/image%2F0782406%2F20141119%2Fob_d18fed_273.jpg)
Que doit-on retenir de Marussia après son départ du grand cirque de la Formule 1 ? La société a été mise sous tutelle, le propriétaire russe de l’écurie, Andreï Cheglakov a arrêté de la financer après l’étape de Sotchi. Il n’y a plus d’argent et de nouveaux investisseurs ne se pressent pas pour l’aider. Même si les actifs seront rachetés, il n’y aura plus l’année prochaine d’équipe « russe » de Formule 1. C’est dans la tristesse que la revue « Motor » a choisi les évènements dont on se souviendra de l'aventure « Marussia ».
En fait sous le nom de Marussia Team F1 s’est toujours caché l’équipe de course britannique Manor Motorsport de John Booth et Graham Loudon, une écurie qui s’illustrait en Formula Renault ou Formula Three Euroseries. L'idée de prendre part au championnat de Formule 1 2010 leur revient. Tout au long de ces cinq saisons, ils ont dirigé l’équipe qui initialement portait le nom de Virgin Racing. L’homme d’affaires britannique Richard Branson a initialement assuré le financement de l’écurie, puis le directeur général de Marussia Motors, Andreï Cheglakov a pris une participation majoritaire dans le projet.
C’était logique. A l’époque, Marussia Motors avait l’intention de construire et de vendre à travers le monde des supercars fabriquées en Russie et la Formule 1 était une excellente plateforme marketing. On prévoyait un avenir radieux.
L’avenir c’est aujourd’hui et il n’y a plus de supercars, ni de superplans. Marussia Motors n’existe plus, il n’y plus besoin de plateforme marketing et Andreï Cheglakov est probablement fatigué de dépenser de l’argent en Formule 1.
L’annonce de la création de l’équipe de Formule 1 Marussia a eu lieu lors du tout premier Grand-Prix « russe » de l’histoire - bien sûr si on ne compte pas celui qui a eu lieu il y a un mois à Sotchi. En 2010 à Abu Dabhi, quelque chose d’incroyable avait eu lieu : le vice-Premier Ministre Dmitri Kozak était venu dans le paddock, Fernando Alonso était restée coincé derrière Vitaly Petrov durant toute la course et à le matin même, au cinq étoiles Shangri-La Hotel, Richard Branson avait présenté la nouvelle Ferrari russe !
L’équipe Virgin Racing n’aura duré qu’une saison. Marussia, en rachetant la majorité des actions de la compagnie, devenant de fait le principal sponsor. A cause des circonstances, durant toute la saison 2011, l’écurie est apparue sous le nom de Marussia Virgin. Par elle-même, la combinaison du prénom féminin russe et du mot anglais « vierge », ne pouvait pas passer inaperçue. La virginité de Marussia fut l’occasion pour le paddock de faire de bonnes blagues ! Amplifiées au début de l’année suivante, quand le mot « vierge » a disparu du nom de l’écurie...
Depuis 2012, l’équipe s’appelait officiellement Marussia F1 Team. On savait que si John Booth et Graham Loudon étaient en mesure de faire quelque chose de l’équipe, elle pourrait durer une certain temps. La formule 1 est bardée de procédures bureaucratiques qui peuvent empêcher les nouveaux propriétaires potentiels de changer immédiatement de nom, mais en prenant la « citoyenneté » russe, l’équipe pouvait le faire ! Mais en fait Marussia F1 Team n’était pas russe. Pas plus que Force India n’est indienne. Pour le devenir, il suffisait de l’argent, quelques sponsors et une licence. En soi la licence, signe distinctif de la Formule 1, est secondaire et ne détermine rien. Marussia a reçu sa licence de la Fédération Automobile de Russie. En cas de victoire en Grand-Prix, c’est bien l’hymne russe qui aurait été entendu sur le podium. Hélas, il n’a jamais été possible de vérifier si les organisateurs s’étaient préparés à cet évènement.
Qu’est-ce que l’équipe russe avait encore de russe ? Les fermetures Eclair aux couleurs du drapeau tricolore russe de ses collaborateurs, des autocollants du restaurant moscovite « Reka », du bookmaker « Liga Stavok » et d’autres compagnies en guise de sponsors. Elle comptait aussi plusieurs employés : un ingénieur russophone du nom de Timur avec des responsabilités un peu floues, responsable du programme jeune de Marussia Motors (oui, oui, il y a eu cela), Svetlana Strelnikova, qui dirige maintenant l’écurie Russian Time en GP2 et, bien sûr, Nikolaï Fomenko.
