L'art d'améliorer les voitures a commencé en Russie en équipant des Zaporojets de turbocompresseurs et est allé jusqu'à décorer des Mercedes avec des strass de Swarowski. Le tuning russe a parfois permis des percées en matière d'ingénierie, mais il peut aussi être considéré comme la manifestation d'un amour irrationnel pour l’automobile. Auto.mail.ru revient sur les principales étapes de l'histoire du tuning dans le pays.
L’URSS de 1970 à 1989 : la personnalisation.
Le surnom péjoratif de « Kopeïka » apparaîtra plus tard. Au début la VAZ-2101 était le « premier modèle », la « Edinitchka » c’est-à-dire pour beaucoup, l'unique (voiture). On l'achetait pour des décennies, pour être totalement exact, il s’agissait d’une union à vie. Et les Soviétiques la considéraient comme l'amour de leur vie. C'est ainsi que le tuning est apparu en URSS.
À l'époque, un automobiliste devait être capable de réparer et de remettre en état son véhicule par lui-même. Dans les années 70, la motorisation du pays avait atteint un niveau fondamentalement nouveau. Pour la première fois, en URSS, la voiture personnelle devenait un rêve réalisable pour des millions de concitoyens. Mais les stations-service faisaient catastrophiquement défaut et le magazine Za Roulem publiait dans chaque numéro des instructions de réparation : par exemple, comment démonter un panneau de porte pour réparer le lève-vitre. Parallèlement, ces mêmes panneaux ont commencé à être recouverts de velours.... En général, celui qui apprenait à réparer sa voiture avait envie de l'améliorer.
Un volant tressé, des housses de sièges spectaculaires, des rideaux et un pommeau de levier de vitesses en plastique transparent avec une rose à l'intérieur - au début, les automobilistes soviétiques n'avaient pas beaucoup d'occasions de donner à leur voiture une individualité ostentatoire. Mais dans un pays qui compte autant d'ingénieurs et de représentants « habiles » de la classe ouvrière, le perfectionnement de sa voiture s'accompagnait d'une autre forme d'ostentation. Petites trouvailles techniques, savoir-faire ou simples équipements supplémentaires faits maison, voilà ce que se disputaient les gourous du tuning populaire à l'époque où le mot lui-même n'existait pas dans la langue russe. Un conducteur d'aujourd'hui, peut-être, ne devinera pas pourquoi un dispositif tel que l' « anti-phares » (en russe « Antifara ») était nécessaire. Citation : « Le nom officiel de cette petite torche au verre bleuté (bleu-violet ou bleu-cramoisi) est un dispositif anti-éblouissement. L'Antifara est installé près du pare-brise et, lorsqu'il est allumé, crée un fond lumineux bleuté, grâce auquel les yeux s'adaptent environ un quart plus rapidement après avoir été aveuglés par les phares d'une voiture venant en sens inverse » (« Ton ami - la voiture », Moscou, Editions DOSAAF URSS, 1988).
Il semble que les avantages des « Antifara » n'aient jamais été prouvés, mais tous ceux qui voyaient cela sur le haut du pare-brise pouvait voir qu'il s'agissait d'un conducteur chevronné.
Certaines modifications sérieuses d’un point de vue technique sont apparues à l’époque soviétique. Par exemple, le montage d'un turbocompresseur fait maison (!). La mode des sorties d’échappement divisées, sortant à gauche et à droite sous le pare-chocs arrière, est apparue dans le pays à la même époque. Mais la plupart des adeptes de la personnalisation expérimentaient des solutions plus simples : par exemple, des balles de tennis enfoncées dans les ressorts arrière pour améliorer les caractéristiques de la suspension. Elles se transformaient en lambeaux après quelques dizaines de kilomètres, mais cela ne gênait personne.
Les extrémistes recherchaient des solutions qui n'avaient pas d'analogues dans le monde, et certaines pièces destinées à l'amélioration des moteurs étaient même produites par des commerçants clandestins et vendues sous le manteau auprès des magasins de pièces détachées. Par exemple, des semelles de carburateur magnétiques ou des cônes magiques « Bout-Ko » - quelque chose qui ressemble à un dé à coudre percé de trous, qui devait être installé sous le carburateur pour une meilleure atomisation de l'essence. Les experts de Za Roulem, en collaboration avec l’Institut NAMI, ont même effectué des tests sur banc d'essai de cette invention, prouvant que ce dispositif n'apportait rien d'autre qu'une baisse de puissance et une augmentation de la consommation de carburant !
