Malgré le faible taux d’utilisation de leurs capacités de production, les producteurs automobiles russes font assembler leurs modèles à l’étranger, en particulier dans les pays du tiers monde où les voitures russes doivent être adaptées à des conditions spécifiques.
Pour le marché kazakh, AvtoVAZ fait assembler presque tous ses modèles à l’usine Azia-Avto d’Oust-Kamenogorsk. Depuis 2002, on ne produisait là-bas que le tout-terrain Lada 4x4 mais depuis l'année dernière la république d’Asie Centrale a introduit de nouvelles taxes d’importations sur les voitures neuves et d’occasion, auxquelles ne sont pas soumis les kits CKD, ce qui a obligé AvtoVAZ à arrêter d’exporter des voitures complètes et développer sa gamme de modèles assemblés localement. Durant la période où Azia-Avto a réorganisé sa production et durant laquelle les livraisons de voitures neuves ont été interrompues, la marque Lada a pour la première fois de son histoire perdue le leadership au Kazakhstan, sa part de marché ayant chuté à moins de 18% sur les 11 premiers mois de 2016. Les berlines Granta et break Kalina n’ont fait leur apparition sur la chaîne qu’en juin et ils ont été rejoints en décembre par quatre nouveaux modèles : berline Vesta, XRAY, break Largus et Granta liftback. Ce sont donc tous les modèles Lada, à l’exception de la berline Priora et de la Kalina hatchback, qui ont reçu un « droit de résidence » au Kazakhstan. L’entreprise indique que la localisation de ces modèles permettra à Lada de faire une percée sur le marché kazakh.
Cette année, on prévoit de fabriquer environ 10 mille voitures à Oust-Kamenogorsk, y compris 4 à 5 mille Vesta et XRAY. Par comparaison, l’an passé l’ensemble des usines automobiles kazakhes ont assemblées à peine plus de 10 mille voitures particulières, camions et autobus, fournissant plus de 25% du marché local. Une voiture sur quatre assemblée localement est une Lada et le modèle le plus populaire est le tout-terrain Lada 4x4 selon les données de « KazAvtoProm », l’Union des entreprises du secteur automobile du Kazakhstan. Il faut aussi remarquer que ce pays reste pour AvtoVAZ le plus gros marché à l’export, même si les volumes ont été plus que divisés par deux l’an dernier.
De plus, les nouveautés mises sur la chaîne d’Azia-Avto en décembre sont non-seulement destinées au marché kazakh, mais seront également livrées à d’autres pays d’Asie Centrale - Turkménistan, Kirghizistan, Tadjikistan, Mongolie. En 2018, on prévoit de mettre en place une nouvelle usine à cycle complet au Kazakhstan et les voitures produites pourront aussi être exportées vers les pays de l’Eurasie. On devrait fabriquer là-bas trois à quatre modèles Lada, mais pour l’instant on ne sait pas précisément lesquels.
Le Groupe GAZ qui en 2013 a mis en place la production de camions Oural dans l’usine kazakhe SemAZ va commencer cette année la fabrication de sa propre gamme de véhicules utilitaires. Toutes les versions de GAZelle Next, GAZon Next, GAZelle Business et Oural Next ainsi que des autobus de toutes catégories vont être produits dans le pays. Le service de presse de GAZ indique qu’avec la production au Kazakhstan des nouveaux modèles Next, la société prévoit d’augmenter sa part de marché localement (aujourd’hui elle est déjà à 60%). Si KamAZ ne prévoit pas d’arrêter les exportations de camions neufs au Kazakhstan, la gamme produite localement par Kamaz-Engineering devrait s’élargir, en premier lieu par le développement et l’assemblage de véhicules spéciaux. UAZ a indiqué son intention de mettre en place la production de véhicule dans cette république et GM-AvtoVAZ a également annoncé que l’organisation de l’assemblage de la Chevrolet Niva est entrée dans sa phase active.
Selon Frost & Sullivan, le Kazakhstan constitue pour les constructeurs automobiles russes le marché extérieur le plus important : en 2016 envion 8 mille Lada y ont été vendues, GAZ a enregistré plus de 2,4 mille ventes de différents véhicules, UAZ 1,8 mille tout-terrains et utilitaires légers, KamAZ 1,2 mille camions. On prévoit qu’en 2023, cette république d’Asie Centrale représentera plus de 70% des ventes de véhicules russes à l’étranger.
Anna Ozdelen, analyste chez Frost & Sullivan indique que « l’introduction de nouvelles taxes au début de 2017 a entraîné une augmentation du prix des voitures venues de Russie rendant nécessaire la localisation au Kazakhstan pour maintenir les avantages concurrentiels des fabricants russes grâce à des avantages fiscaux et le coût relativement bas de la main-d’œuvre. En outre, la production au Kazakhstan va permettre de renforcer les positions sur le marché des pays d’Asie Centrale ».
