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C'est l'usine russe qui a eu le destin le plus insolite. Apparue il y a moins de dix ans, la marque Derways a connu durant sa courte histoire bien des hauts et des bas. La création d'un constructeur automobile dans la République des Karatchaï-Tcherkesses, où ne se développait auparavant que l'agriculture et le tourisme, est en fait l'incarnation d'un rêve de gosses. Depuis leur enfance, les frères Derev ont toujours été passionnés d'automobile. En grandissant, ils se sont occupés de diverses choses, et à la fin des années 80, ils sont parmi les premiers dans leur république à développer des sociétés privées : confiserie, production de meubles, d'eau minérale puis d'alcool. Les importants bénéfices dégagés leur permettent enfin d'investir dans leur rêve.

Dans la banlieue de Tcherkessk, la capitale de la république, apparait la compagnie Mercury, pour laquelle ont créé une marque avec un nom à consonance étrangère : Derways. Un nom facile à déchiffrer : "Der" sont les premières lettres du nom des deux frères, "ways" pour "route" en anglais. Leur rêve devient enfin réalité.

En fait tout commencé lorsque l'un des frères Derev fait la connaissance d'un des designer d'AvtoVAZ, Oleg Chapkine. Celui-ci lui propose de créer un petit bureau d'étude, pour développer et préparer la production en série d'un tout-terrain. Il fallait trouver une plateforme approprié, les motorisations et concevoir une carrosserie originale... On trouve rapidement des personnes prêtes à se lancer dans cette aventure et les travaux commencent rapidement, les commanditaires du projet finançant généreusement le projet.

Un prototype sur châssis roumain ARO est fabriqué en seulement quelques mois. Dès 2002, la division automobile de la holding Mercury, la première entreprise privée de conception et de production d'automobiles, est officiellement enregistrée.

A l'été 2003, au Salon international de l'automobile de Moscou, ce prototype est montré aux spécialistes du secteur et aux visiteurs. Ce modèle porte le nom de Derways Cowboy. Avec son style brutal rappelant le Mercedes Geländewagen (Classe G), alors à la mode, la voiture n'est pas forcément originale et fait dans une certaine provocation. Ses créateurs annoncent que la production en série débutera quelques mois plus tard et que son prix sera fixé juste en dessous de celui-ci du UAZ Patriot.

Et ils ne mentent pas ! Le Cowboy ou Derways-3131 passe ses tests sur le polygone NAMI et est homologué. A l'été 2004, l'usine est officiellement inaugurée et la production peut commencer. Sur le châssis roumain est monté un moteur essence ZMZ ou un diesel français, ainsi qu'une structure en métal recouverte de panneaux de carrosserie en plastique...

La voiture est très bien équipée pour l'époque : climatisation, volant cuir réglable en hauteur, vitres électriques, rétroviseurs électriques, toit ouvrant. Grâce à son puissant châssis et ses renforts dans les portes, le Cowboy répond aux normes officielles russes en matière de sécurité. En rabattant les sièges arrière, le volume du coffre passe de 600 à 1600 litres. Superbe ! Mais malheureusement les motorisations ne conviennent pas trop : le moteur diesel français est trop peu puissant et le ZMZ essence ne brille pas par sa fiabilité. Malgré tout, la voiture trouve ses acheteurs. En partie grâce au patriotisme locale puisque presque tous les Cowboy vont être vendus dans le Nord Caucase ou dans les régions méridionales de la Fédération de Russie.

En 2005 la société roumaine ARO, le fournisseur du châssis du Derways, fait faillite. Les propriétaires de Derways essaient alors d'utiliser les châssis de différents modèles chinois mais sans trouver la solution. A la fin de la même année la production du Cowboy est interrompue. En tout, le Cowboy aura été produit à 800 exemplaires. L'usine, où travaillent à cette époque quelques centaines de personnes, est contrainte de trouver un nouveau marché.

