On l’appelait « l'estropiée » (« kaleka » en russe) plutôt qu’Aleko. Le dernier modèle d’AZLK était vu « comme une voiture connue pour son manque de qualité ». Mais malgré cette réputation, on l’achetait et on roulait avec.
Aujourd’hui, dans ce contexte de plans de relance de la marque aussi flous les uns que les autres, il est de bon ton de fustiger la dernière Moskvitch produite à l’époque soviétique. Elle est accusée de tous les maux, d’une qualité de fabrication déplorable et d'une conception pathologiquement dépassée. Mais si la première affirmation est vraie, la seconde ne l’est en aucun cas !
La Moskvitch-2141 est le dernier véhicule de la marque et la première traction avant qu’elle a produite - dix ans après les berlines étrangères équivalentes. Pourtant, structurellement, la « 41ème » n’était pas tout à fait dépassée, même dans les années 1990.
A la fin des années 1980, en URSS, c’était un modèle révolutionnaire et même prestigieux. Cela s’est reflété dans le cinéma de la perestroïka. Prenez, par exemple, le film d’Eldar Riazanov « Mélodie oubliée pour une flûte », dans lequel un fonctionnaire supérieur à la moyenne possède une Moskvitch. Aujourd’hui, il est difficile de croire au prestige de ce modèle ! Mais c’était le cas ! Pas pour longtemps, cependant.
La Moskvitch prenait place entre les Lada et les Volga. Par rapport à cette dernière, elle n’était certainement pas dépassée. Et même comparée à une Samara, elle n’avait rien d’archaïque. Elle n’a tout simplement pas eu de chance, dès le début.
Plusieurs Moskvitch avec différents moteurs sont passées entre mes mains - du 1,5 litre standard au 2 litres avec un système d’injection expérimental. Je connais donc beaucoup de choses sur ce modèle. La nouveauté avait été conçue autour du tout nouveau moteur Moskvitch-414 avec un bloc en fonte et une culasse en aluminium. Avec une cylindrée de 1,8 litre, ce moteur devait développer 95 ch, une valeur tout à fait convenable pour l’époque. Mais, malheureusement, ce moteur n’est jamais devenu un moteur de série.
Beaucoup plus solide que la Moskvitch-2140, elle fut finalement équipée du moteur UZAM-331 - celui de la Moskvitch-412 - dont la puissance avait été réduite au nom de l’écologie de 75 à 72 ch. Avec un réglage précis du carburateur et de l’allumage, la voiture roulait plus ou moins décemment. Mais c’est tout ! Et pas besoin d’une lampe stroboscopique ! L’ouïe, l’intuition et l’expérience aidaient beaucoup plus efficacement !
Dans les années 1990, la qualité des moteurs fabriqués à Oufa, autrefois réputés pour la leur fiabilité, s’est effondrée. Outre des fuites d’huile, on rencontrait des pistons ovales. Le remplacement de la segmentation ne permettait pas de réduire la consommation d’huile importante. Et les valves des pompes à essence, qui se dissolvaient... dans l’essence, étaient un phénomène typique de ces années-là.
Le moteur VAZ-2106 de 76,5 ch étaient parfaitement approprié à la « 41ème ». Et s‘il manquait de puissance, on avait rarement à se plaindre de sa qualité. Le moteur OuZAM-3317 de 1,7 litres et 85 ch était plus amusant. Et s’il était bien construit, il n’a pas démontré une meilleure fiabilité. Enfin, la dernière version de Moskvitch-2141 portant le nom de Sviatogor était équipée d’un moteur Renault 2 litres de 112 chevaux. Cette voiture avait des accélérations conséquentes ! Mais pour le reste, c’était une Moskvitch.
Il n’y avait aucun reproche à faire à la boîte de vitesses. Par contre l’embrayage s’usait rapidement. Mais il n’était pas difficile à changer. L’utilisation d’un mécanisme d’embrayage étranger permettait de résoudre le problème pour plus longtemps. Les joints de cardans résistaient bien dans le temps, si les soufflets restaient intacts.
