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 GAZ-M72 : quand les villages étaient plus grands.

Difficile de trouver meilleure voiture pour voyager, dans l’URSS du milieu des années 1950, que la GAZ-M72. Le magazine russe Za Roulem a eu la chance de pouvoir rencontrer celle que les Russes considèrent comme le prototype des crossovers actuels.

Bien-sûr, les voitures anciennes, même aussi bien restaurées que cette GAZ-M72, doivent être ménagées. J’ai pourtant bien du mal. Avec les crossovers modernes j’ai perdu l’habitude de passer la première. Ils ont suffisamment de couple. Cette voiture haute, lentement mais sûrement, se balance d’un côté sur l’autre dans ce chemin cahoteux mais surmonte sans difficulté ce qui deviendrait rapidement un obstacle pour le moindre 4x4 actuel...

Bien sûr la GAZ-M72 est loin d’être la première voiture avec de solides capacités en tout-terrain et un habitacle confortable. Aux USA on a produit des véhicules de ce type dès les années 30 et, d’ailleurs, les soviétiques ont eux-mêmes copié ce concept en réalisant une version à quatre roues motrices de la « Emka », la GAZ-61. Celle-ci a été construite en quantités minuscules et s’adressait essentiellement aux officiers supérieurs de l’armée. Après la guerre, l’industrie nationale se limitait à la production du GAZ-67 puis du GAZ-69, solides et robustes, mais avec un toit en toile et un minimum de commodités. Les militaires et les cadres dans l’agriculture étaient bien contents de les avoir. Ces « Gaziks » n’étaient de toute manière pas vendus aux particuliers. Mais l’idée d’avoir quelque-chose de mieux était dans l’air. A Moscou, dès la fin des années 1940, on avait testé une version modifiée de limousine ZIS-110 avec quatre roues motrices. Mais cette voiture astronomiquement éloignée du peuple était plutôt une curiosité d’ingénierie.

Qui a eu l’idée de transformer la Pobeda en 4x4 ? L’histoire ne le dit pas. On a évoqué un ordre de Nikita Khrouchtchev lui-même mais on ne dispose pas de sources fiables. La voiture a été conçue par une équipe dirigée par G. Wasserman, l’un des principaux spécialiste des tout-terrains chez GAZ. La Pobeda avait déjà conquis les soviétiques et même gagné la reconnaissance de certains clients à l’étranger (alors qu’eux avaient beaucoup plus de choix) par la robustesse de sa construction. Néanmoins, pour en faire un tout-terrain décent, il ne suffisait pas d’installer les ponts et la boîte de transfert du GAZ-69. Il fallait aussi renforcer notablement la carrosserie, en particulier dans la zone de jonction entre le montant central et le toit, et au niveau des longerons et du tableau bord.

Formellement la voiture n’est pas une « Pobeda ». Sur la carrosserie est écrit M72 mais les gens l’appelait « Pobeda ». Elle méritait bien ce nom, et pas seulement parce qu’elle dérivait de la GAZ-M20. On peut imaginer le sentiment des gens qui ont ont pu s’assoir à son volant il y a de cela soixante ans. Des banquettes confortables, le confort d’une voiture particulière, un toit en dur au-dessus de la tête, un lave-glace (une première en URSS) et même la radio ! En même temps elle était aussi solide que le GAZ-69 avec une suspension à lames et une garde au sol de 210 mm... Voilà une voiture qui ne craignait pas les routes des coins reculés de l’URSS !

Sur la route, cependant, la M72 avait un comportement brouillon. Cela n’a rien d’étonnant. Elle n’est pas plus facile à conduire qu’un 4x4 militaire. Les 55 chevaux font tout ce qu’ils peuvent pour déplacer cette voiture lourde. La M72 exige une attention constante, s’inscrit dans les virages à contre-cœur en se déhanchant de gauche à droite. Cela n’est sans doute pas seulement du à la conception de la suspension (qui pourtant dispose d’une barre stabilisatrice à l’arrière) ou à la carrosserie haut-perchée mais plutôt aux voies plus étroites que sur le GAZ-69. Les freins sont par contre amplement suffisants car le simple fait de lever le pied de la pédale d’accélérateur ralenti fortement la voiture (par la résistance des éléments de transmission). A l’accélération, chaque rapport y va de sa propre voix. La première - courte - est une basse légèrement hystérique, la troisième - en prise directe - un baryton rauque. Notre voiture sortait de restauration et avec le temps elle chantera un peu plus doucement... mais l’expérience montre que cela ne sera effectivement qu’un peu.