Début 2006 de nouveaux partenaires font leur apparition : les Chinois. A Tcherkessk, Derways conserve encore l'espoir de produire un modèle de sa propre conception. Mais rapidement on réalise que cela coûte beaucoup trop cher. Les murs de l'usine se couvrent de noms exotiques, comme Derways-313120 Shuttle, en réalité un tout-terrain d'origine chinoise, le Dadi Shuttle. Ce dernier n'était pas la meilleure des copies de modèles connus avec sa carrosserie dans le style de l'Opel Frontera et châssis identique à celui du Toyota 4Runner et si la calandre conserve le logo Derways, on trouve sur le volant celui de Dadi. Ce modèle sera assemblé à 320 exemplaires par Derways.

Ensuite la chaîne d'assemblage commencent à produire des Derways-313150 Aurora, un modèle rappelant le Ssanyong Rexton (351 exemplaires produits). Ils sont rapidement remplacés par le Derways-313130 Land Crown, une copie désespérante du Toyota Land-Cruiser 90 (seulement 33 véhicules produits), puis par le Derways-313140 Saladin, copie exacte du Nissan Pathfinder (également produit à 33 exemplaires).

Bien sûr, ce n'est pas l'usine de Tcherkessk qui copie ces modèles connus, mais les usines chinoises qui fournissent les pièces de Dadi, Xinkai, ou d'autres marques pour les assembler dans le Nord Caucase en changeant (partiellement) les logos. Par un tour de passe-passe, ces voitures ne sont d'ailleurs même pas homologuées et sont immatriculées comme des variantes du Cowboy 3131 (la loi russe le permet).

En 2006, 788 voitures ont été assemblées. L'année suivante on tente d'assembler un autre modèle chinois, le pick-up Derways-233300 Plutus. Mais les évènements qui suivent vont totalement modifier ce scenario. Cette année-là la Russie connait un regain d'intérêt pour les voitures bon marché fabriquées en Chine. Par exemple, Avtotor à Kaliningrad commence à assembler des berlines Chery Amulet et Chery Fora et le concessionnaire multimarque Avtomir décide de vendre massivement des petites voitures chinoises low-cost.

La compagnie Lifan, une entreprise dynamique connue auparavant principalement pour ses motos commence à s'intéresser à ce nouveau marché. En Chine, elle ne proposait alors qu'un seul modèle basé sur la plateforme vieillissante de la Citroën ZX. La voiture plaisait, mais pour qu'elle soit commercialisée en Russie à un prix compétitif, il fallait qu'elle soit assemblée localement. Quelqu'un se rappelle alors de cette petite société de Tcherkessk, de ses capacités de production inexploitées et de son personnel ayant déjà une certaine expérience dans le domaine de la production automobile. Et comme de son côté, la direction de Derways recherche un modèle à assembler et est prêt à apporter les fonds nécessaire pour agrandir l'usine... Quant à Avtomir, il est déjà sur les rangs pour en assurer la distribution à travers le pays.

En juillet 2008 on inaugure donc à Tcherkessk une nouvelle usine d'une capacité de 25,000 véhicules par an. L'atelier de soudage doit commencer à fonctionner à partir de début 2009. Derways va y assembler pour commencer un seul modèle : la Lifan Breez (7,200 exemplaires produits cette année là), mais on prévoit d'y ajouter rapidement d'autres modèles. Cela sera le cas dès 2009 avec la Lifan Solano et début 2011 de la Lifan Smiley.

Ces projets ont été quelque peu modifiés par la crise financière qui a touché la Russie fin 2008. La demande de voitures low-cost chinoise a finalement chuté. Avtomir au bord de la faillite, Derways reprend tous les droits de distribution des modèles Lifan. Il faut reconstituer un réseau de concessionnaire tout en menant en parallèle des pourparlers avec les partenaires chinois. On ne jette pas ainsi une usine moderne qui vient d'investir près de 85 millions de dollars dans ces installations !

