On peut aujourd'hui dire sans aucune exagération que l'histoire de l'automobile polonaise est un immense gâchis. Des ingénieurs talentueux ont construits des dizaines de prototypes particulièrement intéressants et novateurs qui n'ont jamais abouti à des modèles de série... C'est aussi le cas chez le constructeur Nysa, où le bureau d'étude a fait de nombreuses propositions de camionnettes au style peu banal.
Cela ne fait pas si longtemps que cela que les amateurs de voitures anciennes s'intéressent aux modèles utilitaires. De nombreux prototypes ont terminé leur vie dans l'ombre, en travaillant comme de simples modèles de série. Il subsiste très peu de documents à leur sujet. En plus ils ont souvent été détruits. Voyez par exemple la marque Nysa dont l'histoire est particulièrement méconnue.
Dans les années 50, la "Fabryka Mebli Stalowych Zachod" (l'Usine Occidentale de Meubles Métalliques) a commencé à fabriquer des carrosseries pour les camions Star et Lublin. Ce dernier était produit sous licence soviétique, son ancêtre étant le célèbre GAZ-51. On manquait presque de tout y compris des outils et des machines pour sa production, mais la demande pour ces camions était particulièrement élevée. La FMSZ rappelait plus une fabrique du XIXème siècle qu'une véritable usine. Il n'y avait pas de presse. Les panneaux de carrosseries étaient formées avec des sacs de sable ! Il n'y avait pas non plus d'atelier de peinture. On attendait qu'il fasse beau pour faire de la peinture au pistolet dans la cour ou on les faisaient peindre par la Sanocka Fabryka Autobusow (SFA devenu plus tard Autosan). Après le début de la production en série de la fourgonnette Nysa divers prototypes ont été réalisés en vue de son remplacement aussi bien à Nysa qu'à Sanok.
En 1961, Nysa a réalisé le prototype Nysa N 61. Il avait été commandé par le Ministère de la Culture et des Arts et devait être utilisé pour les projections en plein air. Techniquement il ne différait pas du Nysa N 59 de série, mais sa silhouette était un peu plus moderne. Son avant était plus arrondi, d'une baguette le long de la caisse et d'un arrière légèrement différent. Le Nysa N 61 avait un pare-brise panoramique qui offrait au conducteur une meilleure visibilité par rapport aux deux petites vitres du modèle N 59. Ce type de pare-brise fera son apparition en série seulement à partir du modèle Nysa 501 de 1964.
Le Nysa N 61 a été construit en deux versions : fourgon et minibus. Le fourgon avait un pare-brise en quatre partie mais avec des montants particulièrement étroits donnant l'impression d'avoir un seul élément. Quant au minibus, il a été réalisé en trois exemplaires différant par leur degré d'unification avec le modèle N 59 de série. Le modèle de base était le Nysa N 61-M, le modèle le plus proche du N 59 était le N 61-M-a, et celui dérivé des deux précédents s'appelait N-61-M-b.
Lors de la conception un effort particulier avait fait pour augmenter le confort du conducteur. Un tableau de bord "à casquette" avait était installé pour éviter le reflet du soleil. Il était beaucoup plus facile à lire que celui du Nysa N 59, qui subsistera avec quelques évolutions sur tous les modèles de Nysa fabriqués jusqu'aux années 80. Officiellement ce modèle n'a jamais été produit en série par manque de presses d'emboutissage nécessaire pour la nouvelle partie avant.
En 1962 est fabriqué le prototype Nysa N 62. Il reprend les idées rencontrées sur le modèle N 61, disposait de tout l'équipement nécessaire pour la projection d'un film alimenté par un groupe électrogène située à l'arrière dans un compartiment spécial.
L'expérience acquise avec les modèles N 61 et N 62 a été reprise sur le N 63 dont l'étude a commencé en 1962. Il disposait également d'un pare-brise panoramique améliorant la visibilité mais les montants latéraux avait été totalement supprimés. De nouveaux essuie-glaces avaient été dessinés. Le protoype N 63 était équipé du tout dernier moteur à soupapes en tête S-21. Il développait 51,5 kW à 4,000 tr/min, ce qui améliorait considérablement les performances par rapport aux modèles équipés du moteur à arbre à cames latéral M-20.
