Vous aviez reconnu l’Oka ? Moi non plus je ne l’avais pas remarquée ! Cet hiver la région de Nivjni-Novgorod a revêtu son manteau blanc plus tôt que d’habitude et les voitures qui sont garées au bord du lac gelé ressemblent bien à des Oka, malgré leurs skis et leurs chenilles. Ces snegokhods portent le nom de TTM-1901-01 Berkut. Ils sont fabriqués par « Transport », une société du coin. On peut les décrire comme des motoneiges avec une cabine fermée et chauffée. Je dirai même surchauffé, car conduire ce Berkut par -16°C m’a donné des sueurs froides !
Quand on voit cette voiture posée sur ses skis largement écartés, il est difficile de ne pas sourire. Elle fait plus penser à un merle qu’à un aigle royal (la signification du mot Berkut en russe). A l’avant, elle repose sur deux skis reliés à des ensembles ressorts/amortisseurs télescopiques et se déplace grâce à deux larges chenilles à larges crampons. Rien d’inhabituel pour une motoneige. Ce type de modèle permet des vitesses relativement élevés car les chenilles suivent la trace creusée par les skis avant et la pression spécifique est inférieure à celle d’un skieur ou d’une motoneige classique, si bien que ce snegokhod peut se déplacer sans difficulté dans différentes densité et profondeur de neige. Le moteur est un moteur essence VAZ-21213. Il est en position longitudinale à l’arrière, précédé par une boîte cinq rapports de Lada « Classique ». Les parties « roulantes » proviennent d’un snegokhod Taïga. Les chenilles ne servent qu’à propulser l’engin, la direction étant assurée par les deux skis avant.
Difficile toutefois de parler de direction. A ma première tentative de virage j’ai filé tout droit et tordu un ski en percutant une cloture... Après cette mésaventure, le Berkut tirait à droite. Deuxième tentative : je n’arrive pas plus à tourner le volant. La force exercée par les skis sur la direction est telle qu’on n’a pas l’impression d’évoluer sur la neige mais sur du béton. Les pédales aussi sont conçues pour les entraîneurs de fitness. Mais il y a pire encore : tirer le levier de vitesses, c’est comme jouer au billard les yeux bandés. Mais j’y arrive : première, deuxième... accélération, décélération. Cela ne fait que dix minutes que j’évolue dans ce sous-bois, mais je suis aussi épuisé qu’un pilote de rallye après une épreuve spéciale !
J’ai fini par comprendre comme fonctionne le Berkut et sa direction : ce n’est pas une motoneige mais une charrue et tout dépend de la qualité de la neige. Mais pour comprendre dans quel type de neige on est en train d’évoluer il faut un sixième sens. En plus, les commandes ne sont pas très ergonomiques. Impossible par exemple de doser facilement la puissance en raison du câble de l’accélérateur. On finit sans doute par s’habituer à tant d’absurdité, mais quand on sait que les premiers exemplaires de Berkut ont été livrés en 2007, on peut s’étonner que les différentes commandes n’ont pas été revues depuis.
Dans l’habitacle on peut rapidement retirer chapka et manteau : le système de chauffage transforme rapidement l’intérieur du Berkut en sauna. Mais à l’opposée, les sensations procurées par sa conduite ressemblent à une douche froide. Sur la glace ou sur la neige tassée, le Berkut a de quoi vous faire peur. Principalement parce qu’il faut comprendre que l’on peut contrôler l’énergie cinétique à l’aide des skis. Plusieurs fois durant cet essai, j’ai préféré m’arrêter purement et simplement plutôt que d’essayer de tourner à pleine vitesse. Ses concepteurs ont sans doute prévu ce genre de situation, car pour pouvoir sortir le Berkut d’un mauvais pas, ils l’ont équipé d’un treuil et d’une pelle (c’est qu’en ordre de marche l’engin pèse près d’une tonne). Dans la neige profonde, au contraire, je n’avais plus envie de sortir de l’engin. Car à la différence d’une motoneige classique où il faut bien doser l’accélération, ici c’est à fond partout. Il faut s’en souvenir et ne pas hésiter à garder l’accélérateur le pied au plancher.
Dans les grandes étendues de neige vierge, le Berkut est comme sur des rails. Mettez une brique sur la pédale d’accélérateur (si vous êtes prévoyant vous l’aurez placée sous le siège avant de partir) et il vous emmènera loin. D’ailleurs les professionnels ne s’y sont pas trompés. Les premiers exemplaires de Berkut ont été vendus aux compagnies gazières et servaient à l’inspection des gazoducs : le réservoir d’essence permet une belle autonomie, il fait chaud dans l’habitacle et il y a de la place pour les bagages. Pourtant, on se demande comment ils ont pu supporter le niveau sonore dans l’habitacle ! Le niveau de résonnance est du même acabit que dans l’ancienne Niva. Mais le problème devrait être résolu (mais cela fait déjà quatre ans qu’on aurait dû y penser) avec de l’insonorisant et des dispositifs anti-vibrations.
