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Saviez-vous qu’au début des années 1990, à Elabouga et à Mendeleïevsk, des villes situées près de Naberezhnie Tchelny, on fabriquait des véhicules tout-terrain ?
En juillet 1990, d’anciens employés de KamAZ puis d’ElAZ - parmi lesquels Viktor Ignatiev et Alexandre Chapovalov du département des équipements et outillages complexes de KamAZ, d’Alexandre Zhitine, alors adjoint au directeur technique de KamAZ et directeur de l’usine de construction de machines-outils, d’Osvald Petkevitch de l’usine de presses et de châssis, et d’autres personnes - créèrent l’Association de coopération commerciale « Avtokam ».
Il fut décidé de lancer la production de voitures particulières selon une méthode nouvelle pour l’Union Soviétique : acheter les pièces détachées à l’étranger, et assembler les véhicules sur les rives de la Kama. Aujourd’hui, cette méthode est largement connue sous le nom de CKD/SKD.
Après avoir étudié de nombreuses options, un contrat fut signé avec une société intermédiaire anglaise, FSW International Ltd, qui s’engageait à fournir à la société tatare les composants nécessaires assembler de ces nouveaux véhicules tout-terrain soviétiques. Contrairement à Toyota, Suzuki et Honda, qui n’acceptaient de livrer des pièces que si les véhicules finis étaient vendus exclusivement en URSS, la société du sud-est de l’Angleterre s’engagea à vendre jusqu’à 70 % des véhicules produits par les Russes sur les marchés européens.
La direction de « Avtokam » avait tout intérêt à travailler avec les Anglais. Les devises coulaient littéralement entre les mains des nouveaux hommes d’affaires. Personne ne soupçonnait l’escroquerie. Et pourtant !
Au départ, il était prévu que les véhicules seraient produits chez ElAZ à Elabouga, mais très rapidement les fabricants du 4x4 soviétique déménagèrent à Mendeleïevsk. La production prévue était de 25,000 véhicules par an : environ 10,000 à Mendeleïevsk et plus de 15,000 véhicules sur un autre site situé à Chouïa, dans la région d’Ivanovo. Il était encore prévu d’ouvrir des sites de production à Stakhanov (Ukraine) et à l’usine Kirov de Léningrad. L’objectif était d’atteindre une production totale de 100,000 « Ranger-Avtokam » par an !
Cependant, sur toute la courte durée de l’histoire de « Ranger-Avtokam », environ 50 véhicules seulement furent produits…
Et cela ne s’explique pas uniquement par le coût élevé des petites séries fabriquées avec des composants importés, surtout dans le contexte d’une inflation galopante durant l’effondrement de l’URSS et la transition vers de nouvelles conditions économiques. Le problème venait aussi d’une banale escroquerie des partenaires anglais, qui entraîna la faillite de l’Association « Avtokam » et l’arrêt de la production.
Viktor Ignatiev, alors directeur adjoint de la société « Avtokam Ltd » (1993–1994) se souvient :
« Lorsque l’Association “Avtokam” a été créée pour assembler des voitures à partir de pièces achetées, j’ai été invité en septembre 1990 au poste de concepteur en chef pour concevoir les équipements technologiques spéciaux, outils et outillages complexes, puis en 1991 nommé directeur de la société “Avtokam Engineering”. L’outillage nécessaire venait d’Angleterre. J’avais l’impression que les partenaires anglais ramassaient des pièces à la décharge, les moteurs étaient des moteurs reconditionnés. Très vite, nous avons refusé les composants anglais car commencèrent les vols et les entourloupes. Normalement, un moteur a un numéro de série ; ceux livrés d’Angleterre n’en avaient pas. Nous avons fait du bruit. Il fallait aller en Angleterre presque chaque année pour surveiller le chargement et l’expédition. Puis Jenikson, le directeur de la société anglaise, est venu à Moscou pour se justifier et demander encore de l’argent. Nous lui avons donné encore 5 millions de dollars. Mais le conseil d’administration a décidé d’enquêter sur lui ; une agence de détectives privés anglaise a été engagée et a mené une enquête. Il s’est avéré que sur les 10 millions de dollars déposés, 5 millions avaient disparu. Un procès a eu lieu, j’y ai témoigné. Marvels et Jenikson ont été condamnés à 2 et 3 ans de prison, et leur complice à un an. Mais nous n’avons jamais récupéré l’argent. Nous avons alors décidé de passer à des composants nationaux ».
Et malgré le fait que le 4×4, après l’abandon des pièces importées, était entièrement assemblé à partir de pièces russes, son sort était scellé. Les mesures entreprises n’ont pas donné les résultats escomptés. Grigori Rissine, président de « Avtokam », a annoncé la faillite de l’organisation, procédure achevée en 1994. Environ 400 employés se sont retrouvés au chômage.
Ainsi se termina l’histoire du tout premier et dernier assemblage en CKD/SKD de l’URSS. L’ère de nouvelles chaînes d’assemblage en Fédération de Russie était déjà à venir… mais ceci est une autre histoire.
Lu sur : https://dzen.ru/a/YDjsvd_D_X3CXchH
Adaptation VG