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Vous vous rappelez la Yugo ? Dans les années 80, cette petite voiture d’aspect fragile avait été présentée à l’acheteur américain comme un moyen de transport abordable. Certains se souviendront pourtant que la Yugo était loin d’être populaire. Mais il y avait des gens pour l’acheter et c’est pourquoi on trouve toute une génération de Yugo finissant leurs jours dans les casses, les garages ou d’autres endroits à travers tout le pays.
Il y a quelques années certaines Yugo plus chanceuses - 29 au total - ont été littéralement adoptées par une classe de la New York’ School of Visual Arts et ont été transformées en « Yugo Next », une collection d’œuvres d’art qui est devenue si populaire qu’elle a fait l’objet d’une exposition itinérante dans 28 villes des Etats Unis. Briquet, confessionnal, douche, cheminée, accordéon... Kevin O’Callaghan et ses étudiants ont trouvé une manière étonnante pour offrir une nouvelle vie à la petite yougoslave.
Chaque année, Kevin O’Callaghan doit trouver une idée pour l’exposition de printemps de sa classe. Mais cette année-là, c’est l’invitation du Grand Central Terminal de New York qui a été déterminante. Car on demandait aux étudiants de présenter leurs travaux de fin d’année au Vanderbilt Hall, un espace immense d’environ 2,000 mètres carré sur un seul niveau. Kevin O’Callaghan voulait quelque chose qui ne serait pas éclipsé par une telle surface. Mais il fallait trouver quelque chose...
« J’ai eu une idée quand à Long Island, je me suis retrouvé accidentellement dans un cul de sac » explique O’Callaghan, qui est également scénariste pour le cinéma, la télévision et le théâtre. « Au bout de la rue, des enfants jouaient au baseball et ils utilisaient une Yugo comme filet de protection. La voiture était en relativement bon état et j’étais étonné qu’ils fassent cela. Lorsque je leur ai posé la question, ils m’ont répondu que leur père les laissait faire parce qu’il n’arrivait pas à la réparer. Il n’y avait plus d’usine, ni même de pays pour produire les pièces nécessaires, puisque la Yougoslavie n’existait plus. La voiture était considérée comme un déchet ».
O’Callaghan s’est alors posé la question : « Que feriez-vous avec une Yugo qui ne roule plus ? ». Il a publié dans la presse une annonce « Recherche Yugo, mort ou vive » (Yugos WANTED, DEAD OR ALIVE) et il a été étonné du nombre de personnes qui ont répondu. Il ne lui a pas fallu longtemps pour rassembler suffisamment de Yugo pour les élèves de sa classe. Une fois les moteurs et l’intérieur démontés, ils ont commencé à travailler sur leurs futures œuvres-d’art dans un entrepôt situé dans le parc industriel de Saint-James à Long Island.
« Ils ont transformé les voitures en choses vraiment étonnantes, mais en travaillant sur ce projet, aucun ne pensait que l’exposition allait faire le tour du pays » note Chris Noblit, de la société de déménagement Atlas Van Lines à Yaphank, Long Island . « Ces pièces n’ont pas été construites pour être déplacées. Elles sont fragiles et pèsent environ 400 kilos chacune ».
Et même si les étudiants devaient garder les roues de leurs voitures, de sorte que les Yugos puissent rouler, certaines d’entre elles avaient des ornements très fragiles ou complexes. Déplacer les voitures allait être une tâche lourde et délicate. O’Callaghan a donc fait appel à Atlas Van Lines alors que les étudiants étaient encore en train de travailler sur leurs projets. « Quand j’ai vu le genre de choses qu’ils faisaient avec les voitures, j’ai compris que ça allait être un défi pour les sortir de cet entrepôt et les emmener au Vanderbilt Hall. Nous avons commencé à travailler immédiatement sur le planning ».
