A Omsk, un ancien mécanicien de maintenance aéronautique a assemblé dans son garage un hot-rod avec un moteur de camion militaire et un toit-ouvrant de Mercedes-Benz.
Guennadi Serebrianskiï est arrivé à Omsk en 1992. Il habitait auparavant au Kirghizistan où il opérait comme mécanicien sur l’aéroport de Bichkek. A Omsk, il a été requalifié en mécanicien automobile. Ce n’était pas pour lui déplaire car toute sa vie il a adoré les voitures. « Tous les mecs étaient alors fous de « Troïka », « Chesterka » et « Voskmerka ». En 1984, j’avais une GAZ-12 ZIM bien pourrie. Je l’avais rachetée à un ami qui tournait des films avec. Avec elle, j’ai appris la mécanique, la peinture, la soudure. J’ai roulé avec pendant 13 ans » se souvient-il.
L’histoire de la Moskvitch-400 commence par une histoire intéressante. « Après la Grande Guerre Patriotique, l’URSS a copié l’Opel Kadett et a commencé à produire la Moskvitch-400. C’était une voiture à deux portes et Staline aimait vérifier toutes les voitures lui-même. Il a pris place côté passager et un chauffeur s'est installé au volant. Staline s’est adressé à l’ingénieur en chef : 'Assez-vous s’il vous plait !'. Mais qu’est-ce qu’il pouvait répondre ? Il n’allait pas dire à Staline : 'Descendez pour me laisser passer !'. Il a donc fallu rajouter des portières. Elles étaient très étroites et peu pratiques. Je les ai enlevées, j’en ai laissé deux que j’ai rallongées » explique-t-il avec un grand sourire.
La voiture, conçue par les ingénieurs soviétiques selon les plans de la voiture allemande, n’avait pas de clignotants ou de feux de position. Aux carrefours, par exemple, il fallait passer la main à travers les vitres pour montrer où on allait. Les essuie-glaces étaient liés au moteur. Plus le régime moteur était élevé et plus ils allaient vite. Il n’y avait pas de chauffage.Guennadi a corrigé tout cela avec des pièces provenant d’anciennes voitures soviétiques.
Il explique que sa voiture, qui porte le nom de « L’autre » a été construite dans la cour de la maison qu’il a également construite. Il s’agit d’une maison en brique de deux étages, dont la construction a duré 20 ans et sur laquelle il n’arrête pas de rajouter des choses nouvelles. Récemment il a terminé la cheminée qui reprend la forme d’un casque de chevalier.
« Je n’ai pas d’atelier. Je fais tout dans ma cour et dans mon garage. Mes seuls outils sont mes mains. Maintenant, avec la santé c’est moins facile. J’ai mal au dos mais j’essaie toujours de faire tout moi-même. C’est plus simple et au moins je suis satisfait du résultat. Ma femme approuve mon passe-temps. Parfois, je me réveille la nuit et je descends dans le garage pour souder quelque chose » ajoute-t-il.
Sous le capot de sa vieille berline, il a pu installer un moteur de camion militaire de 3,5 tonnes. « Il s’agit d’un classique V8 de 4,3 litres de GAZ-66. J’ai tout fait à l’intuition. Il fallait constamment ajuster quelque chose. L’accès au moteur se fait de tous les côtés grâce aux panneaux latéraux amovibles. Cela permet aussi d’améliorer le refroidissement l’été. Il a fallu tout inventer, penser, méditer. Il a fallu refaire des choses. Expérimenter » admet-il.
Là où il y avait auparavant le coffre, on trouve maintenant le réservoir d’essence et le radiateur. Lorsqu’on regarde de près, on peut voir que la voiture a été peinte au pinceau. « C’est fait exprès. A certains endroits j’ai aussi épongé la peinture. C’est une particularité du style Rat-Rod : la rouille, les rayures (…). Vous voyez la casquette au-dessus du pare-brise ? Elle n’était pas là. Je l’ai faite moi-même. Le toit ouvrant de Mercedes, le tableau de bord sur le capot, tout est fonctionnel » explique le créateur de la voiture.
