Derrière le Rideau de Fer, et en URSS en particulier, il est bien connu qu'il n'y avait pas de sexe. Il a toujours flotté autour du sexe une aura d’interdit. Heureusement jeunes et moins jeunes pouvaient s’adonner à une autre forme de plaisir. Ils personnalisaient leurs voitures (on parlerait aujourd’hui de tuning) sous les formes le plus diverses !
Dans un pays en constante pénurie de véhicules où la pénurie de pièces détachées n’en était pas moins terrible,prolonger la vie des voitures était une sorte de sport national. Les gens étaient forcées de « bricoler » pour maintenir leurs « vieilles » voitures sur la route. Ils adaptaient des pièces provenant d’autres modèles, supprimaient les pièces inutiles, découpaient, soudaient... Personne ne s’étonnait de voir rouler une Moskvitch-401 avec un pont arrière de Moskvitch-407, de croiser une GAZ avec des ailes de ZiL, sans parler d’un « trophée de guerre » BMW avec un arrière de Volga GAZ-21 ou d’une Pobieda avec des feux arrière de GAZ-24... Il s’agissait bien là de méthodes pour prolonger la vie des voitures et non pas de personnalisation au sens strict du terme. Pourtant, même dans les années 70, il était de bon ton de personnaliser sa voiture avec des accessoires que l’on regarderait aujourd’hui avec condescendance.
Aussi étonnant que cela pourrait paraître, il faut savoir que l’industrie soviétique produisait des accessoires pour les amateurs d’automobiles (c’est sous ce terme que l’on appelait en URSS tous les propriétaires de voitures particulières). Mais il s’agissait de produits utiles. On trouvait peu d’équipement servant à personnaliser et les véritables excès étaient franchement rares. Le rare exemple, produit en 1963 à l’usine d’équipements de tracteurs et d’automobiles de Stavrovo, est un kit de lave-glace à installer soi-même (à l’époque il n’y avait que les Volga qui disposaient de cet équipement en série). L’un des produits les plus répandus étaient les phares antibrouillard. On aimait ceux fabriqués en RDA car ils brillaient et leur dessin était élégant. Certes, ceux produits en URSS pouvaient aussi être chromés mais cela n'était pas un problème s'ils ne l'étaient pas car dans un ce pays où tournaient beaucoup d’usine, on pouvait « pour une bouteille » faire chromer quelque chose : entourages de phares, boîtier du filtre à air, couvre-culasse... et les amateurs d’automobiles ne s’en privaient pas !
En ce qui concerne le chrome, des enjoliveurs brillants de tous les types imaginables pouvaient se monter indistinctement sur tous les vieux modèles, même les camions et les UAZ, qui en étaient pourtant privés d’origine. Il est aussi intéressant de noter qu’au tournant des années 70-80 est apparue en URSS la mode de rouler sans enjoliveurs car cela faisait sport, comme dans les rallyes. Dans quelques régions, les inspecteurs de la police routière (GAI) luttaient contre ce phénomène, mais vers le milieu des années 80, les constructeurs nationaux - VAZ, AZLK, IZHmach - ont commencer à faire de même sur les voitures de série. On peut aussi rappeler que dans les années 70-80, on ne trouvait que quelques modèles d’enjoliveurs non standard - deux ou trois similaires à ceux que l'on rencontrait sur les Mercedes de la même époque et un autre avec des branches argentées sur fond noir.
En parlant des roues, on pouvait bien-sûr acheter dans les magasins des flancs blancs à poser sur ces pneus (ils coûtaient environ 2,6-3 roubles). Cependant, il n’y a que les véritables esthètes qui roulaient longtemps avec car, dans les conditions routières difficiles de l’URSS, les pneus à flancs blancs nécessitaient une attention particulière. En outre, ils étaient de qualité variable - certains jaunissaient et d’autres noircissaient en absorbant le carbone du caoutchouc des pneus...
Naturellement, dans un environnement où le fait de remplacer les clignotants par les mêmes devait être fait dans le strict respect du code de la route, il n’était pas question de kit-carrosseries complémentaires. Le maximum qui pouvait être fait sur les voitures, étaient les protections de bords de portière en caoutchouc avec des catadioptres intégrées, conçue pour protéger les portières lors des stationnement...
Pour être complet sur le thème des roues, nous pouvons aussi parler d’une des modifications les plus folles des tuners soviétiques (!) qui fabriquaient eux-mêmes des jantes larges en soudant deux jantes classiques. A l’époque c’était la seule manière de rouler avec des roues élargies. De toute manière, il n’y avait pas de pneus larges (pas plus que de pneus pas larges d'ailleurs !) et c’est pourquoi on « étirait » souvent des pneus normaux sur ces jantes faites maison. Dans les virages il fallait se méfier du manque de maintien du pneu sur la jante - la beauté entraîne parfois son lot de victimes injustifiées...
