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On pourrait écrire un livre complet sur les modèles qui, dans l’histoire de l’industrie automobile soviétique, n’ont pas atteint le stade de la production en série. Pour être honnête, certains modèles ne sont pas du tout à regretter, mais cela reste une exception.

Les retraités de l’Usine Automobile d’Oulianovsk, raconte souvent avec tristesse qu’ils avaient déjà commencé à délimiter le futur atelier pour la production du UAZ-3172. Le futur modèle était apprécié tant par les ouvriers de l’usine que par les grands patrons, et même par les militaires. Mais le début des années 1990 à été pour le pays une époque où l’on cherchait dans la précipitation et l’avidité ce qui avait déjà été construit et fabriqué. Et cette période n’a pas laissé le temps et les moyens de créer quelque chose de nouveau…

Appeler une voiture, surtout née à Oulianovsk, Simbir au milieu des années 1970 était une démarche assez courageuse. Elle aurait dû s’appeler Oulianovets ou Leninets. Ce prototype et son nom sont restés longtemps inconnus du grand public. Ainsi que la dénomination « Projet Wagon », inventée probablement pour que les espions ne devinent pas de quoi il s’agissait. Mais quelque soit le nom qu’on lui donne, les ouvriers de l’usine voulaient créer une voiture absolument nouvelle, ou plutôt une gamme complète de nouveaux modèles. Selon leurs plans, le nouveau tout-terrain devait être plus confortable, plus stable et plus performant que le UAZ-469. Le début des travaux sur le UAZ-3170  a été entériné par le nouveau chef du bureau d’étude L. Startsev, qui occupait ce poste depuis 1973, et c’est A. Chabanov qui a été nommé chef de projet.

Le premier prototype n’a été produit qu’en 1980. Extérieurement, cette voiture était pratiquement une révolution pour UAZ. L’URSS s’était déjà habituée à la Niva élégante, harmonieuse et soignée, mais le modèle 3170 avait l’air (bien sûr, en tenant compte du fait qu’il s’agissait d’une maquette) tout à fait moderne. Il disposait d’une carrosserie fermée et à trois portes, légèrement anguleuse comme c’était la mode à l’époque. Les concepteurs avaient d’ailleurs prévu des versions à empattement court et à empattement long. C’était déjà ce que faisait de nombreux éminents constructeurs de tout-terrains à l'étranger.

Malgré cette carrosserie entièrement nouvelle, on n’avait pas prévu de renoncer aux atouts de la voiture de série. La garde au sol des premiers prototypes testés en 1982 - 1983 était de 325 mm - près de 100 mm de plus que le UAZ-469 standard, et 25 mm de plus que la version militaire avec des réducteurs de roues.

La série suivante de prototypes portait le nom de UAZ-3171. Ces prototypes disposaient d’une carrosserie fermée ou ouverte (on prévoyait aussi une variante à toit rigide amovible). Ils ont été construits de 1985 à 1990 lorsque le chef du bureau d’étude V. Chirkonov venu de Gorki a pris ses fonctions. C’est comme s’il avait changé de pays... La capacité de UAZ à concevoir de nouvelles voitures ou à modifier la gamme existante avait toujours été très limitée et il est certain que la situation ne s’est pas améliorée avec la pérestroïka ! Les ingénieurs étaient occupés par la modernisation des modèles produits en série. Et, en parallèle, ils ont commencé à travailler sur le projet 3160.

Pourtant, au milieu des années 1990, on a commencé à parler du UAZ-3172. Ce modèle était à empattement long, car le Principal Commanditaire (c’est comme cela qu’on appelait à l’usine le Département transport du Ministère de la Défense) avait besoin d’un véhicule aux capacités encore plus élevées que celles du UAZ-3151. L’empattement passait de 2,380 à 2,700 mm et les voies étaient élargies de 15 mm (à 1,460 mm). Le UAZ-3172 pouvait au grand bonheur des militaires, accueillir 9 personnes, soit une escouade complète.

Le UAZ-3172 s’est très bien comporté lors des tests comparatifs avec plusieurs homologues étrangers et la Lada Niva. Il a surpassé pratiquement tous ses concurrents en termes de capacité de franchissement. Il était équipé d’une direction assistée et d’un système d’amortissement réduisant les vibrations transmises au volant. La suspension restait bien entendu rigide, mais elle était assurée par trois bras : deux longitudinaux et un transversal. Avec les réducteurs re roues, la garde de sol de 325-330 mm et l’énorme débattement de suspension le rendait encore plus efficace que le célèbre Kozlik, le UAZ-469.

L’Usine de Moteurs d’Oulianovsk avait également préparé un nouveau moteur. Toujours basé sur le moteur GAZ-21, mais avec une cylindrée augmentée à 2,9 litres, il développait 100 - 105 ch. Les prototypes étaient équipés de la version de 86 ch du moteur standard de 2,45 litres et on a aussi essayé un moteur expérimental avec l’injection. Naturellement, à Oulianovsk on rêvait d’un moteur diesel économique et plein de couple. Mais cela ne faisait pas partie de l’offre des producteurs russes de moteurs. La seule alternative, le moteur VM adapté lors de la collaboration avec les frères Martorelli en Italie, était impensable pour une production en grande série. De plus, l’armée était catégoriquement opposée à l’utilisation de moteurs importés !

La transmission avait été considérablement revue. Il y avait de nouveaux ponts, mais la principale innovation était qu’il y avait quatre roues motrices permanentes et un différentiel central avec verrouillage. Certains prototypes étaient même équipés d’un différentiel central avec actionneurs hydrauliques. La voiture d’une capacité de chargement de 1,000 kg pouvait affronter des pentes de 30°, des gués profonds de 1 mètre et tracter une remorque de 1,200 kg.

Il y a une dizaine d’années, j’ai eu la chance de conduite l’un des UAZ-3172 rescapés. La première impression, et la plus forte, a été la souplesse de conduite, ce qui n’était pas mal pour un véhicule de cette catégorie, ainsi que la construction, qui était bien meilleure qu’un UAZ-469 classique. La réactivité au volant était probablement meilleure que celle d’un Hunter moderne. Et souvenez-vous que ce tout-terrain était prêt pour la production, il y a trois décennies…

Cette nouvelle gamme, dont le fleuron devait être la version miliaire à toit souple, fut source de beaucoup d’espoir. On a même construit (mais seulement en un seul exemplaire), une version civile spacieuse à cinq portes avec une carrosserie entièrement métallique et un intérieur plus riche. Et sur la même base on a conçu la fourgonnette UAZ-3972 en version minibus et ambulance.

Au début des années 1990, l’usine d’Oulianovsk ayant perdu une grande partie des commandes de l’armée, avait du mal à joindre les deux bouts. Les concepteurs du UAZ-3172 ont aussi été contraints de composer avec le modèle UAZ-3160 devenu prioritaire.

Abandonné, le UAZ-3172 est donc l’un des épisodes de l’histoire automobile du pays, turbulente et contradictoire. L’un de ces prototypes est au musée UAZ. Il est fonctionnel et, de temps en temps, on emmène les journalistes faire un tour avec. A une époque, les concepteurs de l’usine espéraient la relance du projet de ce tout-terrain vraiment meilleur que les nombreuses « versions dérivées » du UAZ-469 qui vient de fêter ces 50 ans.

Ce jeune conscrit en bonne santé a été réformé bien trop tôt. Un paradoxe ? C’est loin d’être un cas unique, surtout pour les modèles conçus durant les périodes de profonds changements…

Lu sur : http://www.off-road-drive.ru/archive/85/Prizyvnik_v_otstavke
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #UAZ, #3172