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Qu’est-ce que les constructeurs de la Trabant ont voulu prouver et montrer ? Leur sens de l’humour ? (la Trabi était la source de blagues la plus populaire en RDA). Selon Werner Reichelt – le créateur de sa carrosserie en plastique - la réponse est claire : « Sensationnelle !!! La Trabant était véritablement sensationnelle ».
Ralf Keller, un habitant de Berlin, consulte chaque jour la météo avant sortir sa voiture du garage. Il choisit son véhicule en fonction du temps – quand il fait chaud et beau il roule en Kübel, quand il fait froid il préfère prendre sa 601. Quand il pleut, Keller oublie sa marque préférée et il prend la Volkswagen... « Il faut prendre soin de sa voiture » souligne-t-il. Il adore sa Trabi, le nom que lui a donné des centaines de milliers d’amateurs de la relique automobile de la DDR.
Rennpappe (le carton qui décoiffe), Plastikbomber (le bombardier en plastique), Asphaltpickel (le bouton – au sens médical - de l’asphalte) – voici les noms courants que la Trabant recevait aussi en Allemagne de l’Est. La Pologne la connait comme la « vengeance d’Honecker » ou la caisse à savon. Les Allemands de l’Ouest donnaient aussi des surnoms à leurs Volkswagen ou BMW. Dans les années 50, les voitures se ressemblaient tellement que plus personnes ne saurait les reconnaître. Mais là, il avait un détail qui changeait tout : le plastique. La carrosserie en plastique de la Trabi...
En 1955 un jeune ingénieur de Zwickau s’est rendu à la foire automobile de Leipzig au volant de la dernière P-70 – une berline construite sur un châssis en bois, disposant d’un bel espace à l’intérieur et d’un prix intéressant. Ce qui a fait sensation, c’est la matière dans laquelle était réalisée la carrosserie de la voiture : « A l’époque l’acier manquait en RDA » raconte Reichelt. On trouvait des fonderies uniquement en Silésie et en Allemagne de l’Ouest et son importation était impossible suite à l’embargo imposé par les Américains. C’était une situation difficile et presque sans issue pour les firmes automobiles. Le pays était en cette période était fasciné par les différents types de plastiques porduite l’usine de Bitterfeld, et c’est pour cela que le gouvernement de l’Allemagne de l’Est a décidé de l’utiliser »..
En janvier 1954 le Présidium de Conseil des Ministres de DDR a décrété que « pour résoudre le problème du faible nombre de voitures, il faudrait en créer une qui aurait 2 sièges en avant et 2 en arrière, qui pèseraient 600kg et consommerait 5,5l/100km. Le prix de fabrication de ce véhicule dont la carrosserie devait être entièrement en matière synthétique ne pourrait pas dépasser 4000 marks ». Le principal objectif était de produire 12 milles voitures par an. C’est l’Audi Werk Zwickau (AWZ, qui deviendra plus tard : Sachsenring Zwickau) qui eu la responsabilité de son étude et de sa production. C’est dans cette même usine que August Horch avait créé la marque légendaire - Audi.
Werner Reichelt venait de terminer ses études d’ingénieur, lorsqu’on lui fit une proposition qu’il ne pouvait pas refuser : concevoir à Zwickau la carrosserie en plastique d’une nouvelle voiture. Une vraie révolution dans l’histoire de l’automobile. Reichelt raconte: « J’étais conscient que pour les allemands de la RDA c’était une chance unique de construire leur propre voiture et ce projet devait marcher ». La P-70 dans laquelle il s’était rendu à la foire de Leipzig n’était pas totalement aboutie. A peine trois ans plus tard, le 7 novembre 1957 (le 40ème anniversaire de la Grande Révolution d’Octobre), la première P-50 a quitté la chaîne de production. Il s’agissait du premier exemplaire de Trabant même si ce nom n’existait pas encore.
Pour Reichelt c’était un succès précurseur. Le « Duroplast » - la matière synthétique de la Trabant - était fabriqué à base de coton et de résine. Même après la chute de mur, tous les contrôles techniques ont montré que les blagues sur la Trabant n’avaient aucune justification. Le Duroplast était non seulement insensible à la corrosion, mais en plus il était plus résistant aux petits chocs. Les caractéristiques techniques de la Trabant (moteur de 500 cm3, développant 18ch, puis 20ch) étaient comparables à celles des petits modèles de la RFA.
Cependant les différents modèles ne connaissaient aucune évolution, et de ce fait, 10 ans après son lancement, la Trabant était devenue une voiture démodée. Malgré le break, le pick-up, la version Tramp ou la version sportive, ce ne sont que quelques détails qui étaient améliorés. Techniquement elle n’a reçue aucune modification. Werner Reichelt ajoute : « Toutes nos propositions de modification de Trabant étaient toujours refusés et ignorés par le Gouvernement. La RDA avait peur d’une réaction de l’URSS qui n’acceptait aucune concurrence pour ses propres marques ». Ce n’est qu’ en 1989 que la Trabant a réussi à obtenir un moteur 4 cylindres sous licence Volkswagen (surnommée Trabpolo). C’était malheureusement trop tard car les Allemands de l’Est étaient déjà fascinés par les voitures de l’Ouest et il n’y avait plus de place pour la Trabant.
« Pourquoi tous les conducteurs de Trabant après leur mort vont directement au paradis ? Parce qu’en roulant en Trabi, ils ont déjà vécu l’enfer sur la Terre ».