Nikolaï Fomenko était le principal visage de Marussia, son « speaker » russe et le seul lien fort et évident entre l’équipe et le plus grand pays du monde. En Russie on a toujours su que Marussia est l’équipe dont s’occupe Fomenko et dans le paddock on savait que le russe c’était Nikolaï.
Il occupait la fonction de « Engineering Director ». Oui... ce musicien, acteur, pilote, showman, présentateur de télévision, directeur de société, auteur de livres et parolier, comédien était également directeur de l’ingénierie ! Il a occupé ce poste pendant environ un an. En 2011, il était présent sur toutes les courses, participait activement aux travaux de l’écurie dans la voie des stands et donnait de longues interviews. Qu’est-il arrivé ensuite, personne ne sait. En 2012, il a tout simplement arrêté de venir sur les Grands-Prix !
Certains ont dit que Fomenko a été renvoyé à Moscou par Andreï Cheglakov pour résoudre les problèmes de Marussia Motors, d’autres qu’il n’avait pas pu trouver de langage commun avec le consultant technique Pat Symonds. Il n’y a jamais eu d’information officielle cohérente à ce sujet.
Malheureusement, on ne se rappellera surtout de Marussia en Formule 1 que par des évènements tragiques : les accidents de Maria de Villota et de Jules Bianchi. La pilote espagnole avait été nommée au poste de pilote d’essai au début de l’année 2012. Avant cela elle avait réussi à effectuer un essai sur une ancienne voiture de l’équipe Lotus. Maria de Vilotta a pris place au volant de la Marussia pour la première fois le 3 juillet 2012 pour des tests aérodynamiques sur l’aérodrome de Duxford. Dès 9h30, ces tests étaient terminés... Alors qu'elle rentrait au ralenti, sa voiture a soudainement accéléré pour aller s'encastrer dans un camion de l'écurie en stationnement. Elle a percuté avec son casque le hayon du camion qui n’était pas encore totalement replié et a subi de graves blessures à la tête. Les médecins lui ont sauvé la vie mais ont dû lui retirer son œil droit. Un an plus tard, en octobre 2013, Maria de Villota est décédée. Et en octobre 2014, c’est Jules Bianchi qui a été à son tour victime d’un accident !
Depuis cet évènement il y a plus d’un mois, Jules Bianchi est toujours dans un état critique mais stable dans un hôpital de la province de Mie au Japon. Diagnostic : lésions anoxales diffuses. Pas la peine de préciser le degré de gravité de la blessure quand on sait que Jules Bianchi a percuté à apparemment un peu moins de 200 km/h le contrepoids d’un engin de manutention de plusieurs tonnes. Personne ne veut penser au pire. On ne peut qu’espérer que Jules Bianchi va encore s’en sortir.
Jules Bianchi est originaire de Nice. Pour lui, il n’y avait pas meilleure place que Monaco pour gagner les premiers points de sa carrière en F1. Toute sa famille était là, une famille déjà issue de la course. Mauro son grand-père et son frère Julien ont couru aux 24h du Mans. En 1968, Julien a remporté cette course mythique et Mauro a eu un accident dans lequel il a presque brulé vif et après lequel il a finalement mis un terme à sa carrière. Un an après son accident lors de l’édition suivante, Lucien Bianchi trouvera la mort. A Monaco, où Jules est entré pour la première fois dans les points dans sa carrière « adulte », son grand-père avait terminé premier. Pour la famille Bianchi, c’était donc un jour un peu spécial.
Et ça l’était aussi pour Marussia. Car pour la première fois de son histoire, l’équipe marquait des points. Les deux points de la neuvième place du Grand-Prix de Monaco, sont les deux seuls points de l’équipe qui a fait ses début en Formule 1 en 2010 (et qui a connu trois noms différents). Cela dit en passant, Monaco est bien le seul endroit où Marussia pouvait gagner des points. Pour être honnête, elle ne pouvait pas espérer en remporter autre part que sur un circuit où les probabilités d’accidents sont fortes et où il est impossible de dépasser. Jules Bianchi et Marussia ont eu un peu de chance au Grand-Prix de Monaco 2014 mais personne ne pourra contester le fait qu’ils étaient au bon endroit au bon moment.
Nous nous sentions comme chez nous dans le box quand nous posions nos questions à Fomenko et lui transmettions les commentaires de nos lecteurs, comme par exemple savoir ce que cela faisait de perdre le mot « vierge » dans le nom de l’écurie. On se souviendra aussi des interviews des pilotes avec nos questions sur le bortch, les fuseaux horaires, les imbéciles et les routes...
Ce fut une belle équipe... Elle nous manquera.
Lu sur : http://motor.ru/articles/2014/11/17/marussiafin/
Adaptation VG