Le plus souvent, ce sont justement les droits de douanes protecteurs qui poussent les constructeurs à organiser la production dans un autre pays. L’assemblage local devient économiquement rentable dans les pays où les taxes à l’importation de kits d’assemblages sont beaucoup plus faibles que l’importation de véhicules complets. Par exemple, au Vietnam les droits sur les véhicules vont de 30 à 70%. En Egypte ils s’élèvent à 40% sur pratiquement toute la nomenclature technique sauf pour les voitures produites dans les pays de l’UE où ils sont quasiment nuls. De plus, l’assemblage local permet aux constructeurs de faire des économies de main d’œuvre, d’acheter des pièces à des fournisseurs locaux et de réduire les coûts logistiques en tenant compte du fait que les kits CKD prennent moins de place dans les conteneurs. Mais le plus important est que la localisation permet de répondre à des appels d’offre du gouvernement ou d’être pris en compte dans les programmes de prime à la casse et donne aussi l’accès aux marchés des pays limitrophes.
Aujourd’hui la géographie de l’assemblage local des constructeurs russes ne se limite pas qu’au Kazkahstan. Ce sont le plus souvent des pays du tiers-monde où les noms de Jigouli, UAZ ou KamAZ étaient déjà bien connus des consommateurs à l’époque soviétique. Outre le Kazakhstan, KamAZ assemble ses camions au Vietnam, au Pakistan, en Inde et en Lituanie. AvtoVAZ produit des Lada Granta en Egypte. En 2014, avec un œil sur le marché européen, le Groupe GAZ a débuté la fabrication de GAZelle Next en Turquie d’où les véhicules sont ensuite envoyés dans les Balkans.
Le Groupe GAZ a aussi indiqué à Za Roulem qu’actuellement il étudie la possibilité d’organiser l’assemblage en Iran, au Vietnam, à Cuba, en Egypte, dans des grands pays d’Afrique et dans d’autres pays. KamAZ a signé un accord-cadre avec le Chinois Hawtai Motor pour assembler en commun des camions dans le Céleste Empire. En outre, le géant russe étudie la possibilité d’assembler des KamAZ à Cuba et en Iran sur lesquelles les sanctions économiques internationales ont été levées. UAZ mène des négociations avec des partenaires potentiels, en particulier au Vietnam qui vient de signer un accord de libre-échange avec l’Union Economique Eurasiatique. AvtoVAZ étudie également la possibilité d’assemblage dans de nouveaux pays.
Selon Dmitri Loukachov, analyste chez IFC Markets, les marchés automobiles des pays en voie de développement ont un beau potentiel, en raison du taux de croissance de leur économie comparé à celui des pays développés. Les véhicules russes se distinguent par leurs prix peu élevés, ce qui constitue leur plus important avantage concurrentiel dans des pays particulièrement pauvres. « Il est clair que les producteurs russes doivent mettre en place des sites d’assemblage dans les pays en voie de développement pour exactement les mêmes raisons que le font les fabricants étrangers en Russie. Chaque pays essaie de limiter les importations de produits finis pour développer au maximum la production interne » explique l’expert.
L’histoire de l’assemblage des voitures russes dans des pays étrangers est vieille de plus de 30 ans : au milieu des années 80 on fabriquait des Lada Niva en Grèce. Les voitures de la marque ont aussi été assemblées à diverses époques en Finlande, en Equateur, en Egypte, en Uruguay et en Ukraine. A la fin des années 1990 - début des années 2000, l’Usine Automobile d’Oulianovsk envoyait des kits CKD en Azerbaïdjan, au Vietnam, en Ukraine et à Cuba. L’Usine Automobile de Gorki a fabriqué au début des années 2000 des voitures et des utilitaires en Ukraine.
Lorsqu’ils organisent leur production à l’étranger, les constructeurs tiennent compte des particularités techniques et climatiques du marché local et les véhicules produits ont donc certaines spécificités. Par exemple en Egypte où les Lada reçoivent obligatoirement la climatisation et sont recouvertes seulement d’une peinture claire, principalement le blanc. En tenant compte des goûts des acheteurs égyptiens, le partenaire local d’AvtoVAZ avait même monté à l'époque sur les berlines Lada 110 une calandre rappelant celle des BMW ! KamAZ a modifié son camion pour le marché indien où les chauffeurs locaux ont l’habitude de surcharger les leurs de 70 à 80%. En outre, tous les KamAZ assemblés en Inde ont la direction à droite.
« L’ouverture d’usine dans d’autres pays montre que les producteurs russes suivent les constructeurs mondiaux et sont prêts à rivaliser avec eux. D’autant plus que dans la plupart des cas ce sont des marchés traditionnels pour les véhicules russes et cette diversification par la géographie contribue à renforcer l’entreprise, améliore les résultats d’exploitation et réduit la dépendance au seul marché intérieur. Enfin, l’assemblage local permet de mieux comprendre les souhaits et les besoins des clients et de produire des modèles conçus spécialement pour eux » résume Dmitri Baronov de Finam Management.
Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/904886-lada-v-stile-bmw-zachem-russki/
Adaptation VG