Cette voiture a été construite en tout et pour tout à seulement deux exemplaires. La première, celle qui fait l’objet de cet article, a été présentée à Léonid Brejnev en personne. On sait que le Secrétaire Général du Comité Central du PCUS était un grand amateur d’automobiles. Sa collection personnelle comptait un nombre important de voitures et il était amateur de voitures américaines et de voitures de sport.
Lorsqu’on lui a montré celle-ci, dont l'ambition était de devenir la future voiture de sport soviétique, sa première question a été : « Hmm, mais à qui est destinée cette voiture ? ». Il était alors impensable de pouvoir offrir au citoyen soviétique un véhicule de ce type et c’est pourquoi le projet de première voiture de sport de l’URSS a été rapidement abandonné... Ses concepteurs avaient pourtant imaginé en produire jusqu’à 100 exemplaires par jour, la ligne de production était quasiment prête et ils n’attendaient plus que l’aval du Premier Secrétaire pour en lancer la production. Le projet a été gelé... Brejnev n’aimait pas la voiture !
Le premier exemplaire de la voiture de sport des frères Tcherbinine est désormais livré à la rouille et termine sa vie dans la cour d’un immeuble de la capitale moscovite. Le propriétaire et créateur (!) de la voiture est toujours vivant. Il est aujourd’hui âgé de 90 ans. Parfois il sort de sa tanière avec un tournevis à la main, ouvre la voiture, fait quelque chose sous le capot et démarre le moteur. Pendant 10 minutes, moteur tournant, il reste assis au volant de sa création, puis il coupe le contact et remonte dans son appartement.
Le sort de la seconde voiture est contradictoire. Certains racontent qu’elle se trouvait dans l’ancien musée Moskvitch puis a disparu. D’autres disent qu’elle se trouve dans une collection privée, qu’elle a été repeinte dans une couleur à la mode (à l’origine elle était blanche). Pour d’autres, elle a terminé sa vie à la ferraille au début des années 2000.
Quoiqu’il en soit, le premier prototype attire du monde. Les collectionneurs frappent souvent à la porte du vieille du homme, prêt à payer un bon prix – jusqu’à 500 mille roubles ! - cette voiture unique au monde, première voiture de sport soviétique. Mais son créateur ne veut rien entendre et visiblement il n’est pas prêt à vendre son œuvre. Pourtant, il vit dans une grande pauvreté. Il n’a pas de famille. On ne lui connait pas d’enfants. Cette voiture, c’est sa famille la plus proche !
Cette voiture a été conçue et fabriquée par les frères Alexander et Vladimir Tcherbinine. Ils ont commencé à travailler sur une voiture de sport en 1969 basé sur la GAZ-21. Leur premier prototype reposait sur un châssis à longeron et la carrosserie aux formes harmonieuses faisant penser à une Lamborghini moderne était en fibre de verre. Ils avaient baptisé leur voiture Satana. Le moteur pouvait être installé soit à l’avant, soit à l’arrière en position centrale. Dix ans plus tard, ils ont construit une nouvelle voiture basée sur le châssis de la GAZ-24. Dans leur projet, les frères Tcherbinine sont rejoints par les frères Stanislav et Iouri Alguebraistov. Les trois premières voitures ont été construites dans un appartement de la capitale et ont été sorties par le balcon à l’aide d’une grue. Ce deuxième modèle portaient le nom de Iouna.
Les frères Tcherbinine avaient les moules pour construire toutes les pièces de la carrosserie ainsi que toute la documentation technique. N’importe qui pouvait donc potentiellement se rendre à leur atelier et se faire construire ce que l’on appellerait aujourd’hui une kit-car. Une douzaine de « répliques » auraient ainsi été réalisées (une est partie à Vladivostok) mais il n’y a eu que deux « vraies » Iouna. Il faut noter que les jantes dessinées par l’un des frères Alguebraistov étaient fabriquées spécialement par une usine aéronautique. La légende aussi veut qu’une Iouna dispose d’une carrosserie rallongée pour accueillir 4 passagers, mais on ne sait pas ce qu'elle est devenue.
Il est également intéressant de noter que les deux premières voitures étaient construites dans un plastique de très bonne qualité puisque la voiture parait encore aujourd’hui en très bon état. Et son design particulier avec un nez très bas a peut-être sauvé la vie des frères Tcherbinine lorsqu'ils se sont encastrés sous un bus jusqu’au niveau du pare-brise. Les policiers qui ont dressé le constat ont été très surpris car la voiture était restée quasiment intacte : le capot avait quelques rayures, l’un des phares était fissuré et le pare-brise était cassé.
Lu sur : http://novikovski.livejournal.com/406677.html
Adaptation VG