A l’époque révolue où elle était l’une des entreprises phares de l’Union Soviétique, AZLK construisait dans le plus grand secret des prototypes qui étaient nettement en avance sur leur temps, comme cette Moskvitch-2143 « Iaouza ».
Au début des années 1990, les voitures fabriquées par AZLK étaient depuis longtemps dépassées en termes esthétiques et techniques. L’un des projets développés par le constructeur russe pour combler ce retard fut la Moskvitch-2143 « Iaouza » (*) qui devait remplacer le modèle 2141 connu en occident sous le nom de « Aleko ». Le planning du projet visait une commercialisation pour 1993.
Lors de la création de ce modèle, la plus grande attention a été apportée au style de la carrosserie. Ce biodesign extrême n’était pas seulement le fruit de l’imagination luxuriante des stylistes d'AZLK : le cahier des charges mentionnait comme impératif une amélioration du coefficient aérodynamique par rapport au modèle précédent. Les dirigeants du pays souhaitaient réduire la consommation de carburant des voitures domestiques. Mais en raison de la taille du moteur et pour satisfaire l’ordre venu des hautes sphères, il fallu trouver un compromis, et c’est ce capot et le pare-brise arrondis qui ont déterminé le dessin de la future Moskvitch.
Pourtant la décision la plus controversée dans le style de la « Iaouza » fut cette découpe particulière des vitres latérales. Cette « bizarrerie » était pourtant partiellement nécessaire. La courbure du pare-brise qui se fondait dans les vitres latérales rendait impossible à l’époque, pour des raison techniques, la fabrication de grandes vitres coulissantes. Au final, ces « meurtrières » suivent une ligne partant du capot et participent à l’aspect spectaculaire de la voiture. Cette ligne détermine ensuite la forme des feux arrière et par unité du style, la forme des petites vitres latérales est reprise par le capot.
Pour répondre à cette forme futuriste la Moskvitch-2143 n’était techniquement pas en reste. Par exemple sa colonne de direction était réglable en hauteur. Le tableau de bord se déplaçait en même temps que le volant : les commandes restaient donc à portée de main et l’instrumentation était toujours parfaitement lisible. Comme la carrosserie biodesign, le tableau de bord multipliait les ronds et les ovales. Cet artifice de style est clairement visible dans les contours du volant, les buses d’aération, les poignées de porte, les boutons, les platines de commande, etc... La voiture avait aussi quelques extras comme une colonne de direction télescopique, des vitres électriques, un ordinateur de bord... Mais l’autoradio au nom romantique de « Belina » était hérité de la 2141 !
Les travaux commencèrent avec l’étude de l’habitacle, l’optimisation du style de la voiture sur une maquette à l’échelle 1:4 et la réalisation d’une première maquette taille réelle en plastiline. Cette maquette a ensuite été numérisée pour réaliser un carrosserie en polystyrène et un prototype roulant a enfin été réalisé par l’atelier expérimental d’AZLK. C’est à ce stade qu’il a fallu abandonner les phares ovales d’origine car il s’est avéré impossible de trouver des optiques adéquates. On prévoyait pour la Moskvitch-2143 une mécanique censée être fabriquée par la nouvelle usine de moteurs d’AZLK alors en construction à Moscou. Le moteur de base, indice 21414 était un 1,8 litre essence 8 soupapes à carburateur dont diverses versions devaient être dérivées : le 21415 et 21416 à injection ainsi qu’un moteur turbodiesel avec intercooler et il faut noter que ces moteurs n’étaient pas de simples copies de moteurs étrangers.
Le prototype « Iaouza » avait un moteur 21414 à carburateur. Etrangement, la Moskvitch-2143 de base ne devait pas être une traction avant, mais devait disposer de quatre roues motrices car les dirigeants du pays estimaient que ce type de transmission était la plus adaptée aux conditions des routes russes ! Cette transmission était construite sur la base de la boîte de vitesse standard de la Moskvitch-2141 sur laquelle on avait rajouté une sortie pour coupler les roues arrière. Les ingénieurs recommandèrent pour la production un différentiel autobloquant avec un réducteur séparé et combiné à la suspension arrière indépendante. On prévoyait aussi le montage de disques de freins avant ventilés avec des étriers originaux qui, comme ils étaient adaptables à Moskvitch-2141, se sont rapidement retrouvés sur les modèles de grande série.
Certaines sources mentionnent la réalisation de trois prototypes AZLK-2143 mais en fait un seul a été construit entièrement. Ce prototype souffrait d’ailleurs de nombreux défauts, ce qui n’a rien d’exceptionnel pour un prototype, mais en raison des circonstances expliquées ci-dessous d’autres prototypes n’ont pas pu être réalisés.
Par le travail de nombreuses personnes enthousiastes, il a été possible de construire une voiture unique. Si cette Moskvitch-2143 reste controversée, elle prouve pourtant le génie de ses créateurs et ne peut laisser personne indifférent. Certains l’ont farouchement défendue. D’autre non. Mais la majorité étaient pour. Pourtant, au final, il a été décidé que ce prototype n’avait aucun avenir et le nouveau directeur d’AZLK a intimé l’ordre d’abandonner les travaux. La « Iaouza » a cependant laissé des traces. Il semble que c’est grâce à ce projet qu’a pu naître la « Deciatka ». Certes la voiture a été considérablement modifiée avant d’être finalisée et si la VAZ-2110 ne parait pas aussi futuriste, certaines solutions vues sur la Moskvitch-2143, lui ont permis de devenir très populaire !
Lu sur : http://5koleso.ru/articles/obzory/moskvich-2143-yauza-proekt-na-zavtra
Voir ce lien si les photos ne s'affichent pas : http://www.yaplakal.com/forum11/topic1510612.html
Adaptation VG
(*) la Iaouza est une rivière se jetant dans la Moskova.