Certaines personnes expérimentaient le gaz liquéfié. Pas en installant un équipement GPL, permettant (comme aujourd'hui) d'utiliser du gaz à la place de l'essence, mais en essayant d'alimenter simultanément (!) les cylindres en essence et en gaz. Un autre mythe courant était lié à l'idée d'injecter une petite quantité d'eau dans les cylindres, ce qui augmente légèrement l'indice d'octane et permet d'avancer l'allumage. Les amateurs plaçaient sous le capot un banal bidon d'un litre avec un couvercle hermétique et des tuyaux comme un narguilé. L'air, avant d'entrer dans le collecteur d'admission, passait par ce bidon, dont les vapeurs d’eau étaient censées réduire la détonation.
Aujourd'hui, lorsqu'on pénètre dans l'habitacle d'une voiture tuning, on constate souvent que le tableau de bord, tel un arbre de Noël, est couvert de cadrans supplémentaires indiquant la pression du turbocompresseur, la température d'huile et d'autres paramètres de la voiture. On pouvait voir la même chose dans les Zaporojets des années 1980 : voltmètre, ampèremètre, tachymètre (ce dispositif familier n'était pas considéré comme obligatoire dans les voitures jusqu'à une certaine époque). Les conducteurs raisonnables se limitaient bien sûr à des modifications plus modestes et moins controversées : par exemple, l'installation de feux stops doublés derrière la lunette arrière.
1990-1999. La folie collective.
Le jour de mes 18 ans, mes amis de l'institut m'ont offert un volant « sport ». Ils savaient que dans quinze jours, je passerais l'examen du permis de conduire et qu'il y avait de fortes chances que mon père me donne sa « Chesterka » pour s’assoir dans une « Deviatka » neuve. Dans les années 1990, le volant fin monté de série sur les VAZ « classiques » ne correspondait pas à l'idée du type de volant qu'une voiture doit avoir. Mes camarades de classe l'avaient compris à 100 %. La nécessité d'un léger tuning était donc aussi évidente que celle de mettre de l'essence dans le réservoir.
Dans les années 1990, les voitures russes dans leur forme de série ne satisfaisaient pratiquement personne, mais nombreux étaient convaincus qu'avec quelques efforts, il était possible de faire d'une voiture russe presque une voiture étrangère. Des luxes, comme la climatisation, les jantes en alliage, un système audio de qualité et une bonne isolation phonique, n'étaient jamais disponibles dans les Lada, Moskvitch et Volga - et, enfin, le marché de l'équipement supplémentaire et des accessoires automobiles avait fait son apparition dans le pays. Les automobilistes avertis commençaient à monter des sièges Recaro, des jantes BBS, des freins Brembo, et certains d'entre eux savaient même en quoi un simple becquet diffère d’un aileron.
Sur les circuits russes, les « Vosmerka » noires et jaunes de l'équipe Miller Pilot avaient fait leurs débuts, caractérisés par des appendices aérodynamiques spectaculaires, et le rêve de tous les propriétaires de Lada était d'avoir des pare-chocs aussi époustouflants. Leurs propriétaires pouvaient encore s'accommoder du fait que les performances et le confort ne sont pas les points forts des voitures russes. Mais le style inexpressif et démodé des modèles de série - ce n'était plus possible. D'ailleurs, la « Deciatka », qui a fait ses débuts dans les années 1990, s'est avérée être presque la principale déception de l'industrie automobile russe en raison de son design. Si les modèles de la famille Samara ont été méchamment appelés « Zubilo », la nouveauté de Togliatti était surnommée « l’antilope gravide » pour ses formes gonflées, ce qui montre bien la manière dont on la méprisait.
Les pare-chocs tuning, les bas de caisse, les larges baguettes latérales étaient appelés à masquer ses défauts, mais les kits aérodynamiques de qualité sont restés rares jusqu'à la fin des années 90. Dans une tentative désespérée de rendre l'apparence de la voiture plus « cool », les propriétaires teintaient les vitres, ajoutaient des « paupières » ou des « lunettes » aux phares, remplaçaient les clignotants jaunes par des clignotants blancs....