Les jambes de force ne tenaient parfois que 2,000 à 3,000 km. Et les nouvelles n’étaient parfois pas meilleures que les anciennes. Mieux valait faire appel à des spécialistes. Je me souviens que l’un d’entre se trouvait à Moscou près du jardin botanique.
Les freins de la Moskvitch-2141 fonctionnaient bien et sont devenus encore meilleurs lorsque, à la fin des années 1990, la voiture a été équipée d’un amplificateur et d’un maître-cylindre Lucas. Ce sont pourtant ces derniers qui tombaient en panne le plus rapidement. Je me souviens qu’après en avoir remplacé deux, nous avons fait des analyses et découvert que les joints du maître-cylindre étaient corrodés par le liquide de frein domestique. Naturellement, les amplificateurs et maître-cylindre Lucas étaient très rares dans les magasins et sur le marché et, par conséquent, coûtaient très chers.
A la fin des années 1990, un employé de l’usine avait raconté dans une conversation privée, que la peinture et le traitement anticorrosion étaient défectueux à 100%. Il n’y a que ceux qui gardaient leur voiture dans un garage et ne la sortaient qu’en été qui ne la voyaient pas pourrir après le deuxième ou le troisième hiver. Mais, en matière de rouille, la Moskvitch-2141 n’avait rien à envier aux Jigouli. Les Samara à traction avant résistaient beaucoup mieux à la corrosion. C’étaient les premières voitures en URSS dont la carrosserie était traitée par cataphorèse.
Le principal défaut était que toutes les pièces de cette Moskvitch (même celles qui ne posaient pas de problème particulier) n’étaient pas bien fixées entre elles. La moitié des histoires d’horreur sur la Moskvitch-2141 (par exemple une roue qui se détache en raison d’un écrou mal serré) sont liées à cela.
Si l’on avait pu choisir de manière sélective les composants, les fixer les uns aux autres normalement, lubrifier et ajuster tout ce qui est nécessaire, cette Moskvitch aurait été une bonne voiture selon les normes des années 1980 et même des années 1990 ! C’est tout du moins la pensée qui m’est venue lors de longs trajets. Même le moteur Oufa de 85 ch n'avait aucun complexe en ce qui concerne ses accélérations et ses capacités de dépassement.
Le confort de la « 41ème » était tel que l’on pouvait rouler loin. La suspension montrait un excellent compromis entre confort et conduite. La direction à crémaillère était aussi tout ce qui il y a de plus normale.
On sait ce qui est arrivé à l’usine, géré par des personnes éloignées de l’industrie automobile. Les problèmes n’avaient toutefois pas commencé dans les années 1990 - à cette époque, ils étaient tout simplement devenus irréversibles. Les acheteurs refusaient d’acheter des voitures à moitié finies, même si elles avaient des moteurs français. Et ils avaient raison, car les Moskvitch étaient finalement des mauvaises voitures.
Légende des photos :
- Une berline à hayon spacieuse et à traction avant : une révolution pour AZLK et pour toute l’industrie automobile de l’URSS.
- Le design de la Moskvitch n’avait rien de transcendant. Mais il était dans le ton de ce qui se faisait dans les années 1980.
- Portraits de moteurs mort-nés : essence et même diesel.
- Un compromis forcé : le moteur VAZ-2106 sous le capot de la Moskvich-2141.
- Le moteur UZAM-3317 de 1,7 litre de cylindrée était plus ou moins adapté à la Moskvitch.
- Le moteur à injection Renault F3R donnait des ailes à la 2141.
- La dernière Moskvitch restylée porte le nom de Sviatogor.
- L'intérieur de Moskvitch-2141 n'était pas pire que celui de n'importe quelle voiture russe de ces années-là.
- Les derniers jours de l’usine : des Sviatogor incomplètes et dont personne ne voulait plus.
Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/935395-neskuchnye-fakty-o-poslednem-mo/ (sur deux pages)
Adaptation VG