A l’époque soviétique, pas plus que dans le monde entier, on ne parlait pas encore de crossovers. Le terme n’existait tout simplement pas. Cela n’a pas empêché les constructeurs amateurs de fabriquer des voitures, qui d’un point de général, correspondaient à cette notion moderne.
Dans les années 1970 et 1980 en URSS, de nombreux constructeurs de samodelkas fabriquaient non seulement des voitures de leur propre conception et au design original, mais essayaient de construire exactement la voiture dont ils avaient besoin, en fonction de leurs propres goûts et des conditions dans lesquelles ils allaient l’utiliser. C’est pourquoi, nombreux sont ceux qui réalisaient des voitures à quatre roues motrices. Car à cette époque, dans le pays, on ne pouvait acheter que la rare et chère Lada Niva ou les LuAZ, spartiates en termes de confort, fragiles et tout aussi rares.
Bien sûr, il était particulièrement compliqué de fabriquer soi-même un véhicule 4x4. Pour commencer, il était au moins possible de construire quelque chose avec une garde au sol élevée - meilleure que sur les modèles de série habituels adaptés à ce que l’on appelle des routes. Et idéalement ce véhicule devait être un break spacieux voir même un - là aussi une notion moderne - minivan.
La voiture, connue à l'époque soviétique sous le nom de Mul de l'autodidacte Stanislav Khapchanosov, était basée sur une mécanique de VAZ-2103. Elle se distinguait non seulement par un dessin très original dans le style de la Jeep américaine, mais aussi par une suspension avant différente de la Jigouli - rigide sur ressorts longitudinaux. Bien entendu, d'un point de vue technique, une telle conception, similaire à celle d'un UAZ, constituait un pas en arrière. Mais l'enjeu n'était pas seulement la simplicité de fabrication et d'entretien, mais aussi la solidité et la durabilité en conditions tout-terrain. Le créateur du Mul comptait justement sur ces conditions.
De conception simple, voire primitive, mais techniquement très avancé, le véhicule fabriqué V. Bezroukov avait une carrosserie, très simple à fabriquer et à réparer basée sur châssis à longerons conçu avec compétence et assemblé avec beaucoup de soin. Le moteur de ZAZ-968, d'une puissance de 40 ch, se trouvait dans cette voiture non pas à l'arrière, comme dans la Zaporojets, mais à l'avant, comme dans le LuAZ-969 de série. En conséquence, il était mieux refroidi que dans la configuration à moteur arrière. La boîte de vitesses avait été redessinée par le créateur de la voiture, qui avait installé un arbre de transmission provenant d’un UAZ-469 pour entraîner les roues arrière motrices. La solide suspension arrière à ressorts à lames avait été réalisée à partir de pièces provenant de Volga et de Moskvitch, mais aussi d'éléments originaux fabriqués maison.
Construit en 1983, le minivan de Sergueï Bolchakov, qu’il a appelé SABS (dont la traduction de l'acronyme est Construction Fait-maison de Sergueï Bolchakov), était tout à fait inhabituel et moderne. Cette voiture au châssis de forme complexe était dotée de panneaux extérieurs en aluminium, même anodisés pour être peints ! Les panneaux étaient fixés au châssis à l'aide de boulons, de rivets et de vis autotaraudeuses. En cas de besoin, il n'était donc pas difficile de les retirer pour les réparer. Cette samodelka était également équipée d'une porte coulissante côté passager. Il n'y avait rien de tel sur les voitures de production soviétiques à l'époque !
Plus intéressant et plus inhabituel encore, le SABS était équipé d'un réducteur fait maison, avec un arbre de prise de force pour un compresseur. Naturellement, le réducteur augmentait les capacités tout-terrain de ce véhicule à propulsion arrière. Le constructeur amateur avait pris le groupe motopropulseur et la suspension d’une Volga GAZ-24 et, pour un meilleur refroidissement, le radiateur provenait d’une Niva. D'une manière générale, ce véhicule s’avérait être très avancé.
Le minivan Kentavr, créé par Anatoliï Michoukov avait un moteur de VAZ-2101 de 62 ch placé à la droite du conducteur. La boîte de transfert avait été reprise sur une Willys américaine de la Seconde Guerre mondiale et les ponts provenaient d’un GAZ-69. En ce sens, le Kentrav est typique des samodelkas : la plupart des constructeurs amateurs ont fabriqué des voitures à partir de ce qu'ils pouvaient obtenir dans des conditions où la pénurie touchait presque tout.
