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Il est peu probable qu’un automobiliste moderne, qui a goûté aux charmes et au confort de l’industrie automobile occidentale se souvienne des VAZ « classiques », sauf avec une ironie maléfique et quelques épithètes peu flatteuses. Pourtant il y a de cela un demi-siècle, en vu de créer la  première Jigouli - la célèbre Kopeïka - le KGB a mené une opération majeure impliquant le gouvernement italien, le Vatican et même la célèbre mafia italienne, la Cosa Nostra.

En août 1962, un homme élégant d’âge moyen descend en gare de Rome-Termini. Sur le quai, il est accueilli par plusieurs journalistes travaillant dans les bureaux locaux des journaux soviétiques. L’homme est décrit comme le correspondant des Izvestia. Pourtant, l’autre côté des activités de Leonid Kolosov, nom de ce passager selon sa carte de presse, était inconnu du contre-espionnage italien qui étudiait pourtant le dossier de tous les citoyens soviétiques venus en Italie par voie officielle. Leonid Kolosov était capitaine à la Première direction générale du KGB. Il était arrivé en Italie avec les pleins pouvoirs et un crédit illimité pour les petits cadeaux et, si nécessaire, les pots-de vin. Dans la péninsule des Apennins, les sentiments de gauche et l’anti-américanisme restaient extrêmement forts, sentiments que l’agent double devait mettre à profit pour son travail.

La tâche officielle de l’officier de renseignement était des plus ambitieuse : faire des connaissances dans les milieux industriels les plus riches, approcher les plus hauts dirigeants de l’Italie et de l’Eglise catholique, et même d’essayer d’entrer en contact avec les criminels italiens. Pendant longtemps, ce sont ces « familles » criminelles qui ont été le principal ennemi de la gauche locale.

Avec du recul, nous pouvons dire que toutes ces tâches ont été accomplies avec brio. Les parrains de la mafia ont ainsi mis en garde Leonid Kolosov contre les complots de la CIA. Le Premier ministre italien Aldo Moro, sauvé d’une tentative d’assassinat des Brigades Rouges planifiée par les services spéciaux américains, lui a fourni des informations « de première main ». Les contacts avec le Vatican se sont également multipliés. Mais la principale réalisation de Leonid Kolosov fut le lobbying fait auprès des industriels italiens.

Parmi ses amis figurait le professeur et sénateur italien Vittorio Valletta, proche associé des propriétaires de FIAT, la famille Agnelli, et également président de la société. La question de l’automobile avait fait l’objet d’un examen attentif des services spéciaux soviétiques au milieu des années 1950, lorsque les dirigeants de l’URSS ont envisagé sérieusement de lancer la légendaire Fiat 600 sur le territoire soviétique.

Les Américains ont alors déployé beaucoup d’efforts et réussi à faire capoter un accord. Mais les officiers du renseignement soviétique furent perçus par les dirigeants de Fiat comme des « amis possibles ». Leonid Kolosov réussi ensuite à convaincre Vittorio Valletta non seulement de construire une usine FIAT en URSS mais aussi de lui accorder un prêt monétaire solide, à des conditions favorables.

Cette idée était aussi soutenue en haut lieu au niveau du Conseil des ministres et à la Chambre des députés et « bénie » par l’Eglise catholique et personnellement par le pape Paul VI. La mafia, qui avait beaucoup d’influence sur la politique italienne, a gardé de son côté un silence bienveillant. Les principaux opposants à l’accord étaient bien évidemment les services spéciaux américains, qui s’appuyaient sur des lois interdisant aux alliés américains de vendre des produits de haute technologie aux Soviétiques.

Entrer en conflit avec les Etats-Unis sur cette question pouvait présenter un risque mortel. Peu de temps auparavant Enrico Mattei, un grand magnat du pétrole italien qui avait été le premier à prendre la décision de mettre un terme à la « dictature américaine » sur le marché pétrolier italien, au profit de matières premières venues de l’URSS, avait été victime d’un assassinat politique. En revenant de Sicile, son avion avait explosé et la mafia locale impliquée. Mais la Cosa Nostra n’était pas le commanditaire. La CIA était clairement impliquée dans l’accident d’avion où Enrico Mattei avait trouvé la mort. 

Vittorio Valletta, politicien rusé et expérimenté, devait désormais user de toute sa diplomatie pour ne pas froisser son nouvel ami Leondi Kolosov et le Kremlin derrière lui. Pour convaincre les Américains de donner leur feu vert à la construction d’une usine en URSS, il a rencontré non seulement les membres du Congrès qui faisaient pression pour des restrictions commerciales draconiennes, mais aussi le Président américain Lyndon Johnson. Le principal argument qui a convaincu la Maison Blanche fut la phrase de Vittorio Valletta selon laquelle, grâce au confort de la nouvelle Fiat, les citoyens soviétiques goûteraient à un niveau de vie plus élevé et croiraient moins à la propagande communiste.

Les consultations sur cette question au Département d’Etat ont duré assez longtemps. La position de l’Eglise catholique était curieuse. Si à Rome, on parlait avec bienveillance du contrat comme d’un acte de réconciliation, les pasteurs américains n’y voyaient rien d’autre qu’un « pacte avec le diable ». L’accord n’a été signé qu’au début de l’été 1966 et lors d’une rencontre, Vittorio Valletta a indiqué à Leonid Kolosov qu’il ne restait plus que quelques formalités pour trouver un accord.

En août 1966, après de courtes négociations sur les intérêts du prêt, un accord a été signé entre Fiat et l’Union Soviétique. Leonid Kolosov a reçu les gratifications de l’URSS pour services rendus et Vittorio Valletta, la même année, a été démis de ses fonctions de président de Fiat, non sans la participation des services spéciaux américains. 

C’est ainsi qu’est apparue en URSS la VAZ-2101, la légendaire Kopeïka, qui en 2020 a fêté son cinquantième anniversaire. Pour plus de 800 points, elle différait de la Fiat 124, mais c’est déjà une autre histoire...

Lu sur : https://zen.yandex.ru/media/id/5cbc1d66621b6d00b28aefbd/koza-nostra-papa-rimskii-i-cru--kak-kgb-pomog-zakliuchit-kontrakt-veka-s-koncernom-fiat-5e9c575d4b1b0c58c88d8060 
Adaptation VG 

Tag(s) : #Histoire, #VAZ, #URSS, #Ambiance, #K-50 ans