Dans ce contexte, les automobilistes adeptes de garde-boues semblaient tout à fait inoffensifs. Ils accordaient la couleur à leur Lada, rajoutaient des baguettes en acier inoxydable, les suspendaient avec des chaînes, les décoraient avec des catadioptres ou des élans, les découpaient dans des paillassons jusqu’à leur faire prendre des tailles incroyables... Les designers de Sparco doivent encore mal dormir jusqu’à aujourd’hui. Ces garde-boues devaient être conformes au code de la route, ils étaient vérifiées lors du contrôle annuel et c’est pourquoi les montages les plus prétentieux ne pouvaient pas échapper aux policiers.
Autre classique de la personnalisation en URSS, le pommeau de levier de vitesse. De nombreux journalistes pourront vous le confirmer et mon expérience personnelle peut aussi en faire foi. Il y a quelques années alors que je restaurais ma Kopeïka, j’ai voulu remettre un pommeau d’origine. En trois jours de recherches dans des casses, dans des magasins de pièces détachées et aux puces, j’ai vu des dizaines de pommeaux différents : celui en plexiglas avec des roses à celui en verre avec une petite voiture chromée à l’intérieur. Le seul pommeau sphérique d’origine que j’ai pu acheter était en mauvais état !
Jusqu’au milieu des années 80, la mode était aussi au couvre-volant. Inconsciemment, voyant qu'une jante de volant épaisse étaient plus pratique qu'une fine, les conducteurs soviétiques recouvraient leur volant d’un élément tressé. Cela n'était pas un simple fil et des mains habiles... Non, on achetait cela en magasin et il suffisait de le nouer autour du volant en suivant les instructions. Un peu plus tard on a vu apparaître des volants « cuir » (achetés également) plus esthétiques. Moins fréquents, on pouvait trouver à l’époque de Brejnev des volant en fourrure, assortis aux sièges. Installer et payer de genre de chose n’était pas à la portée de toutes les bourses et de toute manière tout le monde n’en voulait pas.
Une autre mode consistait à installer des éléments décoratifs en provenance d’autres modèles. On ne parle pas seulement des enjoliveurs de roues déjà évoqués ci-dessus. Le dernier chic était d’installer sur le coffre une « mouette » de Volga GAZ-21. Mais cet « oiseau » n’était pas facile à trouver et c’est pourquoi la plupart du temps on récupérait un élément de VAZ-2102 du même style. D’ailleurs, sur les Jigouli où l’on ouvrait le coffre à bagages en gardant le bouton appuyé ou en laissant la clé, cette patte brillante de VAZ-2102 était vraiment utile.
On peut aussi parler des phares masqués d’origine militaire qui donnent une touche d’originalité. On n’hésitait pas non plus à emprunter à l’armée un autre accessoire : une antenne de GAZ de commandement dont la longueur suffisait pour relier l’aile avant au pare-chocs arrière !
A l’intérieur il était de bon ton de monter sur les modèles les plus simples de VAZ ou de Moskvitch, une console centrale de VAZ-2106 ou VAZ-2107. Elle servait à monter des équipements « branchés » : radio, thermomètre ou des témoins supplémentaires... On essayait aussi de monter sur les Moskvitch ou ZAZ Gorbaty, des baguettes chromées de Jigouli. Ce sont les baguettes inférieures de Kopeïka qui étaient les plus utilisées car de nombreux propriétaires de VAZ les retiraient de leur voiture neuve craignant l’apparition de corrosion sur les bas de caisse. Ces baguettes étaient donc facile à racheter. On aimait aussi les baguettes de calandre de ZAZ-968 qui étaient parfaitement adaptées à la calandre de la Volga ou au capot du GAZon. En URSS, les chromes servaient à décorer n’importe quel modèle...
Pour finir, à la fin des années 70, pour être dans le coup, il suffisait de tout simplement de poser sur la plage arrière un ballon de football, bien entendu en cuir (on n’en faisait pas d’autre de toute façon) !
Voici donc les principaux traits de la personnalisation en URSS. Candide, naïf, accessible à tous. Ce qui est intéressant c’est que les propriétaires de ces voitures modifiées n’étaient pas moins heureux que ceux qui aujourd’hui rajoutent sur leur Mercedes ou leur Porsche des logos AMG ou Gemballa. Mais ça, c’est déjà une autre histoire...
Lu sur : http://www.kolesa.ru/article/vmesto-seksa-lyubitelskij-tyuning-epohi-sssr
Adaptation VG