En septembre 2021, en raison d’une pénurie mondiale de semi-conducteurs, l’Usine automobile de Gorki (GAZ) a annoncé la production de véhicules incomplets. AvtoVAZ a également rencontré des problèmes similaires, et certains modèles ont quitté la chaîne de montage sans le module ERA-GLONASS. La situation semble inhabituelle pour beaucoup mais elle n'est pas unique dans l’histoire l’industrie nationale russe. Au début des années 1990, les automobilistes russes pouvaient voir des voitures flambant neuves, vendues sans rétroviseurs, sans sièges et même sans roues !
Afin de comprendre comment cela a été possible, il est nécessaire de revenir sur la situation économique du début des années 1990. Après l’effondrement de l’URSS, l’économie a connu une profonde récession. La réforme monétaire et la libéralisation des prix, accompagnées d’une hausse spectaculaire de l’inflation, ont vu les prix des biens et services augmenter de 2600 % en une seule année (1992).
La tempête économique n’a pas non plus épargné l’industrie automobile. Si en 1992, le prix de vente de la VAZ-2109 était de 3 millions de roubles, à la fin de l’année suivante, il était déjà de 8 millions de roubles. Dans le même temps, cependant, le coût des pièces augmentait encore plus rapidement. De nombreux fournisseurs se trouvaient désormais à l’étranger (ne serait que par l’éclatement de l’URSS) et vendaient leurs produits en devises fortes. Parfois, l’usine automobile et le fournisseur n’arrivaient pas à se mettre d’accord, les prix changeant de manière chaotique. En conséquence, les livraisons devenaient irrégulières et les pénuries de pièces sont devenues monnaie courante.
Dans un premier temps, les constructeurs automobiles ont été contraints d’arrêter leurs chaînes de production. Ainsi pour la première fois dans l’histoire de l’entreprise, en septembre 1991, l’Usine automobile de la Volga (VAZ) s'est totalement arrêtée pendant quelques jours. Par rapport à l’année précédente, le volume de production a été réduit de 70,000 véhicules pour atteindre un peu plus de 677,000 voitures. Les choses ne se passaient pas mieux non plus dans d’autres usines. GAZ faisait pourtant exception : grâce à la nouvelle GAZ-31029, elle a réussi à augmenter sa production à près 105,000 voitures particulières.
L’arrêt complet de la production signifiait de graves pertes financières et sociales et, par conséquent, un certain nombre d’usines automobiles (VAZ, AZLK et IZHMach) ont décidé de produire des véhicules incomplets. Au début, il était prévu que ces voitures semi-finies soient gardées en stocks et livrées selon les besoins. En 1992, pas moins de 242,214 voitures incomplètes ont ainsi été assemblées chez VAZ, soit 35% de la production totale ! Très souvent, il n’y avait pas plafonnier, de capteur de niveau d’essence, de rétroviseurs, de phares, de sièges, d’éléments de garniture, etc…
Cependant, assez rapidement, ces voitures ont été mises en vente, charge à leur « heureux » propriétaires de trouver les pièces manquantes ! Le plus intéressant est que la demande était en constante augmentation car dans un pays où la dévaluation de la monnaie allait bon train, l’achat de biens réels était le seul moyen de préserver ses économies. C’était d’ailleurs un slogan publicitaire à la mode à l’époque : « Transformez le rouble à l’agonie en vitesse et prestige convertibles ».
La qualité des véhicules produits, entre autres, a été largement impactée par les années 1990. De nombreux processus d’assemblage ont été dans une certaine mesure « rationalisés » ou raccourcis. Le contrôle final de la qualité était souvent insuffisant, voire absent. A cela s’ajoutaient une faible culture de production et des équipements obsolètes que l’on devait réparer par ses propres moyens.
De même, la qualité des pièces livrées par les filiales a baissé : joints homocinétiques défectueux, tuyaux de frein douteux, alternateurs ou embrayages défectueux et bien d’autres petites choses, étaient courants sur les voitures neuves produites en Russie dans les années 1990 !
Année | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 |
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VAZ | 677.253 | 683.465 | 660.335 | 531.876 | 620.145 | 680.570 | 748.828 |
AZLK | 104.801 | 101.880 | 93.847 | 64.434 | 40.600 | 2.929 | 19.920 |
IZHMach | 123.131 | 55.418 | 31.425 | 21.718 | 12.774 | 9.149 | 5.200 |
GAZ | 69.000 | 69.001 | 105.654 | 118.159 | 118.673 | 124.284 | 124.339 |
UAZ | 52.491 | 51.500 | 57.604 | 55.178 | 44.880 | 33.701 | 51.411 |
KamAZ (Oka) | - | 4.483 | 5.275 | 6.118 | 8.638 | 8.935 | 17.993 |
TOTAL | 1.026.676 | 965.747 | 954.140 | 797.483 | 845.710 | 859.568 | 967.691 |
Production de voitures particulières en Russie par constructeurs
Mais petit à petit, l’industrie automobile russe a refait surface. En 1997, le pays a produit près de 968,00 voitures particulières, soit 21% de plus qu’en 1994. Les leaders de l’industrie étaient VAZ et GAZ. Ces usines avaient pu s’adapter relativement rapidement aux nouvelles conditions du marché et trouver de nouveaux fournisseurs. A cette époque, la production de voitures en kits CKD vers d’autres usines a été interrompue à Togliatti. GAZ a lancé la GAZ-3110 et VAZ a réorganisé sa chaîne de production pour accueillir la nouvelle VAZ-2110, un modèle très attendu.
La crise de 1998 a entraîné une forte hausse du prix des voitures importées, ce qui a profité aux constructeurs nationaux. L’industrie automobile russe a pu reprendre des forces pour lancer de nouveaux modèles, de sorte qu’au cours de la nouvelle décennie, elle a pu mener une concurrence acharnée aux entreprises étrangères qui avaient décidé d’implanter des sites de fabrication en Russie. Mais ça, c’est une autre histoire.
Lu sur : https://autohs.ru/avtomobili/legkovye/avtomobilnaya-promyshlennost-rossii-1990-h.html
Adaptation VG