Mais ce ne sont que des bagatelles par rapport à la capacité qu’offre la voiture à rouler dans un confort sans précédent autour des exploitations agricoles y compris dans les champs ! On pouvait même voyager bien plus loin à bord de la GAZ-M72. Le 1er mai 1956, l’écrivain Victor Ourine accompagné d'Igor Tikhomirov de l’Institut national de la cinématographie et du photojournaliste Alexandre Lomakine entreprennent un voyage en GAZ-M72 vers Vladivostok. Sur autorisation spéciale, la voiture a été achetée grâce à une avance sur les recettes des ventes du livre. Sur le parcours, l’essence leur était délivrée également grâce à une directive spéciale : les stations à essence pour les particuliers se comptaient sur les doigts de la main et il n’y en avait pas du tout dans les trous perdus... Leur voyage a duré près d’un an et demi car ils faisaient de longs arrêts. La presse, y compris bien-sûr Za Roulem, a relaté cette expédition et il y a eu un livre et un film (en couleur !) intitulé « Sur les routes de la Patrie ». Malheureusement, l’attention accordée à la voiture était inférieure à ce qu’elle méritait, le thème principal étant l'URSS, ce pays connaissant des changements et des espoirs encore impossibles quelques années plus tôt.

(...) Non seulement les dirigeants de l’URSS s’intéressaient de plus en plus à la vie dans les campagnes, mais en plus il faisait quelque-chose pour elles. Par exemple cette nouvelle voiture tout-terrain. Elle était à mon avis très similaire aux peintures naïves de l’époque : stricte, parfois grossière, mais prudente et équitable. La GAZ-M72 aurait d'ailleurs pu apparaître sur ces peintures. C’est pourquoi en la testant, j’ai essayé de m’adapter à son caractère peu facile, mais direct et franc. Mais dans des mains expertes, elle est capable de faire ce que la majorité des tout-terrains actuels n’a jamais rêvé de faire !

Hélas, la GAZ-M72 était condamnée dès sa naissance. GAZ préparait la sortie de la Volga, une voiture toute nouvelle et personne n’avait l’intention d’en proposer une version 4x4. A l’époque, la GAZ-M72 n’avait pourtant pas beaucoup de concurrentes dans le monde. Peut-être seulement la Jeep Station Wagon américaine ou la Renault Colorale française. 20 ans plus tard est apparue la Niva, cousine très lointaine mais assez proche de la GAZ-M72. Il faudra attendre encore 20 ans pour voir apparaître sur le marché une multitude de véhicules à quatre roues motrices offrant le même confort qu’une voiture particulière. On en croise à la pelle sur les routes et dans les villes, mais pas forcément aux endroits pour qui la GAZ-M72 avait été conçue... il y a près de 60 ans.

La GAZ-M72, voiture tout-terrain avec une carrosserie modernisée de Pobeda et une mécanique modifiée de GAZ-69, a été construite à partir de 1955. Elle disposait d’un moteur 2,1 litres de 55 chevaux et d’une boîte trois vitesses couplée à une boîte de transfert à deux gammes de rapports. Elle pouvait atteindre la vitesse de 90 km/h. Jusqu’en 1958, elle a été produite à 4677 exemplaires.

Légendes des photos :

  • L’habitacle de la GAZ-M72 est identique à celui de la Pobeda, mis à part les deux leviers supplémentaires pour la transmission.
  • Au-dessus du rétroviseur, la commande de l’antenne extérieure pour la replier en rentrant par exemple dans un garage ou pour la redresser fièrement.
  • La M72 comme la Pobeda dispose même de la radio. Au-dessus, la commande des clignotants.
  • Au-dessus de la pédale d’embrayage, le bouton du lave-glace. Les conducteurs russes n’avait jamais disposé d’une telle commodité avant la M72.
  • Sous le tableau de bord, le schéma de la transmission et un avertissement : en première courte, pas plus de 10 km/h !
  • Aucun responsable de district ou de région n’avait honte de s’assoir sur une telle banquette arrière.
  • La dernière version du moteur Pobeda développait 55 chevaux, une puissance tout à fait décente pour l’époque. Mais pour la M72, c’était tout de même insuffisant.
  • Le coffre à bagages, comme la Podeba, est à double plancher. La roues de secours et la trousse à outils vont en bas.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/739978-polnoprivodnaya-pobeda-gaz-m72-kogda-derevni-byli-bolshimi/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #GAZ, #M72, #Pobeda