En 1981, la deuxième version du Kentrav est apparue avec une carrosserie différente, un moteur et une boîte de vitesses Volga GAZ-24 et une boîte de transfert plus moderne de la GAZ-69. En fait, il s'agissait d'un concurrent direct du UAZ-452 Bukhanka. Mais, en URSS, ce dernier n'était pas vendu à des particuliers...
Au fil du temps, les constructeurs amateurs ont eu recours à de plus en plus d'astuces techniques. L'ingénieur A. Fomin a non seulement placé le moteur ZAZ-965 à l'avant de sa voiture, mais y a également placé les roues motrices. Comme sur le LuAZ-969 de série. Naturellement, des réducteurs de roues ont dû être installés. La voiture était équipée d'une suspension arrière originale, basée sur celle de la Zaporojets mais avec des ressorts et non des barres de torsions. La suspension arrière, comme sur les ZAZ, était indépendante.
A propos de suspension, la berline à hayon à transmission intégrale d'un certain Stroguine, avait une suspension pneumatique. Elle permettait de modifier la garde au sol séparément du côté gauche ou du côté droit de la voiture ! On remarquera aussi les phares escamotables à la mode à l'époque.
En 1988, Nikolaï Yakovlev et Vladimir Kapousto, ont fabriqué près de Leningrad deux exemplaires de Neva, des concurrentes de la Lada Niva. Mais contrairement à cette dernière dont la carrosserie est autoporteuse, la Neva repose sur un châssis de conception originale réalisé avec des canalisations d’eau et des profilés en acier pour le renforcer. La carrosserie, contrairement à de nombreuses samodelkas, n’était pas en fibre de verre, mais en acier.
La première Neva était équipée d'un moteur VAZ-2101, le seconde d'un moteur VAZ-2103. Des pièces de GAZ-69 et UAZ-469 étaient utilisées pour la transmission. L'arbre de transmission entre la boîte de vitesses et la boîte de transfert étaient de fabrication originale, mais avec des croisillons de GAZ-69. La direction était également reprise de celui-ci. Les freins, les ressorts et les amortisseurs étaient empruntés à la Volga GAZ-24. Les deux Neva dotées d'une capote au-dessus des sièges arrière se transformaient facilement en pickups avec une capacité de charge de 800 kg.
L'une des samodelkas les plus insolites de la fin de la période soviétique était la célèbre Oukhta d'Alexandre Kouliguine, l'auteur de la non moins célèbre voiture de sport Pangolina, qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive à l'époque. L’Oukhta, créé en 1980, était un véhicule amphibie à six roues, dont la carrosserie étanche était soudée à un châssis tubulaire. Le groupe motopropulseur de LuAZ-969 se trouvait à l'arrière. Le couple était transmis aux six roues par des demi-essieux à l'aide de pignons. La voiture était commandée par un seul levier et, grâce à des freins à courroie, pouvait tourner sur place, comme un véhicule à chenilles. Sur l'eau, la voiture entraînée par une hélice, atteignait la vitesse très convenable de 10 à 12 km/h.
L’Oukhta n'était pas la seule samodelka amphibie de l'époque de l'URSS mais ces amphibiens de conception et de style différents constituent une autre catégorie de véhicules, distincte de celle du jour...
Légende des photos :
- Le Mul de fabrication artisanale, équipé d'un moteur VAZ-2103 et dont le dessin rappelle la Jeep.
- Le moteur ZAZ se trouvait à l'avant de ce véhicule compact et peu esthétique.
- Le minivan SABS à propulsion arrière, mais avec un réducteur dans la transmission.
- Le minivan à traction intégrale Kentavr.
- Le Kentrav deuxième version.
- La voiture à traction intégrale de Stroguine avec une suspension pneumatique.
- Les deux exemplaires de Neva.
- L’Oukhta, la voiture amphibie à traction intégrale d'Alexandre Kouliguine.
Lu sur : https://dzen.ru/a/ZOjqqCxgh3swKNUS
Adaptation VG