Certains Nysa N 63 ont également équipés d'un moteur diesel Renault. Malheureusement on ignore combien de modèles de ce type ont été construits. En 1969, un test comparatif a été organisé par l'usine entre les Nysa N 63 à moteurs S-20, S-21 et Renault diesel, mais on n'en connait pas les résultats.
Une des nouveautés était le plancher entièrement en acier remplaçant celui en bois monté sur le châssis. Sur le minibus la surface vitrée était augmentée avec des petites fenêtres situé sur le bord du toit. Mais les coûts de mise en production étaient trop élevés par rapport aux gains que l'on pouvait escompter et les travaux sur le modèle N 63 furent suspendus. L'usine n'avait toujours pas les équipements nécessaires à une modernisation de sa production et il a donc été décidé de continuer la fabrication du modèle Nysa N 59.
Le Nysa 501 n'était qu'une évolution limitée du Nysa N 59, mais l'expérience acquise lors de l'étude du N 63 a été utilisée. Le N 63 a été présenté à la Foire Internationale de Poznan en 1963 où, comme l'a écrit la presse, il a été accueilli avec enthousiasme. Mais cette information doit être prise avec une certaine distance.
L'histoire de Nysa est également liée à celle de l'usine de Sanok (FSA). Au début des années 60 cette dernière a réalisé le minibus SFA-4-Alfa au style très moderne pour l'époque. Il était destiné à remplacer le Nysa 501 Mikrobus alors aménagé à Sanok. Il a été réalisé à 10 exemplaires et le lancement en série de sa production était prévu en 1965. Mais le projet n'a pas vu le jour car l'usine de Sanok a recentré son activité sur la fabrication d'autobus. Mécaniquement, ce prototype disposait du moteur S-21, bien connu sur les dernières Warszawa, les Nysa, les Zuk et les Tarpan. Les autres composants mécaniques provenait du Nysa de série. Les efforts avaient été concentrés sur son dessin extérieur spectaculaire et sur le confort du conducteur et des passagers.
En parallèle, et puisque presque toutes les idées innovantes avaient été rejetées, le bureau d'étude à continuer à travailler sur le développement des modèles de série. En 1965, il a réalisé deux prototypes de Nysa 503 fourgon. Ce modèle devait utiliser le maximum d'éléments de Warszawa 210. Il était également légèrement plus grand que le Nysa normal car on avait utilisé le châssis, la suspension et le moteur d'un Ford Transit. Ce n'était pas un véhicule transcendant mais il avait des qualités incontestables. Tous les travaux ont été stoppés lorsque le pays a décidé d'acheter la licence de production de la Fiat 125p.
Ce n'était pourtant pas la fin de l'histoire de Nysa et si les prototypes réalisés dans la première partie des annés 60 n'étaient que des évolutions des modèles de série, la seconde moitié de la décennies va voir apparaître de nombreux candidats à la succession des déjà vieillissants Nysa et Zuk.
En 1968, la FSC Lublin commence à étudier un nouveau véhicule utilitaire destiner à les remplacer. Il s'agit de la "série 40". Nysa réalise deux prototypes, le minibus A41 et l'ambulance A45. De son côté, Lubin développe d'autres modèles de la série 40, mais aussi de la série 30.
La "série 40" avait un plancher métallique en deux parties avec des longerons renforcés. Le conducteur était assis pratiquement sur l'essieu avant, imposant l'utilisation d'un pare-brise quasi-vertical. Le moteur devait être le S-21M ou le moteur de la Polski-Fiat 1500. Dans les deux cas, la transmission se faisait sur les roues avant. La suspension était indépendante aux quatre roues. L'un de ces prototypes, le minibus A43 réalisé à Lubin, a survécu jusqu'à aujourd'hui. A l'intérieur et à l'extérieur on trouve des pièces qui étaient montées alors sur d'autres véhicules produits en Pologne. Le tableau de bord, le volant, et les diverses commandes venaient par exemple de la Fiat 125p. On peut supposer que les prototypes réalisés à Nysa recevaient les mêmes pièces. Les travaux sur ces prototypes ont duré jusqu'en 1973.
Durant trois ans, jusqu'en 1976, les travaux ont été interrompu car on prévoyait l'achat d'une licence à l'étranger pour fabriquer en Pologne des véhicules utilitaires (on parle de General Motors). Puis finalement les ingénieurs se sont remis au travail et ont commencé à travailler sur un nouveau modèle de la série 40. Comme d'habitude, ils ont pu faire une proposition très intéressante et très moderne pour l'époque. Ils avaient mis l'accent sur le style mais aussi sur le caractère économique et des capacités accrues. Malheureusement, aucun des modèles de la série 40 n'a vu le jour en série.
