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RAF : la chute de l'URSS aura eu sa fin.

De toute l’histoire automobile de l’URSS d’après-guerre, 1991 restera l’année la plus pauvre en nouveautés. Le pays était en pleine désagrégation et on s’occupait de problèmes tout à fait autres. C’est justement il y quinze ans, la dernière année d’existence de l’URSS, que le prototype RAF « Roxana » (code usine M1) fut présenté aux dirigeants d’une Lettonie, pratiquement devenue souveraine ...

Les hautes autorités locales avaient aimé la voiture et promis de trouver des investisseurs. D’autant plus que RAF était déjà prêt à lancer un deuxième véhicule, tout aussi intéressant, le « Stealth » (code M2). Hélas, ces deux projets allaient rester au stade de prototypes ... C’est d’autant plus dommage que les ingénieurs et les essayeurs de la Fabrique d’Automobiles de Riga (RAF) considéraient leurs prototypes suffisamment modernes pour affronter le XXIème siècle.

Au milieu des années 80, quand l’Union Soviétique vivait avec les espoirs de la perestroïka, RAF s’était occupé de près de la modernisation du modèle 2203. La demande pour le seul véhicule de ce type sur le marché était immense, bien que partageant le maximum de pièces avec la Volga, ce microbus de 12 places n’était pas exempt de défauts. La fiabilité de la suspension, des organes de direction et des freins était au plus bas. De plus, ces derniers, malgré deux amplificateurs hydrauliques (un sur chaque circuit) manquaient d’efficacité.

Les ingénieurs de Riga qui prévoyaient d’amener le RAF-2203 à un niveau acceptable, firent appel à Vladimir Andreevitch Mironov, collaborateur du centre NAMI, et partisan passionné de la traction avant. Il a créé une suspension simple et fiable rappellant un système Mac-Pherson simplifié. Mais il n’existait pas d’éléments de suspension de ce type en URSS et aucune société ne voudrait en fabriquer pour une entreprise aussi petite que RAF. Cette suspension conçue par Mironov a été surnommée par les ingénieurs de Riga « Mac-Miron ».

Mironov et le chef du bureau d’étude de RAF, Ivan Stepanovitch Danilkiv avaient également prévu une modernisation radicale des freins. Ils avaient adapté à l’avant le système de freinage de la Lada Niva. Une nouvelle colonne de direction rétractable était installée. Parrallèlement ils avaient rafraîchi le design du « Rafik » (son surnom) : une nouvelle calandre, de nouvelles vitres sur les portes avant, et de nouveaux rétroviseurs avaient fait leur apparition. Les essais menés en 1986 ont montré que non seulement la fiabilité avait augmenté, mais aussi la tenue de route de la voiture.

Mais le plus dur n’était pas encore fait. Il fallait persuader la direction de l’usine, et plus encore le Ministère des Transports d’accorder des moyens considérables pour industrialiser ces évolutions. RAF faisait tout pour faire des économies. On a décidé de faire la suspension : on prévoyait la fabrication d’une usine à Elgav. En 1989, pendant que les hautes sphères réfléchissaient à la décision finale, deux RAF-22038-30 modernisés entreprirent un « raid » vers Vladivostok. Les deux véhicules (avant le voyage l’un d’entre eux avait passé tous les tests d’homologation) sont revenus à Riga pratiquement sans problèmes. Malheureusement seule une version 22038-02 avec l’ancienne suspension a atteint le stade de la série. Comme cela arrivait beaucoup à cette époque. Pourtant ...

... Dans le pays commençait déjà une période d’espoir sans précédent et de projets grandioses. Plus grandioses que la modernisation de modèle ayant déjà près de 20 ans. Victor Davidovitch Bossert, le nouveau directeur de RAF, premier directeur en URSS choisi en interne (une vraie révolution !) proclama : « Nous ferons la voiture du XXI ème siècle ». Quel ingénieur ou designer ne répondrait pas présent à un tel appel ? Bossert organisa un concours patronné par le journal « Komsomolskaya Pravda » sur le thème du design d’un microbus. Y participèrent les spécialistes de quelques usines soviétiques, mais ce sont les designers de RAF qui remportèrent le concours. Ce n’était pas truqué : ils étaient simplement « plus dans le sujet ».