Malgré son amour pour « L’autre », il a l’attention de la vendre car avec toutes les modifications qu’il apporté, il ne peut pas immatriculer sa Moskvitch-400. « Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de goulotte de réservoir. Comment ça il n’y en a pas ? La voici ! Ils ne l’avaient pas vue. Ils m’ont dit que je ne pouvais pas mettre un réservoir d’essence dans le coffre. Je n’ai pas de coffre mais un compartiment technique. Ce n’est pas la place. Il n’y a même pas de plancher. Ils m’ont dit que le pot d’échappement dépasse, qu’il dépasse le gabarit de la voiture et que rien ne doit dépasser. Ils ont même critiqué des détails que je n’avais même pas touchés : les bavettes d’ailes. Selon la fiche technique de la voiture il n’y en avait pas à l’origine. Certains détails n’ont même pas été examinés mais reconnus comme rédhibitoires. Bref, ils avaient décidé de me recaler. Les lois ne sont pas faites pour les inventeurs. Mais heureusement les policiers sont plus compréhensifs. Pour l’instant personne ne m’a jamais arrêté ». Elle a tout de même une plaque d’immatriculation car la Moskvitch-400 avait une carte grise avant de de devenir « L’autre ».
Il ne sait pas combien d’argent a été dépensé dans la construction de la voiture. Ce n’est pas une voiture que l’on peut acheter chez un concessionnaire et où la moindre option a un prix. Tout a été changé ou modifié plusieurs fois. « J’ai posé la question sur des forums internet pour savoir combien elle pourrait valoir. On m’a dit un million. Elle a dû me coûter 800 mille roubles » affirme-t-il.
Guennadi Serebrianskiï raconte que sa voiture est facile à conduire même s’il faut s’y habituer. « C’est un style. Avec cette suspension, la voiture parait tout de suite sportive. Cela a des avantages. On peut voir les roues depuis le siège conducteur. La seule chose à laquelle il faut s’habituer est que les roues avant sont loin devant. Vous tournez le volant et la voiture continue à rouler tout droit » s’amuse-t-il.
Il ne participe pas à des manifestations automobiles. Ce n’est pas un homme de médias. Il ne loue pas sa voiture pour des séances de photos ou des mariages. Nombre de ses voisins ne savent même pas qu’il possède une voiture pareille. Quand la voiture n’était pas encore terminée, il avait voulu faire des photos avec mais le résultat n’a pas été très heureux. Le photographe n’avait pas compris ce que représentait la voiture et l’a mise en scène dans le style des gangsters américains des années 30 !
Lors de notre rencontre avec Guennadi Serebrianskiï et sa Moskvitch, nous avons été approchés par deux gars qui voulaient prendre la voiture en photo. Ils ont discuté avec enthousiasme des détails et ont même deviné la marque de la voiture. Après cela, nous sommes partis faire un tour.
L’habitacle est finalement assez vaste, la position de conduite est confortable et offre une large vue à travers le pare-brise. A l’arrière les places sont limitées mais encore assez confortables pour s’y installer. Les roues avant sont vraiment visibles. Le moteur gronde littéralement et on peut quand même se demander comment certains voisins de Guennadi Serebrianskiï ne l’ont jamais entendu. Pendant notre essai, il nous a fait une démonstration et a pressé la pédale des gaz. Nous avons été collés aux sièges comme dans la meilleure tradition de « Fast and Furious » !
Dans cette voiture vit une bête sauvage qui est très heureuse quand elle sort de sa cage. Elle attire les regards, les piétons se retournent et essaient de la prendre en photo. Pour nous, ce voyage était comme une attraction et Guennadi Serebrianskiï est très fier de sa création. Quand il la conduit on voit qu’il est heureux : « J’ai construit cette voiture pour moi et pour moi c’est normal » sourit-il.
Lu sur : http://ngs55.ru/news/more/54430651/
Adaptation VG