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Moskvitch-410N:  le compromis n’est pas un vice.

Cela peut paraître étonnant mais l’URSS a imaginé des tout-terrains confortables. Celui dont il est question aujourd’hui est le « petit-frère » de l'étonnante Pobieda M72 et du GAZ-69, un 4x4 militaire intransigeant et sans compromis. A son époque, la Moskvitch-410N était un véhicule exclusif. Elle l’est encore aujourd’hui.

De profil, la voiture ressemble à un Big-Foot, sorte d'hybride en un 4x4 utilitaire et une voiture particulière. La garde au sol (430 mm) et l’espace vide laissé dans les passages de roues sont tels que la carrosserie de cette berline compacte semble avoir été posée sur le châssis d’un robuste tout-terrain.

Mais l’impression est trompeuse et ce n'est pas un jouet. Cette voiture a été fabriquée pour évoluer en tout-terrain comme un 4x4 « adulte ». Dans l’URSS des années 50, les routes constituaient souvent un véritable piège pour la moindre voiture particulière à propulsion. La Moskvitch-410 est la version tout-terrain de la classique Moskvitch-402, une berline avec une carrosserie autoportante (renforcée toutefois), une suspension incassable et une boîte à réducteurs.

Monter à bord n’est pas facile : l’ouverture des portières est étroite, le plancher élevé et il n’y a pas de marchepied. Le grand volant occupe la moitié de l’espace au-dessus du siège. Mais après un peu d’efforts et après s’être cogné sur le bord du toit, on peut profiter de la banquette étonnamment souple et on se rend rapidement compte que la position de conduite est pratique ! L’habitacle s’avère même confortable, autant que dans la Moskvitch-402, avec ses belles petites vitres, ses banquettes sur toute la largeur, la pendule, l’éclairage ambré du poste de radio et le doux ronronnement, non pas d’un chaton, mais du moteur situé quelque part sous les pieds... En effet, au ralenti, le moteur est à peine audible. Ce 1,4 litre développait dans la Moskvitch-400 seulement 35 chevaux. Modifié, avec soupapes en tête, il fait 45 ch dans la 410.

Installé au volant, je me dis que j’ai de la chance. Si j’étais plus petit, je n’aurai pas pu appuyer sur la pédale d’embrayage dont la course est extrêmement longue ! Étonnamment, la banquette ne peut être déplacée d’avant en arrière qu’en dévissant deux puissants écrous papillon et le dossier ne s'incline qu’en position horizontale (dans ces années-là, on pouvait passer la nuit même dans une Zaporojets !). Malgré les petites vitres, la visibilité est très bonne – dans les années 1950 on savait déjà ce qu’ergonomie voulait dire. Ajouter à cela la position de conduite élevée et vous comprendrez pourquoi on se sent bien à son volant.

Curieusement, le levier de vitesse jaillit sur le côté du tunnel central, alors sur les Moskvitch « à 2 roues motrices » et pour suivre la mode américaine, il est au volant. Les vitesses, contrairement aux mêmes Moskvitch, passent facilement. Ce miracle est-il le fait de ceux qui ont restauré la voiture où était-ce déjà le cas il y a de cela un demi-siècle ? La voiture est agréable et aussi agile qu’une Moskvitch-402 ou 407 habituelle. Elle se conduit naturellement et freine normalement.

La suspension de la 410 est entièrement dépendante : elle se compose de deux solides poutres transversales suspendues sur des ressorts à lames longitudinaux. Cet arsenal semble très impressionnant sur une voiture civile mais il n'a toutefois rien de surprenant : le châssis de 4x4, conçu pour une jeep destinée à la campagne profonde, était fourni à MZMA par GAZ.

Ainsi la suspension de la Moskvitch-410 offrait une belle marge de sécurité : la voiture pouvait s’affranchir d'ornières très profondes, les traverser dans tous les sens, le tout à des vitesses particulièrement élevées. Un tronc d’arbre tombé sur la piste ne lui posait pas non plus de problème et pouvait être franchi sans une seule égratignure. La neige, le sable, la boue, rien ne lui faisait peur... On peut même lire dans le manuel d’utilisation trouvé sur la plage arrière que la Moskvitch-410 peut évoluer dans la boue, même quand elle atteint les moyeux de roues. Pourtant, le couple n’est que de 86 Nm ! C’est la transmission qui fait tout : le rapport de pont a été largement revu à la hausse et le réducteur offre un gamme de vitesses courtes.

La boîte de transfert est commandée par un seul levier et ce n’est pas son seul avantage. Le conducteur peut enclencher le pont avant dès qu’il sent que le train arrière va patiner. Pour passer sur la gamme de vitesses courtes, il faut toutefois impérativement s’arrêter. Par contre, après avoir surmonté une zone difficile, pour revenir sur les vitesses normales, cela n'est pas nécessaire. Je n’ai pas essayé, de peur que les 45 chevaux ne suffisent pas, à m'extirper de ce mauvais pas. Mais sur les rapports courts, la voiture se déplaçait en toute confiance et sans perdre de vitesse (bien que celle-ci était déjà faible).

Le sable n’a pas non plus été un obstacle, même dans les pentes raides (la carte grise indique qu’elle peut franchir des pentes jusqu’à 43 degrés). Ce qui est intéressant c’est qu’il n’a même pas été nécessaire de « mettre les gaz ». Certes, la transmission hurlait constamment mais cela restait supportable.

Bizarrement, il a fallu que je fasse à nouveau appel au manuel d’utilisation mentionné ci-dessus pour ouvrir le coffre. La poignée d’ouverture, comme sur les voitures coréennes actuelles, se trouve dans l’habitacle mais à un endroit insolite : au pied du passager arrière droit ! Une seule chose étonne ensuite : comment a-t-on pu mettre une roue de secours aussi grande (une roue de 15 pouces avec un pneu tout-terrain au profil haut) dans un coffre aussi petit !

Cette Moskvitch est dans une certaine mesure le SUV de l’époque. Elle offre des capacités exceptionnelles dans la boue et accueille ses passagers dans un habitacle tout confort avec des banquettes bien molles. Elle n’a pourtant été produite qu’à un peu plus de 7,000 exemplaires, modèles 410 et 410N. Pourquoi ?

Primo parce qu’en tout-terrain cette voiture n’était pas encore totalement parfaite si on la compare à de vrais 4x4 comme le GAZ-69. Secundo parce que sa carrosserie autoporteuse ne supportait pas la charge et à cause de ses voies étroites et sa hauteur élevée, la voiture était relativement instable dans les virages. Si on avait demandé aux conducteurs de cette époque qu’elle était la voiture la plus confortable à conduire il aurait peut-être répondu la Moskvitch. Mais à l’époque on ne pensait pas au confort. C’était un autre pays. Une autre époque... à laquelle on était peu enclin à faire des compromis...

Lu sur : http://www.kolesa.ru/test-drive/polnoprivodnogo-moskvich410n-kompromiss--ne-porok-2014-12-24
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Moskvitch, #410, #Essai