À la même époque, la mode était de surélever l'arrière de la voiture en insérant des entretoises dans la suspension. Cela semblait lui donner une allure agressive, mais en fait, les performances du châssis n'en étaient que plus mauvaises. Avec cela, il était hors de question de tirer une tenue de route sportive. Si, dans les années 1990, la mode était aux Lada surélevées, dix ans plus tard, la tendance s'inversera à 180 degrés : les conducteurs découperont massivement les ressorts pour abaisser leur voiture. Il est évident que la course réduite de la suspension ne permettait pas d'amortir normalement les bosses et, dans ce cas, la précision de conduite et le confort étaient sacrifiés. Mais la mode est la mode, et elle s'est surtout répandue dans les régions méridionales. Il existe même un dicton qui dit que « plus les montagnes sont hautes, plus les Priora sont basses » !
Les conducteurs ayant une longue expérience essuieront une larme de nostalgie en se souvenant des noms des bureaux de tuning « Lada Engineering » et « Torgmach ». Ces entreprises ne s'intéressaient guère au visuel, mais s'occupaient sérieusement de la mise au point des voitures, en utilisant dans leurs projets des développements de la course automobile. Leurs « Deviatka » et « Deciatka » ont reçu des moteurs poussés, des suspensions sportives et des freins puissants. Les vrais pros tiraient environ 125 ch de la VAZ-2109 contre 73 ch pour la version de série, équipaient la voiture d'un différentiel autobloquant, de bras de suspension avant et de rotules de direction non standard, ainsi que de puissantes barres stabilisatrices. On trouvait des freins à disque « aux quatre coins ». Le coût d'une telle mise au point était 2 à 3 fois supérieur au prix de la voiture elle-même. Et qu'obtenait-on en retour ?
Malheureusement, pas grand-chose. Dans des conditions idéales, les voitures ainsi préparées passaient de 0 à 100 km/h en 10,5 secondes et pouvaient à peine atteindre 180 km/h. Ces performances sont comparables à celles d’une Renault Logan 1.6 d'aujourd'hui, qui ne peut évidemment pas se targuer d’être une voiture de sport !
Dans la seconde moitié des années 1990, les experts du journal Autoreview ont non seulement testé différentes versions tuning de Lada sur le polygone d'essai de Dmitrov, mais ont même entrepris de créer la VAZ-2110 « idéale ». Des articles entiers ont été consacrés à cette question capitale pour de nombreuses personnes : quel volant pour remplacer le volant standard inesthétique - Momo, Sparco, SWM, Nardi... ?
2000-2013 : l’avènement du chrome.
Au XXIe siècle, le tuning russe est entré dans l'ère du glamour, du RnB et du m’as-tu vu. À Moscou, on ne compte plus les entreprises qui créent déjà des intérieurs de voitures d'un luxe époustouflant.
Le journal Autoreview a depuis longtemps fermé la rubrique Tuning. Cette décision peut être considérée comme un geste symbolique : il n'était pas possible que des experts automobiles sérieux couvrent ce que le tuning russe était devenu - une fête de machos pompeux dans des voitures de proxénètes. Les tuners de la vieille école sont complètement déçus par les voitures des années zéro. Le tuning en tant que sous-culture commençait tout juste à prendre de l'ampleur. Des dizaines d'ateliers sérieux réalisant des projets à gros budget ont fait leur apparition dans le pays, des festivals de voitures exotiques attirent des dizaines de milliers de visiteurs, un grand nombre de véhicules sérieusement préparés arrivent dans le pays en provenance de l'étranger.
Des bolides scandaleux qui ressemblent exactement aux héros de la franchise « Fast and Furious » et des jeux vidéos « Need For Speed » arrivent dans les rues. Les amateurs fortunés peuvent déjà se permettre beaucoup de choses, et il existe même en Russie des bureaux spéciaux qui fournissent leurs services : par leur intermédiaire, il est possible de se faire construire une voiture sur commande spéciale dans divers ateliers du monde entier, ainsi que de la faire livrer et dédouaner. L'entreprise trouvera la voiture appropriée sur le marché américain de l’occasion, l'enverra, par exemple, à l'atelier californien ASM, où les rêves les plus audacieux du client russe seront réalisés, puis elle reviendra en Russie pour être remise solennellement à son heureux propriétaire.