L'un des derniers prototypes réalisé est le Nysa 321. Malheureusement son histoire n'est pas très connue et il n'existe pas de sources fiables à son sujet. On sait avec certitude qu'il a été réalisé à deux exemplaires puisqu'on peut remarquer deux immatriculations différentes sur les photos existantes. Le seul exemplaire ayant survécu, en mauvais état, se trouve au Musée Technique de Varsovie. Il a été retrouvé dans une casse et sauvé de la destruction. Le propriétaire de la casse indique le moteur était l'habituel S-21, mais qu'il avait une suspension avant et des freins à disques de Ford Transit. Ce sont les seuls détails connus. Il existe aussi une photo du deuxième exemplaire de Nysa 321 où l'on peut voir qu'il était un peu différent du modèle conservé au musée.
Un autre prototype datant approximativement de la même époque est le Nysa 25. Les ingénieurs de la FSD Nysa, de la FSC Lublin et les étudiants de l'Institut PIMOT ont travaillé sur ce projet. Sa charge utile était à peine supérieure à celle des Nysa et Zuk, soit environ une tonne. Il disposait encore d'un châssis classique à propulsion arrière. Le pont, de conception plus moderne, avait été conçu à Lublin. Parmi les particularité, on trouvait un pare-brise incurvé en une seule partie, des serrures et des poignées de portes de Fiat 125p, un siège conducteur inclinable et entièrement réglable, des commandes ergonomiques, des ceintures de sécurité, une colonne de direction de sécurité et réglable. Le Nysa 25 devait répondre à certaines normes de sécurité internationale car on prévoyait de pouvoir l'exporter en Europe Occidentale. Il devait disposer du moteur S-21 modernisé ou du moteur 1500 type AA de la Polonez, d'une boîte 4 vitesses et d'un arbre de transmission en deux parties. La version 4x4 avait un châssis de Tarpan PW-1.
La suspension avant avaient été conçue pour un minimum de lubrification. La voie avant était de 1930 mm. ce Nysa 25 devait reposer sur des jantes de 16 pouces. Le système de freinage assisté était doublé. Toutes les solutions techniques utilisaient des pièces fabriquées localement et le but principal du projet était de ne pas faire appel à une licence d'importation ou d'acheter des pièces à l'étranger. La conception était de type modulaire, ce qui permettait de développer à volonté tous les types de carrosseries possibles, sans avoir besoin d'acheter de nouvelles presses d'emboutissage.
Un autre prototype est le Nysa 325. Il ressemble au Nysa 25 et a été développé en collaboration avec le PIMOT en 1982. Il s'agissait d'une ambulance à quatre roues motrices, boîte de transfert et la transmission du Tarpan PW-1 et la suspension, la direction et les freins du Tarpan PW-2 (tous deux sont les ancêtres du Honker). Ce prototype après avoir été utilisé dans l'armée a survécu jusqu'à aujourd'hui. Il ne dispose plus de son moteur Fiat 1500 original, car quelqu'un l'a remplacé par un moteur de UAZ et démonté la boîte de transfert et la transmission vers le pont avant.
Parallèlement à ce Nysa 325 ambulance, on a travaillé pendant plusieurs années sur un dérivé minibus. Comme sur le Nysa 25 c'était un classique propulsion. Certains prototypes ont été équipés d'un moteur Andoria diesel 4C90 que l'on a ensuite pu voir sur les Zuk et Lublin. On a également réalisé une version fourgonnette. Il existerait aussi un prototype de minibus Nysa 523 ainsi qu'un Nysa 524. Il s'agirait d'évolutions du Nysa 522, mais cette information n'est pas totalement confirmée et il n'existe aucune donnée précise ou photo.
L'histoire des prototypes Nysa est encore méconnue. Les sources sont peu nombreuses et peu fiables. L'auteur de l'article lance un appel à tous, pour partager des documents et des informations qui pourraient contribuer à retracer avec précisions l'un de ces pans de l'histoire de l'automobile polonaise.
Lu sur :
https://moto.wp.pl/prototypowe-nysy-cz-1-6068756238591105a
Adaptation VG