Trabant en allemand signifie « satellite ». En référence au Spoutnik, lancé l’année de la fabrication de P-50. Le nom Trabant avait été proposé surtout pour exprimer la satisfaction d’avoir cette petite voiture. En plus, Trabant signifie aussi « accompagnateur ». Et cette marque allait accompagner les Allemands de l’Est tout au long des 50 années suivantes.
15 années sur liste d’attente. Alors que les Allemands de l’Ouest se moquaient de la Trabant, elle restait un objet de rêve pour chaque famille de l’Allemagne de l’Est. De plus, c’était un rêve longtemps attendu. En principe, la Trabant devait être « la voiture du peuple », comme Volkswagen en RFA, mais en pratique ce n’était pas si facile. Il fallait faire la queue pendant 15 ans, car la majorité de sa production était exportée vers la Tchécoslovaquie, la Pologne et surtout la Hongrie. Et les 12 milles modèles produits chaque année ne suffisaient tout simplement pas.
Renate, la femme de Eberhardt Wenke, a fait sa demande en 1978 et normalement elle aurait du avoir sa voiture en 1993 ! Malheuresement le dernier exemplaire de Trabi a été produit en 1991 et par conséquent madame Wenke n’a jamais pu obtenir sa voiture. Elle a juste conservé la confirmation de demande... en souvenir. Monsieur Wenke parle de sa Trabant avec une certaine nostalgie même s’il est bien satisfait de sa VW, « rapide, silencieuse et moderne ... pas comme une Trabant. Lorsque ma Trabi tombait en panne, je m’arrêtais, ma femme me lisait le manuel d’utilisation et pas à pas on réparait la voiture. Les collants ont souvent servi de courroie. Et aujourd’hui ? Quand mon véhicule tombe en panne, je suis obligé d’appeler la dépanneuse. J’ai peur de regarder moi-même ce gros moteur ».
« La Trabant est simple de construction, confirme Ralf Keller. C’est tellement simple et facile que nous pouvons le faire nous-mêmes ». Il sait ce qu’il dit. Et lui, il n’avait pas envie d’attendre 15 ans. A l’époque il en avait 19 et ses revenus étaient trop faibles pour s’en acheter une. « Paradoxalement, une Trabant d’occasion était plus chère qu’une neuve ». Il a donc trouvé une solution. A l’aide d’un copain il a réussi à se procurer des vieilles pièces et une épave. Il a avait aussi les papiers originaux. La construction lui a pris 15 mois et il lui a fallu beaucoup d’énergie et de temps mais... « C’est l’effet final qui m’importait car toutes les filles du quartier s’intéressaient à moi ! ».
Juste après la chute de mur de Berlin il a pu acheter enfin son premier modèle original de Trabant 601, un exemplaire datant de 1967. « Il était d’origine, rien de modifier ni de changer » - raconte-t-il avec une certaine fierté. « Son compteur carré, les interrupteurs, et pas de tuning ! En plus, elle roule toujours ! ». Keller le répare tout seul et cela lui fait penser à la période de la DDR. Cette année il s’est fait le plaisir de venir en Trabi à Zwickau pour fêter l’anniversaire de la marque. Il dit qu’en novembre il y a peu de courageux qui prennent le risque de rouler en Trabant (à cause de la neige et la pluie). Keller a voulu prouver que la Trabant est encore capable de rouler toute seule et pas sur une remorque ! Il a fait 300km en 4 heures à la vitesse moyenne de 70km/h. Impossible d’aller plus vite car la Trabant crie, hurle et tape. Comme le raconte la blague suivante :
« Un policier arrête un chauffeur de Trabant et lui fait la remarque :
- Votre compteur ne marche pas ? Comment pouvez savoir à quelle vitesse vous roulez ?
Le chauffeur répond :
- Pas la peine d’avoir un bon compteur. Comme je roule à 20km/h les vitres vibrent déjà, à 30km/h le siège aussi, à 50 ce sont les portières qui bougent et à 80km/h ce sont mes dents qui claquent ! »
Même les membres des fan-clubs de Trabant racontent des blagues. Depuis 1957 sont sorties plus que de 3 millions de Trabant. 16 ans après la fin de sa production, il y en a environ 52 milles qui roulent encore sur les routes allemandes (y compris 43 milles dans les länders de l’Est). En 1993, il y en avait encore presque 900 milles. En Allemagne, il existe quelques centaines de fan-clubs de Trabant. En Pologne il y en a une vingtaine. La Trabant a en Allemagne été l’objet de chansons et même au début des années 90, l’actrice principale d’une série de films fabuleux (GO Trabi GO). Les médias parlent actuellement de la renaissance de cette voiture culte. Lors du dernier Salon de Francfort a été présentée la maquette de la nouvelle Trabant qui devrait sortir dès l’année prochaine. La société qui va la produire affirme que le marché est intéressé. Elle cherche juste un fabricant pour sa carrosserie en plastique.
Ralf Keller, après son retour de Zwickau, lave sa voiture, graisse les joints et nettoie le plancher. Il ne sortira sa Trabi qu’au printemps prochain, et seulement sur des petites routes tranquilles. A partir du mois de janvier, seules les voitures respectant les normes anti-pollution pourront rouler à Berlin – une condition impossible à tenir pour la Trabant. « Même cette voiture culte va y perdre avec la nouvelle loi. Elle va disparaître de nos villes » dit Keller en fermant son garage. « Dommage », ajoute-il.
Lu sur : lien obsolète
Traduction Basia (aidée de Vincent)