D'autant plus que l'usine de Tcherkessk emploie près de 1000 personnes, un chiffre impressionnant pour une ville de 120 mille habitants. L'année 2009 a été difficile pour Derways (près de 1000 voitures ont été fabriquées), mais les cadres ont réussi à sauver l'entreprise. Début 2010, le cycle complet de production (soudure et peinture) est mis en place pour deux modèles Lifan (Breez et Solano) et l'on entreprend également l'assemblage de la berline Geely MK, de la compagnie "Red Dragon" et du tout-terrain Great-Wall Hover.

A l'automne 2010, l'usine met en place une seconde ligne de production d'une capacité de 25,000 véhicules par an et commence à assembler la berline Haima-3. On prévoyait également d'y assembler la compacte Haima-2, mais les pourparlers sont toujours en cours. D'autant plus que si les berlines à prix bas Lifan Solano trouvent leur clientèle grâce justement à leur tarif, les Haima plus chères ont plus de difficultés : les acheteurs ne sont pas habitués au concept de "voiture chinoise coûteuse". De plus, l'usine de Tcherkessk a de réels problèmes quant à la qualité de production... comme l'a constaté Za Roulem, en achetant pour ses essais longue durée une berline Lifan Solano.

Pour 2011, l'usine de Tcherkessk devait produire au moins 30,000 Lifan, Geely et Haima et aussi assembler et peindre 10,000 caisses de Great-Wall Hover. A noter que la majorité de la production devait être constituée de Lifan Solano et Smiley. Des chiffres nettement supérieurs à la demande de voitures chinoises dans le pays puisqu'au cours des neuf premiers mois de 2011, la gamme Lifan n'a trouvé que 13,000 acheteurs en Russie. Quand on sait que Derways à une capacité de production de 100,000 voitures par an ! Les consommateurs sont encore prudents en ce qui concerne les voitures chinoises, surtout en raison de leur faible qualité...

Qu'attendre pour la suite chez Derways ? On nous a indiqué que dans un proche avenir l'usine de Tcherkessk aura un partenaire supplémentaire : la société taïwanaise Luxgen. Derways voudrait assembler deux ou trois modèles de ce constructeur. Elle trouvera peut-être aussi d'autres partenaires orientaux car la compagnie Mercury a un nouvel actionnaire majoritaire : la Sberbank s'est portée acquéreur de 51% des actions de la compagnie....

La compagnie Derways, la première entreprise privée pour la production de voitures en Russie a été créée en 2002. Elle prévoyait de fabriquer ses propres modèles mais les plans ont été quelques modifiés depuis. Sur 23,5 hectares elle dispose de bâtiments pour assembler, souder et peindre des voitures livrées en CKD. Elle dispose d'un outillage moderne pour assurer le contrôle de la qualité. Elle assemble actuellement des modèles de trois marques différentes : Lifan, Geely et Haima. La capacité de l'usine est de 100,000 véhicules par an.

Légende des photos :

  • Voilà à quoi ressemblait l'usine en 2004...
  • ... quand on assemblait un seul modèle dans ses ateliers.
  • Le Cowboy est le premier modèle de la marque. Il s'avère qu'il avait de vraiment bonnes capacités en tout-terrain !
  • Derways-313150 Aurora, une autre expérience sur le thème du tout-terrain chinois.
  • Il y a cinq ans, ce Derways-313120 Shuttle était vendu à partir de 22 mille dollars. Même à ce prix il n'a pas trouvé beaucoup d'acheteurs.
  • Le poste de montage des moteurs.
  • Des berlines Lifan Solano dans l'atelier de peinture.
  • La Haima-3 se vend très mal en Russie : la voiture est chère (de 400 à 600 mille roubles) et de mauvaise qualité.
  • Le gamme Lifan Smiley débute à 259,000 roubles. Pour ce prix, la version de base dispose déjà de la direction assistée, du pack électrique et de deux airbags.

Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/398735-dervejs_-_sdelano_na_kavkaze/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Derways, #Petit constructeur