Le Berkut ne connaîtra sans doute pas d’évolutions pour corriger ses défauts car « Transport » a déjà commencé à travailler sur le modèle de deuxième génération. Il s’agira d’un snegokhod avec une jolie tête de têtard que l’on n’aura pas honte d’utiliser qui sera destiné avant tout aux stations de ski. Les spécialistes de « Transport » doivent lui trouver un moteur, une transmission appropriée (y compris une boîte automatique) et plus important encore, doivent trouver le moyen de réduire les coûts. Car à 600,000/650,000 roubles (le prix de l’actuel Berkut), il est difficile de s’attendre à ce que ce type d’engin rencontre le succès auprès des particuliers et il serait dommage qu’il rencontre le même sort que son prédecesseur c'est-à-dire être exclusivement vendu à de riches compagnies de l’industrie pétrolière !
Ce snegokhod est la preuve qu’avec beaucoup d’imagination on peut tirer la quintessence (à ses défauts près) de différents éléments provenant de producteurs nationaux. Mais ses concepteurs aurait pu trouver au Berkut un nom plus approprié, car comparer cet engin à un aigle royal était peut-être un peu prétentieux !
Légende des photos :
- Sur le Berkut, la grille de vitesses est inversée. Ce n’est pas le seul problème : le levier de vitesse se distingue par sa dureté et par son débattement inhabituellement important.
- C’est dans la neige (et peu importe sa profondeur) que le Berkut est dans son élément. Plus la neige est molle, plus il devient confortable et surtout maniable. Malgré son centre de gravité élevé, impossible de le faire renverser.
- La couleur blanche est comme un camouflage : cet exemplaire a été fabriqué pour les gardes-frontières dans le Grand-Nord. Ce genre de commande n’est pas nouveau. Il y a 30 ans, on produisait déjà à Rybinsk une version spécifique de motoneige destinée aux forces armées. Le Buran Bars était équipé d’un phare de recherche, d’un emplacement pour l’équipement radio et avait passé avec succès les tests demandés par l’armée.
- La durée de vie de la chenille est variable. Elle est très exposée et peut souffrir de manœuvres inadaptées. Mais si le snegokhod est conduit avec soin, la chenille pourra durer au moins trois saisons.
- Le compartiment moteur est si vaste que l’entretien ne pose aucun problème. D’ailleurs le moteur est à carburateur car les habitants des régions éloignées n’ont toujours pas confiance en l’injection !
- La chenille du Berkut se distingue de celle du motoneige Taïga par sa plus grande longueur et par son mécanisme de tension original lui permettant de reculer sans creuser la neige.
- Entre la boîte de vitesse et le réducteur, un disque de frein est installé sur l’arbre de transmission.
- Les skis du Berkut sont en acier et son reliés à des ressorts télescopiques et amortisseurs hydrauliques.
- Sur ce type d’engin, la consommation de carburant est ce qui fait le plus mal. Elle varie de beaucoup à vraiment beaucoup. Cependant, avec un plein (40 litres) et sur étendue régulière, le Berkut garantit une autonomie minimum de 200 kilomètres.
- L’équipement du Berkut est décent et l’élément le plus coûteux est le dispositif de préchauffage automatique Webasto (livré en série). La position de conduite est confortable. Tout tombe bien sous la main, même si le pédalier, le levier de vitesse et la direction demandent des efforts surhumains.
- Voici l’ancêtre du Berkut. En 1975, le Ministère des Situations d’Exception a reçu le snegokhod GPI-1910 avec une cabine deux places fermée. Le moteur était un MeMZ-968 à refroidissement par air et la transmission se faisait par chaîne.
- Là où une voiture est restée bloquée (à en juger par les traces), le Berkut passe facilement. Avec ses larges chenilles et une bonne répartition du poids, sa pression au sol est très faible.
- Sur route ouverte, le Berkut est transporté sur une GAZelle. Il est capable de monter dessus par ses propres moyens.
- En quatre ans, « Transport » a fabriqué environ 20 Berkut. Ce n’était pas la priorité de la société qui produit essentiellement des tout-terrains lourds. Si elle n’abandonne pas le créneau des petits snegokhods, le Berkut-2 pourrait ressembler à cela. Sympa !
- Sous le capot se cache le coffre à bagages. Y sont, entre autres, stockés les équipements pour se sortir d’un mauvais pas (highjack, treuil manuel et pelle).
- Cet aigle est bien un oiseau ! Il vole. Enfin pas trop haut quand même ! L’atterrissage se fait en douceur grâce à la suspension très bien calibrée.
Caractéristiques techniques :
- Poids à vide (kg) : 900
- Capacité de chargement (kg) : 200
- Capacité de remorquage (kg) : 300
- Nombre de places : 2
- Garde au sol (mm) : 250
- Voie (mm) : 1140
- Rayon de braquage (m) : 6,5
- Type de chenille : en caoutchouc avec des lamelles en plastique
- Moteur : VAZ-21213
- Puissance (kW/ch à tr/min) : 58/79 à 5200
- Transmission : manuelle à cinq vitesses + marche arrière
- Pente franchissable (degrés) : 25
- Déport maxi (degrés) : 25
- Suspension de la chenille : à ressort
- Suspension des skis : télescopique, à ressort
- Capacité du réservoir (litres) : 40
- Autonomie (km) : 200
Lu sur : https://autoreview.ru/articles/po-dorogam-i-bez-nih/ne-day-sebe-zamerznut
Adaptation VG