Initialement on prévoyait un véhicule traction avant, mais on est revenu à une configuration classique. Il serait plus facile d’amener ce projet à la production en série en s’appuyant sur des composants produits en URSS. Le prototype M1 au dessin signé par le Letton Vladimir Vassiliev disposait d’un moteur injection ZMZ-406 (le moteur soviétique le plus moderne de l’époque), une suspension Mac-Pherson issue de la futur limousine GAZ-3105, une boîte cinq vitesses d’origine UAZ. Pour le prototype il a fallu emprunter la crémaillère de direction et son assistance à une Ford. En 1990, ce minibus un peu semblable au Ford Transit (mais ce n’est pas du tout une copie !) a fait ses premiers tours de roues à Riga dans la rue Dountes, près du bureau d’étude de RAF.

Le prototype a été confié à la société britannique IAD, qui coopérait déjà avec NAMI et UAZ pour la création d’un fourgon 1,5 tonnes. Les Anglais ont fait beaucoup de travail en concrétisant la carrosserie et l’intérieur du « Roxana ». C’est d’ailleurs à cette époque qu’on lui a trouvé ce nom. Danilkiv et Mironov travaillaient déjà sur un autre projet : un véhicule avec un nez raccourci et... la traction avant. La fin des années 80 était prolifique.

Le projet RAF-M2 fut dirigé par le directeur adjoint du bureau d’étude Roman Popov. Le design était signé par NAMI, une maquette fut réalisée chez ZAZ, avec qui RAF avait de bonnes relations. Le moteur de la « Stealth », assemblée en 1993, était le même ZMZ-406. La suspension avant était à double barre de torsion, car il n’y avait pas la place pour une suspension de type Mac-Pherson. La suspension arrière rappelait dans son principe celle de la Moskvitch-2141. Les ingénieurs pensèrent également à une suspension pneumatique mais comprirent rapidement qu’il était encore un peu tôt pour une telle avancée. Ce prototype reçut encore une fois une direction de voiture étrangère, celle d’une Mercedes-Benz.

On ne réussit pas à faire des tests routiers. Les essayeurs, comme d’autres spécialistes, quittaient les uns après les autres une usine, qui comme de nombreuses autres en URSS, disparaissaient doucement. La carrosserie de la « Stealth » a cependant été testée en rigidité sur un banc vibratoire d’une usine de construction de wagons de Riga. Selon les ingénieurs, la voiture, ou tout du moins sa carrosserie montrait d’honnêtes résultats.

Les ingénieurs comptaient encore mener à la voiture à une production en petite série. Ils parcouraient les fournisseurs de l’ex-URSS, en tentant de trouver des pièces électriques, la boîte de vitesse, les vitrages. On envisageait de produire le « Stealth » dans l’atelier qui fabricait en petite série des fourgons et autres véhicules spéciaux sur base RAF-22038.

Le microbus a été montré sur diverses expositions. La presse, et bien entendu Za Roulem, ne l’oubliait pas et louait son design avancé. Mais il n’atteint même pas la production en petite série. Il était totalement utopique de vouloir le construire entièrement en Lettonie, et il n’intéressait pas du tout les autres usines des pays frères, devenus étrangers avec la chute de l’URSS. De plus, c’est à la même époque qu’a démarré en Russie la production de la « GAZelle ».

Ils font déjà partie de l’histoire. Tout a bien changé depuis la fin de RAF. Mais quand on voit les « Roxana » et « Stealth » on ne peut s’empêcher de penser que leurs créateurs avaient raison : « Au début du XXIème siècle ils ne seraient pas passés pour des dinosaures ».

Traduction des légendes :

  • Le prototype roulant RAF-M1 non totalement terminé avant son expédition chez IAD en Grande Bretagne.
  • Le RAF-M1 Roxana. La version réalisée par la société britannique IAD.
  • L’intérieur du Roxana aujourd’hui encore ne paraît pas archaïque, bien que réalisé il y a 15 ans avec des pièces issues de véhicules de grande série.
  • Lors de la réalisation du RAF-M2 Stealth il a fallu utiliser des pièces d’importation. Aucun phare ou feu fabriqué en URSS ne convenait à son dessin.
  • Le Stealth est le dernier modèle de la Fabrique d’Automobiles de Riga.
  • Pour attirer encore plus d’attention sur le projet, un deuxième Stealth a été construit : un prototype d’ambulance.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/12275-istorija_raf_pogublennyj_revolucijej/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #RAF, #Roxana, #Stealth, #Prototype, #Utilitaire