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En 1985, un film documentaire du réalisateur Alexeï Ouchitel « Le secret de Laura », est sorti dans les salles de cinéma en URSS. Ce documentaire était censé parler des voitures faites maison, les fameuses samodelkas, mais le sujet abordé par le réalisateur s'est avéré être plus large et plus global.

Oui, une grande partie du documentaire est directement consacrée au mouvement des « Samavto » qui était très répandu au début des années 1980. Les images des participants et des voitures qu’ils ont conduites lors du rallye Moscou-Plovdiv sont extraordinaires.

On y découvre ainsi le véhicule amphibie Triton assemblé par Dmitri Koudriatchkov en 1985. A la différence d’un véhicule amphibie classique, il s’agit plus d’un hydroglisseur. La carrosserie de cette samodelka a été assemblée sur un châssis en hêtre à avec des feuilles de bakélite recouvertes de fibre de verre. Le moteur provient d’une Volga GAZ-24 mais la boîte de vitesses est celle d’une Zaporojets. Le couple était transmis à l'hélice par un réducteur fait maison. La vitesse sur route était plus que convenable, 120 km/h ! Il pouvait atteindre 50 km/h sur l'eau, ce qui était très élevé. Ce qui est intéressant que que les roues pouvaient être redressées au-dessus de la ligne de flottaison de sorte que le système de freinage n'était pas été affecté par l'humidité. C'est la seule voiture qui a été immatriculé à la fois auprès de la police de la circulation et du GIMS (l’organisme gérant les canots à moteurs).

On voit ensuite le coupé argenté de l’arménien Genrik Matevosian. Un jour, ce dernier avait vu une collection de voitures miniatures chez un ami. Il a été fasciné par l’une d’entre elles et eu envie de fabriquer sa propre voiture. Il n’avait pas de garage, il l’a donc construite sur le balcon de son appartement. Il a baptisé la voiture « Voror », qui signifie « Mouette » en arménien. Le nom parle de lui-même. Les portes de la voiture s’ouvraient comme celle de la célèbre Mercedes 300 SL. Cette samodelka était basée sur la VAZ-2101 mais la carrosserie avait été construite selon le schéma connu : châssis-cadre tubulaire et fibre de verre. La Voror pèse 950 kilogrammes. Genrik Matevosian a repeint son invention plusieurs fois, puis l'a rebaptisée. La voiture est connue par beaucoup comme la Zangezur du nom de cette région historique et géographique de l'Arménie orientale.

La Katran d'Alexander Fedotov reprend un schéma de construction similaire à la voiture précédente. Mais la disposition de la mécanique est complètement différente. Il s'agit d'un coupé à moteur arrière dont le moteur provient de la Kopeïka mais la boîte de vitesses est celle d’une Zaporojets. La suspension est indépendante aux quatre roues. Vous remarquerez que la voiture n'a pas de rétroviseurs latéraux. Ils s’escamotent des ailes à l'aide d'un moteur électrique. Cette samodelka n'a pas de portes. L’ensemble du pare-brise et du toit se soulève vers le haut, manuellement.

On découvre ensuite le microvan Maria qui vient de Koutaïssi en Géorgie. Son créateur est Vakhtang Dvalichvili. La carrosserie ne mesure que 3,400 mm de long. Le moteur et la boîte de vitesses proviennent d’une ZAZ-966. Là encore, cette samodelka a été construite dans un appartement. Il s’agit d’une 2+2. Deux vraies places à l’avant et deux sièges pour les enfants à l’arrière.

On peut aussi voir la célèbre Pangolina d'Alexandre Kouliguine. On notera que contrairement à la première variante, la partie avant de la voiture a été complètement modifiée. Les phares sont fixes. Son créateur les a changés conformément aux exigences de la GAI, sinon la voiture n'aurait pas été autorisée à l'étranger. La Iouna des des frères Alguebraistov et Tcherbinine est également bien connue. On aperçoit aussi furtivement la voiture de Vladimir Mitchenko et très probablement la version ultérieure de sa Laska, rebaptisée Merkuri.

Mais l’héroïne principale de ce film documentaire est le coupé Laura. Il a été réalisé par Dmitri Parfenov et Guennadi Khaïnov, de Leningrad à deux exemplaires. Les deux versions utilisaient un moteur de série de VAZ-2105 couplé à une boîte de vitesses de ZAZ-968. Mais le plus intéressant est que ces voitures étaient des tractions avant, et ce avant l’apparition de la VAZ-2108 ! Nos deux ingénieurs avaient utilisé des arbres de roues de Lada Niva. La suspension avant était de type MacPherson, les rotules provenaient d’une Jigouli et les amortisseurs d’un ZiL-130. La suspension arrière à bras tirés était entièrement originale, de même que les moyeux de roues avant. Les freins provenaient d’une Moskvitch-2140. Dans l’habitacle on trouvait des sièges anatomiques, les portières avaient des serrures électriques et on trouvait un ordinateur de bord, apparu pour la première fois en série sur la VAZ-2110.

C’est la Laura qui a remporté la médaille d'or à Plovdiv en battant tous les modèles mentionnés au-dessus mais ce succès n’a pas réveillé l’industrie automobile soviétique de l’époque. Dmitri Parfenov et Guennadi Khaïnov dans ce documentaire sont parfaitement lucide. Ils ne sont pas gestionnaires d'entreprise mais constructeurs amateurs et comprennent qu'ils ne peuvent tout simplement pas surpasser les constructeurs automobiles occidentaux.

Comme ils le disent directement dans le film, ils n'ont ni l'expérience, ni la possibilité de le faire. Vous ne pouvez pas faire quelque chose à partir de rien. Ils sont réalistes et la voiture inachevée couverte de neige visible à la fin du documentaire symbolise la position dans laquelle l'industrie automobile se trouvait au milieu des années 1980 : des ingénieurs visionnaires face aux gestionnaires de l'économie planifiée.

Lu sur : https://dzen.ru/a/YyxIL5n4Bg9MOZ3Z?&
Adaptation VG

Tag(s) : #URSS, #Samodelka, #Cinéma, #Vidéo