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Dans toutes les interviews des créateurs de la Iouna - une samodelka, probablement la plus intéressante et la plus belle voiture de sport de l’URSS, pour une raison quelconque, ne mentionne toujours qu'une. On sait pourtant avec précision qu’il y en a eu au moins deux de construites (*).

Mais ils oublient souvent de mentionner que la Iouna a été la vedette d’un film du réalisateur ukrainien Oleg Biyma tourné en 1987 dont le titre « Ispytateli » n’est jamais traduit, mais qui pourrait dire « les pilotes-essayeurs ». Là aussi, on dit souvent qu’un seul exemplaire a été « filmé ». Mais est-ce vraiment le cas ? Regardons ensemble. Nous ne rentrerons ni n’aborderons la partie artistique du film, ennuyeux et trop long. Mais, il vaut le coup le d’œil déjà rien que pour cette (ces ?) Iouna !!!

Lorsque le personnage principal, quitte son emploi dans un ministère, à sa propre demande, il retourne curieusement à l’usine où il a commencé à travailler, qui ressemble au département compétition d’AZLK. Là, il remarque immédiatement un coupé sport de couleur rouge, tourne autour et en discute avec ses collègues. La plaque d’immatriculation indique « 0003 proba ». Cela signifierait qu’il y a deux voitures de plus, au moins, qui porterait les numéros 0001 et 0002.

Dans une scène, la voiture est visible dans la rue. Elle porte le même numéro de plaque. Et quand le personnage principal persuade le chef du bureau d’étude de lui confier cette voiture pour les tests finaux, elle est de nouveau visible avec la même plaque. Pourtant, quand notre héros en prend le volant, cela ressemble à une autre voiture. Les phares sont visibles. Mais à bien y regarder c’est bien le même coupé et lorsqu’il arrive chez son amie, les phares sont de nouveau fermés.

Le jour du départ pour les essais sur le polygone NAMI de Dimitrov, c’est toujours cet exemplaire qui est visible mais - et là, surprise ! - elle est garée à côté d'une autre Iouna. Les deux voitures prennent la route et on remarque les feux arrière complètement différents, plus étroit et divisés en sections de différentes couleurs ! Elles passent alors devant un poste de la GAI, la police de la circulation. Mais que font-elles sur la Volgogradka, alors qu’elles sont censées se diriger vers Dimitrov.

Cela nous vaut d'ailleurs une scène amusante. Les deux conducteurs lavent leur voiture après le voyage. Mais pourquoi, les lavent-ils au bord de la route, à la main, alors qu’il y a toujours eu une station de lavage sur le polygone d’essai ?

Suivent les plans montrant les essais. On peut clairement voir que les voitures sont un peu différentes l’une de l’autre. La première dispose d’un spoiler très développé sous le pare-chocs avant alors que l’autre à un nez plus pointu. D’un plan à l’autre, les phares sont soit visibles, soit masqués… alors que, selon les règles de sécurité en vigueur sur le polygone de Dimitrov, on était toujours censé conduire avec les phares allumés.

Dans la dernière scène où apparaissent les Iouna, à l’hôtel on peut voir clairement une autre différence sur l’avant des deux voitures. Vous remarquerez que le répétiteur de clignotant est affleurant sur la première et manifestement emprunté à une VAZ-2105 sur la seconde.

On peut donc dire avec certitude que les créateurs de la Iouna ont fourni deux voitures pour le tournage. Mais, on ne peut pas dire à qui elles appartenaient. Selon les dires de Iouri Alguebraistov, dix voitures similaires ont été fabriquées : deux pour lui-même et son frère Stanislav, et une pour les frères Alexander et Vladimir Tcherbinine (qui étaient à l’origine du projet), deux ont été construites pour des amis, deux ont été assemblées dans l’Extrême Orient par des passionnés et trois ont été livrées à des gens totalement inconnus de leurs créateurs.

Il y a beaucoup de moments plutôt illogiques dans le film. Au tout début, le chef du bureau d’étude demande à notre héros d’être très prudent. Il a pourtant été sanctionné à cause de la publication en première page d’un magazine anglais - ce qui est aussi ridicule - d’un futur modèle de l’usine. Ensuite, notre pilote-essayeur conduit lui-même tranquillement la Iouna en ville. Elle n’est pas camouflée et part à Dimitrov par ses propres moyens. Et à la fin, il montre la voiture à des étrangers devant l'hôtel.

Dans une autre scène, le chef du bureau d’étude demande à notre héros de donner son avis sur la voiture. Il ne l’aime pas, elle grossière et fragile. Essayant d’objecter, l’ingénieur cite en exemple les modèles analogues venus d’occident. Mais le pilote-essayeur répond : « Je ne les ai pas conduites. Je ne sais pas ». Comment est-ce possible quand on sait que toutes les usines soviétiques ont toujours acheté les modèles européens et américains à la pointe de la technologie pour les étudier sous toutes les coutures ?

Reste que ce film permet aussi de voir les pistes d’essai du polygone de Dimitrov. Vous apercevrez l’ovale de vitesse, la route longue de 5km pour les essais dynamiques où l’on peut atteindre les vitesses maximales, une route de montagne et les pentes, 4 avec des angles différents. Il y a même une scène où l’on peut voir les routes spéciales (pavés, etc…).

Bref, ne regardez pas ce film pour l’intrigue mais pour la Iouna - les deux Iouna ! - et l’endroit où il a été tourné. Vous y trouverez grandement votre compte !

Lu sur : https://dzen.ru/a/YyNwsa_NNiUkPOra
Adaptation VG

(*) pour l'histoire de la Iouna, voir aussi : https://www.sovietauto.fr/2014/08/iouna-une-legende-automobile-de-l-urss-a-l-abandon.html

Tag(s) : #Samodelka, #Iouna, #Anecdote, #Cinéma, #Vidéo