Les mettre en caisse pour le transport aurait été la meilleure façon de faire, mais c’était hors de question parce que le coût de la main d’œuvre et des matériaux pour 29 objets de cette taille aurait été trop élevé. Chris Noblit indique : « L’emballage dans de la mousse était donc la meilleure solution, mais pour des objets fragiles il faut un certain savoir-faire pour ne causer aucun dégât pendant le transport ». Noblit a sélectionné dans son entreprise des déménageurs et des chauffeurs spécialisés dans la protection et le transport d’objets fragiles ou de grande valeur. Cette équipe a effectué une visite dans
l’entrepôt pour avoir une idée du travail qui les attendait. Ils ont examiné chaque Yugo pour évaluer les besoins particuliers de chaque pièce et voir combien de morceaux de mousse seraient nécessaires. Ils ont aussi commencé à imaginer le plan de chargement des remorques à suspension pneumatiques, conçues pour les transports spéciaux, qui seraient utilisées.
L’optimisation du chargement des remorques est une nécessité pour une exposition de 29 œuvres d’arts qui ont la taille d’une voiture (même des petites voitures). En chargeant sur deux niveaux, il était possible de les charger dans trois remorques de 48 pieds. « Le plus compliqué n’a pas été d’imaginer comment les placer dans les remorques. Le plus difficile a été de les charger » ajoute Noblit. Il n’était pas possible d’utiliser des engins de manutention et il a donc fallu les charger à la main ! Les déménageurs ont été aidés par des étudiants.
Une par une, avec beaucoup de sueur et une bonne dose de muscle, les voitures ont été chargées dans les remorques pour rejoindre le Vanderbilt Hall. Mais tous étaient loin d’imaginer que c’était le premier voyage d’une tournée nationale qui allait durer deux ans et demi ! « Les voitures ont été déchargées à la main. C’était encore une fois une tâche difficile. Certaines pouvaient être divisées en plusieurs morceaux et devaient être remontées une fois arrivées dans le hall d’exposition » rappelle Noblit.
Une œuvre d’art est une chose très personnel. C'est quelque chose que l’on ne garde pas toujours à l’esprit quand elles doivent être transportées par des déménageurs indique O’Callaghan. « L’équipe d’Atlas Van Lines a compris que pour les élèves ces pièces sont précieuses et très personnelles. Ils ont traité chaque voiture avec respect. Ils ont pris leur temps et étaient incroyablement patients. Après quelques voyages, ils étaient devenus très familiers avec les étudiants et les œuvres d’art qu’ils devaient transporter. On les invitait parfois aux vernissages. Pour Atlas Van Lines ce n’était pas un contrat juteux. Il y avait tellement de main d’œuvre. Mais la manière dont ils ont géré cette affaire en fait une expérience très positive ».
En raison de sa grande popularité, l’exposition « Yugo Next » est restée un mois complet au Grand Central Terminal de New York. Lorsqu’il s’est avéré que l’exposition partirait ensuite à l’Union Station de Washington DC, la gare centrale, il n’y avait pas beaucoup de temps pour préparer le voyage. « Nous avons eu trois jours pour organiser le déménagement pour Washington. J’ai appelé Atlas Van Lines et de nous avons de nouveau travaillé ensemble » note O'Callaghan.
Le Fonds National pour les Arts de Washington a décrit « Yugo Next » comme « l’un des plus grands exemples d’art public jamais organisé ». Au fil des villes visitées, l’intérêt pour l’exposition grandissait. A la fin de sa tournée, qui a finalement compris Los Angeles, Chicago, Saint-Louis et même Montréal, de nombreux reportages dans des magazines et à la télévision et plus de 178 articles de journaux avaient parlé de ces Yugo transformées.
David Von Drehle écrivait dans son éditorial du Washington Post : « Pour les adultes qui passent par la gare, le concept de cette exposition est un peu difficile. Ils posent des questions : « Qu’est-ce que c’est ? Vous essayez de vendre des voitures ? ». Mais les enfants comprennent immédiatement et passent d’une voiture à l’autre : « Une voiture cheminée ! Regarde une salle de cinéma ! ». Les enfants comprennent immédiatement tout sauf les écriteaux « Ne pas toucher ». Von Drehle termine tout simplement son article par « Wow ».
Lu sur : http://www.avatar-moving.com/gh_showarticle.asp?hid=6
Ne pas manquer le lien vers une galerie de photos en haute définition (scans de négatifs argentiques) prise à la gare de Washington DC en 1995 :
http://www.flickr.com/photos/mag3737/sets/72157630309734414/
Et compléter par :
http://www.mwstaffo.com/yugo/
et : http://freeweb.deltha.hu/zastava.in.hu/art.htm
Adaptation VG