En Russie, quand on parle de conduite à droite, on pense uniquement aux voitures japonaises. Parfois, on pense aussi aux anglaises. Les plus informés pensent aussi de l’Australie ou de l’Inde. Mais saviez-vous que les constructeurs automobiles soviétiques ont eux-aussi fabriqué des voitures où le volant était dans la boîte à gants ?
Avant les Jigoulis, l’URSS avait déjà produit des voitures à conduite à droite pour circuler du côté gauche de la chaussée. C’est par exemple en 1965 qu’a été lancée la production de la GAZ-21P - une version export avec conduite à droite pour le Royaume-Uni et d’autres pays avec la circulation à gauche. On a également produit des Moskvitch RHD (Right Hand Drive) dont une partie, plutôt que vivre une vie tranquille à l’étranger, était utilisée comme fourgonnettes pour la poste.
La Fiat 124, qui a servi de base à la VAZ-2101, comptait aussi dans sa gamme une version pour le marché anglais. C’est donc presque immédiatement après leur lancement qu’on a décidé de fabriquer des Lada avec conduite à droite, encore une fois spécialement pour l’Angleterre. Vendre une voiture RHD avec une barque sur la calandre devrait pouvoir rapporter autant de devises que les versions normales, à conduite à gauche, distribuées en Europe Occidentale.
Les premières voitures « miroir » n’ont toutefois été produites qu’en 1974. Cette nouvelle version recevait l’indice VAZ-21012 ou VAZ-21014 en fonction de la cylindrée (1200 ou 1300 cm3). Ensuite sont apparues des Dvojka (2102), Troïka (2103), Chesterka (2106), Piaterka (2105), Semerka (2107), Chetverka (2104) et même Niva à conduite à droite. Les tractions avant ont eu aussi leurs RHD pour les marchés anglais et australien, les Samara trois et cinq portes avec des moteurs de 1,1 à 1,5 litre (21086, 21087, 21088, 21096, 21097, 21098) et berline quatre portes 210996.
En quoi ces Lada à conduite à droite différaient des modèles habituels ? Sur les voitures à roues arrière motrices, dans le compartiment moteur, le maître-cylindre des freins et les commandes d’embrayage étaient disposés à droite et pas à gauche. Bien-sûr dans l’habitacle, la colonne de direction et toutes les commandes étaient devant un conducteur maintenant assis à droite avec à ses pieds un pédalier à disposition classique (embrayage à gauche et accélérateur à droite). Fait intéressant, le tableau de bord des Troïka et Chesterka avait été conçu en miroir mais le Neiman était resté à sa place habituelle sur la colonne de direction, c'est-à-dire à gauche !
Les essuie-glaces avaient également été inversés pour que le zone de balayage et le champ de vision du conducteur restent suffisants en cas de pluie. Les balais se déployaient donc dans l'autre direction. Autre particularité des VAZ à conduite à droite, le compteur n’était plus en kilomètres mais en miles. Ce n’était pourtant pas tout. Par exemple, le hayon du break 2102 était équipé d’un essuie-glace et d’un lave-glace pas inutile dans le climat pluvieux de l’Angleterre.
L’exclusive version Lada 1300 ES, en tenant compte des conditions climatiques de la Perfide Albion, avait une carrosserie réalisée dans un métal plus épais et subissait en usine, avant peinture, un traitement électrostatique et anticorrosion supplémentaire. On avait prévu aussi une transmission, un embrayage et un échappement renforcés ainsi qu’un démarreur et une batterie avec une durabilité accrue.
Contrairement aux voitures destinées au marché intérieur, les RHD subissaient un contrôle complémentaire en 40 étapes au centre d’importation Lada de Carnaby près de Bridlington. Malgré cela, les concessionnaires devaient avant la livraison finale effectuer un contrôle supplémentaire obligatoire en 59 points. En général, les voitures exportées étaient donc bien mieux fabriquées et privées des petits défauts d’ensemble.
A partir de 1982, les Chesterka anglaises ont reçu des pare-chocs en aluminium avec des clignotants et feux de positions intégrés dont le style rappelait la Niva. Les mêmes pare-chocs équipaient les VAZ-2106 destinées au marché nord-américain. Satra Motors Ltd, l’importateur britannique, a également proposé une « luxueuse » version ES. Comparé à la Lada 1600 standard, elle se distinguait par son revêtement de toit en vinyle et ses jantes alu Apollo Octavo avec des pneus Goodyear Grand Prix. A l’intérieur de la Lada 1600 ES, l’attention était attirée par le volant cuir trois branches et laelecteur stéréo à cassettes Radiomobile 310CSR avec une antenne se déployant automatiquement sur l’aile arrière.
Si les premières Niva ont fait leur apparition en Angleterre dès 1978, il s’agissait de voitures à conduite... à gauche ! La version à conduite à droite, type VAZ-21212 n’a été lancée qu’en 1983. Il semble que le marketing a été plus rapide que l’ingénierie. La Niva était à l’époque une voiture importante pour la marque et la demande était considérable. Il fallait commencer les ventes même si la version adaptée pour le marché local n’était pas encore prête ! On n’a toutefois pas gardé les chiffres exacts des volumes de vente des Niva LHD (Left Hand Drive) en Angleterre. Est-ce que cela a repoussé les Anglais ? En 1987, ils ont commencé à vendre une version luxueuse, la Lada Niva Cossack. Outre quelques modifications extérieures, elle se distinguait par ses jantes en alliage léger et quelques options spécifiques.
Le 06 juillet 1989, la 12 millionième VAZ construite fut précisément une Deviatka (Samara VAZ-2109) à conduite à droite. A la fin des années 80 elle jouissait en Angleterre d’une bonne demande parce que son prix était comparable à celui de voiture de catégorie inférieure. Cependant, les consommateurs britanniques ont souvent fait remarquer sa mauvaise qualité de finition et un niveau élevé de vibrations, caractéristiques de la traction avant soviétique.
Pour fêter le vingt-cinquième anniversaire de Lada sur le marché anglais, une série limitée de la Samara quatre portes, la Samara Juno a été lancée. Le kit-carrosserie avait été dessiné par un ex-designer de Lotus, Colin Spooner. Outre les pare-chocs, l’aileron de coffre et les bas de caisse, la Juno se distinguait par ses jantes 14 pouces et ses équipements : toit ouvrant, système audio Blaupunkt et volant sport.
Hélas l’histoire des Lada à conduite à droite s’est arrêtée juste après ce jubilé. Pourtant, à en juger par des documents officiels, on prévoyait des versions de Deciatka avec le volant à droite (type VAZ-211026 et 211036). Mais la situation économique difficile en Russie et les pertes de marchés potentielles dans les pays à conduite à gauche ont fait que ces Lada 110 RHD n’ont même jamais été fabriquées.
Depuis le sujet des voitures à conduite à droite est toujours resté tabou. Peut-être que les Lada Vesta et Lada XRAY feront revivre cette glorieuse tradition ?
Lu sur : http://www.kolesa.ru/article/rul-v-bardachke-otechestvennye-pravorulnye-avtomobili-2015-12-12
Adaptation VG