Chaque pays a ses héros dans la course automobile. Les Japonais ont la Toyota AE86 « Hachi-Roku », qui a brillé en rallye avant de se lancer dans le drift. Les Allemands ont la BMW M3 E30, qui a écrasé tout le monde en WTCC. L'URSS a également eu sa propre légende sur circuit.
Une carrosserie basse rouge vif, le son caractéristique du « Weber » horizontal, un minimum de roulis et une vitesse folle dans les virages, comme s'il ne s'agissait pas d'une banale berline familiale soviétique, mais d'une Formule Estonia de course. Sur les panneaux de porte, il n'y avait que le numéro 41 et l'inscription laconique MADI sur le capot noir. C'est ainsi que l'on se souvient de la Moskvitch 412 de course de Stanislav Guess-de-Calvé, créée au milieu des années 70 au sein du Laboratoire des voitures de sport (LSA) du MADI. Cette voiture avait un potentiel énorme et promettait de devenir un champion sur les circuits soviétiques.
Contrairement aux BMW et Toyota susmentionnées, la Moskvitch 412n'était pas la meilleure base pour une voiture de course. Mais est-ce que cela pouvait arrêter les ingénieurs soviétiques ? Maus au MADI on a réussi à faire l'essentiel : lire correctement les règlements pour tirer parti des « zones grises ». C'est ainsi que naissent les voitures, capables de gagner même sans le moteur le plus puissant et sans le pilote le plus remarquable. Adrian Newey et Gordon Murray ne dirait pas le contraire. Le fait que de tels génies aient travaillé chez MADI prouve une fois de plus la puissance de l'ingénierie soviétique.
C'est précisément les préceptes de Colin Chapman, en plus de la bonne « lecture » du règlement, qui ont fait la clé de la vitesse de la Moskvitch. Les concepteurs étaient littéralement obsédés par la lutte contre le surpoids. Le capot et les ailes ont été remplacés par des éléments en aluminium (conçues pour les rallyes). Toute la partie avant de la voiture a été découpée, et le manque de rigidité est compensé par l'allongement des montants avant de l’arceau de sécurité. Le métal superflu a été enlevé partout, en commençant par les parties intérieures des portes et en terminant par le remplacement des charnières du capot par une paire de câbles et l'installation d'un démarreur « léger » de ZAZ-965 au lieu du démarreur standard ! Résultat : le poids de cette machine « de combat » n'est plus que de 680 kg ! Pouvez-vous imaginer à quel point les gens étaient enthousiastes à l'idée d'avoir obtenu un tel résultat ?
En outre, on cherchait à obtenir une vitesse de passage dans les virages proches de celle des formules Estonia. Pour ce faire, la suspension a dû être rendue plus rigide et la voie a dû être élargie. Pour contourner l'interdiction réglementaire de remplacer les bras de suspension d’origine, on a fabriqué des joints à rotule uniques, qui rallongaient les éléments standard de 12 cm. Le point de fixation de la jambe de force de l'amortisseur a été déplacé vers le pivot du bras supérieur. La jambe de force elle-même provenait de la formule Estonia. Le règlement insistait pour que les ressorts d'usine soient conservés. Afin de se conformer au règlement, ils ont été remplacés par des ressorts en aluminium. La même chose a été faite avec la suspension arrière, en ne conservant qu’une lame de ressort, et la charge de la carrosserie sur l'essieu était transmise par des jambes de force de la formule Estonia. La cinématique nécessaire à la conception a été assurée par quatre leviers de longueur égale et par une liaison Panhard.
Et pensez-vous que l'unification avec la formule Estonia se limitait à cela ? Dans le carter de la classique Lada, on avait installé les pignons de la voiture de course. Par conséquent, il ne fallait que deux heures pour démonter la boîte de vitesses ! La plus grande facilité d'entretien est la qualité la plus importante d'une voiture de course pour adapter la transmission aux particularités d'un circuit. Autre détail inhabituel : les roues de la Moskvitch de course. Les Allemands ont des jantes BBS, les Japonais des Kosei, Enkei et autres. Mais ces fruits du capitalisme ne pouvaient pas être montés sur une voiture soviétique ! C'est pourquoi les roues ont été fabriquées à partir du train d'atterrissage d'un avion IL-18 ! Tout pour la vitesse ! Tout pour la victoire !
Par cette préparation, la Moskvitch s'est littéralement envolée ! Le moment le plus brillant a été la défaite de ces rivales lors d’une séance d’essais avant l'étape de la Coupe de l'amitié des pays socialistes à Minsk, sur la route de Borovaïa. Même les Tchèques, sur le coupé Skoda 130RS, ont été distancés ! Pour l'anecdote, ces Skoda, appelées les Porsche 911 « de l’Est », ont été créées à l'origine pour la course et présentaient une configuration plus favorable pour les circuits : moteur à l'arrière, moteur à double arbre et une vitesse de pointe de plus de 230 km/h ! Un an plus tard, ces Skoda remportaient une victoire convaincante au Rallye de Monte-Carlo 1977 dans leur catégorie.
La Moskvitch était nettement moins puissante que ses rivales tchèques, mais le châssis et l'habileté de de Stanislav Guess-de-Calvé ont permis à la voiture de remporter le rallye de Monte-Carlo en 1977 dans sa sa catégorie. Toutes ces rivales redoutables ont été vaincues par une berline soviétique ordinaire !
Malheureusement, la Moskvitch n'a pas réussi à obtenir de bons résultats. Ensuite, des problèmes de réglage capricieux du carburateur « Weber », puis l’inadaptation aux caractéristiques des pistes accidentées et un certain nombre d'autres facteurs. En plus de gagner en vitesse, une voiture de champion doit être exempte de maladies infantiles et avoir une petite part de chance. Si la saison suivante, le règlement n'avait pas été réécrit, ce qui a rendu illégal la plupart des astuces techniques de cette Moskvitch, les résultats n'auraient pas tardé à venir. Mais l'histoire ne supporte pas le subjonctif.
Lu sur : https://dzen.ru/a/Z1wX6LhR-jCrtm9M
Adaptation VG