La question est vraiment très intéressante car, après tout, formellement en URSS, la concurrence ne pouvait tout simplement pas exister. L’année où la millionième Moskvitch a été assemblée à Moscou, on a commencé à construire une usine dans la ville baptisée en l’honneur du communiste italien Palmiro Togliatti.
Il faut expliquer ce qu’était la Moskvitch 408. Une belle voiture aux lignes de carrosserie élégante, des feux arrière en croissant et une calandre chromée. Et son tableau de bord en métal, couleur carrosserie était particulièrement chic. Plus tard, pour des raisons de sécurité, il a été recouvert d’une garniture anti-traumatisme et le volant a été changé. Malheureusement, le moteur de la Moskvitch 408 était un vieux moteur de seulement 50 chevaux descendant du bloc qui était monté dans l’Opel Kadett en 1938. Mais sa culasse était en aluminium. La boîte à quatre vitesses était synchronisée sur les 3 derniers rapports. Pour démarrer, les rapports de démultiplication étant parfaitement adaptés, la seconde suffisait. Lors de la conception de la voiture, les ingénieurs avaient particulièrement travaillé la fiabilité et la longévité des composants car une grande partie de la production de l’usine moscovite était exportée, l’Union Soviétique ayant besoin de devises.
Vers la fin des années 1960, la voiture a gagné un moteur de 60 ch. Mais l’appareil industriel du principal fabricant de voitures moyennes était désespérément dépassé. Les machines provenaient de l’usine allemande de Rüsselheim. Contrairement à GAZ, qui recevait toutes les faveurs du gouvernement, Moskvitch ne pouvait pas développer une voiture en partant de zéro. C’est pourquoi de nombreux modèles dits « transitoires » sont apparus. Souvent, les voitures de la génération précédente étaient utilisées comme des mulets sur lesquelles de nouvelles idées étaient testées. C’est pourquoi encore dans les années 1970 la Moskvitch 408, obsolète, fut encore produite pendant longtemps aux côtés du modèle 412, plus avancée techniquement.
Pour soulager Moscou, une usine fut également construite à Ijevsk. Elle avait de la chance, le convoyeur et tout l’équipement industriel avaient été achetée à la RFA ! IZHmach devait être vue comme une filiale d’AZLK mais ce n’était pas le cas. La ville d’Ijevsk avait un statut militaire et les deux usines étaient donc subordonnées à un ministère complètement différent. IZH ne dépendait donc pas du Minavtoprom (Ministère de l’Industrie Automobile de l’URSS) mais du Minoboronprom (Ministère de l’Industrie de Défense de l’URSS).
Contre toute attente, l’IZHmach dû mettre en place son propre bureau d’études mais elle n’avait pas de personnel qualifié. Celui d’AZLK, dirigé alors par Alexander Andronov, hérita d’une nouvelle mission : non pas de développer un nouveau modèle mais… organiser la formation du personnel de la nouvelle usine située dans la capitale de l’Oudmourtie ! Dans le même temps, la production de l’excellent moteur de la Moskvitch 412 conçu dans l’agonie, ne fut pas confiée à AZLK mais - et là est toute la logique du système socialiste - à l’Usine de Moteurs d’Oufa qui dépendait du Minaviaprom (le Ministère de l’Industrie Aéronautique de l’URSS) ! IZHmach court-circuitait AZLK. Si les Moskvitch recevaient des moteurs obsolètes, toutes les IZH étaient équipées des moteurs en aluminium de l’OuMZ.
Cela ne signifie pourtant pas que tout allait pour le mieux pour IZH. Ni la boîte de vitesses, ni les freins n’étaient adaptés à ce moteur plus puissant. Et comme, son bureau d’études avait moins d’expérience, le constructeur d’Ijevsk a commencé à prendre du retard. Par exemple, pendant toutes les années de production, il n’a pas pris la peine de moderniser son moteur.
Mais revenons à la compétition entre AZLK et VAZ. Dès avril 1970, plusieurs voitures étaient assemblées à Togliatti. Leur moteur, de plus petite cylindrée, développait 65 chevaux. La VAZ-2101 était plus légère que la Moskvitch 412, par conséquent elle était plus dynamique. Parallèlement à cela, un vaste réseau de stations-services a commencé à être mis en place. Les citoyens du pays du socialisme triomphant n’avaient jamais vu cela. Les nouveaux modèles s’enchaînaient : break 2102, versions luxueuses 2103 et 2106. Qu’a apporté Moskvitch en réponse ? Une modernisation du modèle 412 ayant reçu le nom de 2140… De fait la Moskvitch 412 a été produite jusqu’en 1999 !
Pourtant, l’usine moscovite avait dans les cartons le projet 353 mais il a été discrètement enterré tout comme les projets C-1 et Meridian. Extérieurement la voiture était une berline cinq portes à hayon… mais elle est restée à l’état de prototype.
Les deux constructeurs entraient-ils donc en concurrence ? Probablement pas de manière directe. En effet, il a fallu de nombreuses années pour que la MZMA/AZLK produise sa millionième voiture. VAZ n’a attendu que deux ans. Les capacités des deux usines étaient différentes. Togliatti produisait en un an ce que Moscou mettait des années à produire. Même les ingénieurs ne pouvaient rivaliser sur un pied d’égalité. La règle en vigueur était simple : « presque tout pour les uns, presque rien pour les autres » ! Il y eu toutefois une confrontation directe. Cela s’est produit dans les années 1980 quand VAZ a maîtrisé la production de son modèle à traction avant, le modèle 2108. Chez AZLK, cette traction avant existait. Il s’agissait du modèle 2141. Mais la suite de l’histoire, on la connait.
Ce qu’il y a de rigolo est que AZLK a disparu mais les Renault produites aujourd’hui sur son territoire et certains modèles entrent en concurrence avec ceux de Lada (y compris des Lada produites à Ijevsk…). Les trois usines - Togliatti, Ijevsk et Moscou - sont désormais sous la même coupe.
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Adaptation VG