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En 1961 fut créé l’Institut Soviétique d’Esthétique Technique (VNIITE) et deux ans plus tard son « Département design transport ». Il était dirigé par Iouri Aronovitch Dolmatovski, qui fut rejoint au fil du temps par le gratin des stylistes automobile de l’époque : Valentin Rostkov, Vladimir Ariamov, Edouard Moltchanov, et de jeunes créateurs talentueux. Le premier travail du département fut l’étude du taxi du futur, le VNIITE-PT qui reste le plus important projet de l’Institut et qui lui apporta célébrité à l’étranger.
Ce projet donna l’impression que cette fois-ci l’Etat envisageait sérieusement la production d'un taxi spécialisé. On parlait même de la construction d’une usine en Arménie. Les designers avaient une liberté totale : de la rédaction du cahier des charges, de l’architecture de la voiture et de son style.
Les travaux ont commencé en 1963. Pour la première fois dans l’histoire du design du pays des études approfondie d’ergonomie furent menées. On compara le Volga GAZ-21 et le prototype du nouveau taxi VNIITE-PT. Pour les essais en laboratoire une maquette spéciale reproduisant l’habitacle du taxi fut réalisée. Elle permit de contrôler les différentes variantes d’aménagement, l’accès à bord, l’emplacement du coffre à bagage et de choisir les dimensions des portières. Grâce à cette maquette on a réussi à éviter de nombreuses erreurs. Par exemple, elle permit de trouver une solution originale pour le réglage longitudinal du pédalier, permettant une position définitive du siège conducteur. De plus, le siège était réalisé en polyuréthane expansé, ce qui permettait de se passer d’habillage et de ressorts et réduisait considérablement le prix de revient.
Plus généralement, la réduction des coûts et la rationalisation de sa construction étaient la pierre angulaire du projet. C’est la raison pour laquelle la carrosserie est réalisée selon le principe de la carcasse recouverte de panneaux en plastique (un technique encore d’avant-garde à l’époque). Le premier prototype roulant, construit en un an, avait donc un châssis cage en acier et des panneaux en polymères. Le style et la forme du taxi étaient définis par des considérations purement pragmatiques : facilité de fabrication et facilité de réparation. Les designers avaient bien compris qu’ils allaient créer un véhicule très spécifique, véhicule de transport collectif, dont les dimensions se rapprochaient d’une voiture particulière. C’est pourquoi le design de ce taxi s’affranchissait des attributs traditionnels du design automobile, par exemple le prestige et la mode. Dans cet optique l’équipe de designer a proposé une clef en plastique, qui au premier regard pouvait sembler trop utilitaire et trop schématique. La silhouette se distinguait par la forme simple des flancs divisés en trois parties, son empattement court, un porte-à-faux avant excessivement grand, et un pare-brise panoramique. Tout ceci avait son explication. L’empattement permettait d’améliorer les manœuvres, le porte-à-faux d’installer la place du conducteur, et le pare-brise d’augmenter la visibilité. On pensait que le principe « Forme & Fonction » qui avait guidé sa création serait à la base de son succès. Pourtant la comparaison du style du prototype VNIITE-PT avec la Volga GAZ-21, qui était le taxi traditionnel de l’époque, n’allait pas à l’avantage de la première.
Aujourd’hui cela peut facilement s’expliquer. La Volga avait eu le temps de s’imposer comme une « voiture de rêve ». Sa forme et son style, dans la conscience soviétique, étaient solidement liés à la magnificence improbable du « baroque made in Detroit » découvert pour une première fois à la grande « Exposition des réalisations industrielles des Etats-Unis » organisée à Sokolniki en 1959. Le design du concept PT était trop rationnel, son dessin trop statique et sans éclat. Il n’a pas convaincu non plus lors des présentations aux hauts fonctionnaires de l’Etat. Et sans leur accord, il était impossible de construire une voiture en URSS. Peu à peu le prototype est tombé dans l’oubli.
Pourtant, le projet du VNIITE a laissé une trace dans l’histoire du design soviétique. Son professionnalisme et ses solutions inédites ont été également été reconnus à l’étranger. Ainsi par exemple, en 1968, le directeur du VNIITE, I. B. Soloviev a reçu un courrier de New York, dans lequel le Maire de la ville, ayant appris l’existence du projet dans une revue, et parce qu’il était concerné par la problématique des taxis, proposait à l’Institut moscovite de réaliser le projet. Naturellement aucune négociation n’a eu lieu (imaginez un contrat entre l’URSS et les USA à cette époque), mais on peut s’imaginer à quoi aurait pu ressembler les rues de New York avec au milieu des taxis Chevrolet et Checker, un taxi jaune à la silhouette caractéristique avec une petite plaque sur laquelle on aurait pu lire « Design Russian ».
Lu sur : http://www.automobili.ru/csn/05-2000/them-n/them-n3.htm
Adaptation VG