ingénierie, au marketing, etc... Il nous faut du temps pour comprendre les besoins d’AvtoVAZ. La décision sera prise avant la fin de l’année, quand Aleshine présentera le plan de développement d’AvtoVAZ. Mais dans tous les cas, je pense que le nombre de spécialistes sera adéquat. Nous ne voulons pas déplacer ici une armée entière. Nous n’avons pas l’intention de remplacer les professionnels d’AvtoVAZ par les nôtres. Nous n’avons pas autant de ressources à leur envoyer.
- D’après vous, les Français seront contents d’aller en Russie ?
- Yann Vincent, Christian Muller [ancien Directeur des Achats] et Hugues Demarchelier [Directeur de la Planification] étaient très contents. Nous n’obligeons personne à travailler là où il n’a pas envie. De mon expérience chez Nissan, je peux dire que si on veut qu’un projet fonctionne bien, il ne faut envoyer là-bas que les gens qui y croient. Il ne faut pas prendre les gens qui doutent.
- Et vous ? Combien de fois avez-vous déjà été à Togliatti ?
- Deux fois.
- Et cela vous a suffit à prendre la décision d’acheter la minorité de blocage ?
- La décision n’a pas été seulement prise avec ces deux voyages. Elle a été prise en discutant avec des gens, l’estimation des actifs et du potentiel.
- Votre équipe a sorti Nissan de la crise. Pouvez-vous comparer la situation d’AvtoVAZ, avec celle dans laquelle la compagnie japonaise se trouvait quand on vous y a envoyé ?
- Je ne crois pas qu’on peut faire ici des parallèles. Avtovaz est déjà une compagnie rentable, et elle travaille sur un marché en pleine croissance. Ce n’était pas le cas du japonais. En plus, Nissan était déficitaire. Le problème principal pour AvtoVAZ c’est sa gamme et son attrait à moyen et à long terme. L’usine a besoin d’une nouvelle plateforme, de moteur et de transmission. Nissan avait sa propre technologie, qu’il fallait certes renouveler, mais l’essentiel était de préparer une nouvelle stratégie à long terme.
- Vous savez déjà ce qui attend les dirigeants d’AvtoVAZ ?
- D’ici la fin 2008, le nouveau conseil d’administration doit présenter le plan de développement d’AvtoVAZ dans lequel seront décrits les principales voies de développement du consortium et les décisions en ce qui concerne la technologie et la gamme. Il faut prendre son temps et comprendre comment les équipes vont travailler ensemble, et identifier les points faibles et les potentiels de développement.
- Et vous avez de l’espoir pour un éclaircissement de l'avenir d'AvtoVAZ ?
- Je crois en l’équipe. Aleshine et Vincent sont des professionnels. Les actionnaires regarderont dans la même direction. Le milieu n’est pas non plus hostile. Vladimir Artiakov, le gouverneur de la région de Samara, qui comme vous le savez a dirigé AvtoVAZ, a commencé les négociations avec nous. En plus come je l’ai déjà dit, la Russie est un marché à fort potentiel. C’est un élément dans notre décision d’achat. Bien entendu il faut développer rapidement AvtoVAZ. Quand le marché se stabilisera cela sera une autre histoire. Nous ne devons pas tomber dans un piège en pensant que parce la compagnie est rentable aujourd’hui, elle le sera aussi parce que le marché aura changé.
- Et comment AvtoVAZ, Renault et Nissan vont se partager le marché russe ?
- Les modèles Renault et Nissan sont déjà complémentaires. Il va nous falloir positionner correctement la marque Lada dans l’alliance. Mais je vous promets qu’il n’y aura pas de doublons. Les Lada se distingueront des Renault.
- Ce que donne Renault à AvtoVAZ avec ce partenariat est très clair. Mais qu’est-ce que peut donner AvtoVAZ à Renault, hormis l’accès au marché russe ?
- AvtoVAZ a des capacités industrielles. Il est clair que tôt au tard elles seront disponibles aussi pour nous. Les fournisseurs d’AvtoVAZ peuvent devenir des fournisseurs de Renault. Il y a aussi des synergies dans le marketing et les ventes. Mais ce n’est pas ce qui est le plus important pour l’instant. Notre principale tâche aujourd’hui est de soutenir la marque Lada, pour qu’elle conserve sont leadership en Russie. Si nous voulons que ce partenariat nous soit profitable, il faut qu’AvtoVAZ devienne un élément clé de notre succès global. Si la marque Lada s’affaiblit, la motivation chez AvtoVAZ chutera, et cela ne sera pas bien pour nous.
Lu sur : http://www.vedomosti.ru/newspaper/article.shtml?2008/03/03/142726
Adaptation VG