Dans « The Brothers », son livre sur la fratrie Tsarnaev responsable du double attentat près de la ligne d’arrivée du marathon de Boston de 2013, la journaliste Macha Guessen a souhaité restituer la grisaille d’un pays, le Daguestan, d’où ils étaient originaires. Pour ce faire, elle évoque le sujet de ces voitures et de ces routes.
« L’autoroute vers la capitale, écrit-elle, est un objet de fierté et d’embarras en même temps. Elle a été construite récemment et elle est de loin la meilleure route du Daguestan, si bien que la nuit les jeunes y font la course avec leurs Lada Priora survitaminées.
La Lada Priora est une voiture mauvaise, de fabrication russe, mais sa technologie du XXème siècle se prête à des solutions rapides. C’est une bonne chose car lorsque cette autoroute pénètre dans la ville, en devenant l'avenue principale, la surface lisse cède la place à des nids de poule qui peuvent vous coûter un pneu ou votre vie ».
Pourquoi ne sommes-nous pas surpris de l’avis de Guessen quand elle écrit que la Lada Priora est « mal faite » ? C’est, la voiture n’a pas été conçue pour les concours d’élégance ou le sport. C’est une voiture économique, une voiture populaire, un bas de gamme.
Comme beaucoup de choses russes, elle a survécu en dépit de son manque d'attraction. Elle reste peu coûteuse et facile à réparer, comme le suggère Gessen - « une voiture qui se prête à des solutions rapides ». Pas besoin d’être un mécanicien expérimenté pour la réparer.
« Mon rêve d’enfance était d’avoir une Lada » écrivait un connaisseur de voitures soviétiques dans un récent article sur BBC.com. Sur Facebook, j’ai aussi vu un anonyme vantant les mérites d’une Lada Priora neuve dans une longue vidéo.
« Voici la clé » montre-t-il et on voit un gros plan de la clé. La clé ouvre la porte et on voit une paire de cuisse se blottir sous le volant. « Les sièges sont tout à fait confortables » poursuit le narrateur. Il klaxonne. Le klaxonne fonctionne. Puis il manipule sans maladresse aucune le levier de vitesse. « Boîte cinq vitesses » dit-il.
Nous sommes clairement dans le rêve car l’essence de l’expérience automobile dans l'ex-URSS n’est pas de caresser la carrosserie d'une Lada blanche toute neuve mais celle d’un véhicule robuste pouvant résister aux routes et à la météo brutale de la Russie, un véhicule qui répond à la main ferme d’un mécanicien qui a appris sur le tas, comme le père - Anzor - dans le livre de Macha Guessen.
Guessen décrit la routine de Anzor : « Il travaillait à l'ancienne à la soviétique : plutôt que de placer une voiture au-dessus d’une fosse ou de la lever sur un pont, Anzor soulevait la voiture avec des crics et se glissait dessus, restant couché sur le dos pendant des heures, la main levée pour atteindre les dessous de la voiture.
Il travaillait le plus souvent sur des voitures qui semblaient se satisfaire d’un entretien aussi rudimentaire que celui qu'il prodiguait avec leurs vieux carburateurs souffrant de sifflements, d’essoufflements et d’autres afflictions mystérieuses.
Chez les russophones de la région de Boston, il avait développé la réputation d’un mécanicien amical, pas cher et inventif et il n'y a rien d'étonnant à ce qu’il a commencé à ressembler à un vieillard dès l’âge de 43 ans ».
Lu sur : https://www.thestar.com/autos/2015/08/07/literature-and-the-lada-the-peoples-car.html
Adaptation VG