Certains maîtres nationaux copient le tuning occidental et japonais, tandis que d'autres suivent leur propre voie : par exemple, ils créent des projets uniques sur la base de classiques soviétiques. Plus précisément, sur ses motifs. Le projet Volga V12 Coupe d'Autolak, hybride de la Volga GAZ-21 et du coupé BMW 850 CSi, n'a laissé personne indifférent. À l'extérieur, un style impeccable des années 50, et dessous le moteur et le châssis dans les meilleures traditions bavaroises du moment. Par la suite, il y aura un cabriolet similaire sur la base de la BMW Série 6 et, plus tard encore, un projet assez fou sur la base d’une Porsche Cayenne.
L'aérographie est un moyen efficace et relativement abordable d'améliorer l'apparence des voitures. Dans toute la Russie des centaines d'artistes imaginent une variété de sujets et de motifs pour décorer les voitures. Hiéroglyphes, fleurs, animaux - ces motifs typiques rendent l'aérographie similaire aux tatouages, bien qu'il y ait aussi des idées étranges.
Parallèlement, dans les régions, l'art de la transformation des Lada a atteint un nouveau sommet. Les maîtres locaux ont finalement réussi à incarner dans les modèles de Togliatti les tendances mondiales en la matière. La VAZ-2112 blanche de Saratov, qui illustre l’article, est un exemple frappant des principales réalisations tuning des « années 2000 ». L'habillage de la carrosserie et les optiques non standard lui donnent l'air d'un Stormtrooper en combinaison spatiale blanche de la « Guerre des étoiles ». Les énormes sorties d'échappement « regardent » non pas vers l'arrière, mais sur les côtés, ce qui est typique de l'école japonaise. Mais tous les éléments techniques sont encore russes, même s'ils sont sérieusement travaillés : cylindrée du moteur augmentée, boîte de vitesse avec un sixième rapport, suspension à « vis » de Torgmach, grands freins à disque aux quatre coins.... Sur la route, cette voiture rappelait beaucoup les engins de compétition des pilotes de Togliatti dans les années 1990.
Mais s'il n'y a pas beaucoup de pistes adaptées à la conduite à grande vitesse en Russie, il y a beaucoup d'endroits où l'on peut rouler en tout-terrain. Cela a eu un impact sur la culture du tuning. Le pays compte peu de spécialistes de voitures ultra-rapides, mais il existe des maîtres capables de préparer un 4x4 sérieusement dans presque n'importe quelle ville. Les amateurs de boue s'adressent à eux en masse et, au XXIe siècle, on croise sur les routes russes toute l’étendue des véhicules tout-terrain : depuis les Land-Cruiser, conçus pour des excursions de plusieurs jours loin de la civilisation, jusqu'aux prototypes capables de remporter des rallyes-raids. Les courses tout-terrain deviennent un loisir très populaire.
Les Russes ont commencé à se spécialiser sérieusement dans la réalisation de 4x4. Et cela a porté ses fruits : en 2012, la représentation russe de Volkswagen a passé une commande à l'entreprise Soliton de Saratov, qui crée depuis de nombreuses années, sur la base de véhicules tout-terrains de série, des « bigfoots » dotés de roues de BTR, d'essieux GAZ-66, ainsi que de nombreuses autres améliorations. L'entreprise allemande voulait préparer des pickups Amarok pour une expédition unique.
En 2013, ces Amarok « gonflés à bloc » ont participé à un rallye automobile qui est entré dans le livre Guinness des records en tant que plus longue expédition non circulaire à l'intérieur d'un pays. Les participants à cet événement ont fait le parcours Moscou / Petropavlovsk-Kamtchatski, une ville de l'Extrême-Orient russe, soit une longueur totale d'environ 20,000 kilomètres.
En cette deuxième décennie du XXIe siècle (*), il n'y a plus grand-chose qui puisse surprendre les citoyens russes. Le festival Auto Exotica, qui se tient à Moscou depuis 17 ans, n'est pas un phénomène aussi important dans la sphère automobile que ce qu'il était il y a dix ans. Lorsque l'on voit pour la première fois des voitures étonnantes dotées d'ailerons géants et de jantes chromées, elles suscitent la curiosité, mais le sentiment n'est pas le même la centième fois. En Russie, l'amour irrationnel de l’automobile, comme il se doit, reste l'apanage d'une minorité, et les conducteurs « normaux », comme partout dans le monde, n'exigent pas l'impossible de leurs Ford et Toyota.
Lu sur : https://auto.mail.ru/article/43639-patsanmobili-istoriya-rossijskogo-tyuninga/
Adaptation VG
(*) Article datant de 2013.