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Admirée, désirée et pourtant. La Polski-Fiat 125p l'a rapidement fait passer au second plan et elle consommait plus que ce que les tickets de carburant permettaient de recevoir à la pompe. Après avoir servi de base à des transformations plus ou moins heureuses, très peu d’exemplaires de Warszawa 223/224 ont survécu jusqu’à nos jours.
A la fin des années 50, la Warszawa M20 sous licence russe GAZ Pobeda, était déjà une véhicule obsolète et peu rentable. C'était pourtant une voiture simple et robuste, adaptée aux mauvaises routes, aux carburants et huiles moteurs de piètre qualité et d’autres inconvénients de la vie de tous les jours des années 50 en Pologne. Son intérieur confortable lui assurait un confort de conduite élevé. Elle souffrait pourtant d’un grave défaut : son coffre à bagages était anormalement petit au vue de ses dimensions. Stanislaw Szelichowki s’amusait à le rappeler dans l'essai qu’il lui consacra en 1957 dans l’hebdomadaire « Motor » : « Deux valises et un sac : c’est trop petit comme coffre pour une voiture, 2 litres, modèle 1957 ! ».
Les premières tentatives de modernisation de la M20 ont eu lieu dès 1956. Malgré de grands espoirs, le dégel de Gomulka n’avait rien provoqué de nouveau, même dans l’automobile. Il y avait certes un projet de nouvelle Warszawa, commandé auprès du styliste italien Ghia, mais elle n’atteint jamais le stade de la série. FSO réussit cependant à lancer une version pick-up en 1959, ainsi qu’une évolution du moteur S-21, développant 70ch, monté sur la Warszawa 202 de 1961. Il faut aussi parler du projet 210, qui devait recevoir un six cylindres 2,5l ou un quatre cylindres 1,65l. L’un des prototypes conçu par l’ingénieur Cezary Nawrot, se distinguait par sa calandre horizontale avec deux doubles phares circulaires, rappelant la Ford Falcon. Mais le projet 210 n’était pas la future Warszawa. Le projet finalement retenu fut bien plus conservateur et rejetait ouvertement le modernisme de la Warszawa 210 car il fallait réduire les coûts et conserver la partie avant et les portières.
Trois prototypes à carrosserie tricorps, désignés comme 203 Eng, ont été fabriqués par l'équipe de Roman Skwarek. Outre la partie arrière, l’avant de la voiture subissait malgré tout quelques modifications : apparaissait une nouvelle calandre, des pare-chocs rectangulaires avec de grosses butées en caoutchouc, et un pare-brise rectangulaire. Avec des ailes arrière rallongées se terminant par de nouveaux feux plus modernes, la longueur de la voiture passait à de 4665mm à 4740mm. L’empattement n’évoluait pas (2700mm). Les changements portaient aussi sur l’intérieur : la partie supérieure du tableau de bord était recouverte de plastique noir, la colonne de direction recevait un nouvel habillage et au milieu, sur la grille de la radio apparaissait un badge rectangulaire chromé : « 203 ».
Le quatre cylindres S-21 développait 70ch à 4000 tr/min. Il s’agissait d’une modification du moteur M20 origine avec une culasse reconstruite. Un employé de FSO a indiqué que les ingénieurs avaient cherché à adapter une culasse issue d’un moteur Renault. Comme sur les modèles précédents, il s’agissait d’une propulsion, avec boîte manuelle 3 rapports (synchronisés sur la 2ème et 3ème vitesse), embrayage monodisque à sec et arbre de transmission en une section. Les triangles de la suspension avant indépendante étaient de longueur différentes, on trouvait des ressorts hélicoïdaux, des amortisseurs télescopiques et une barre stabilisatrice. A l’arrière, le pont était suspendu sur des ressorts à lames. Le système de freinage faisait appel à 4 tambours de 280mm de diamètre. Comme depuis 1958, les jantes 4,50Kx15 recevaient des pneus 6,40-15’’. Côté carrosserie, il faut remarquer que les montants de portière recevaient des renforts pour le montage de ceintures de sécurité. La roue de secours était installée du côté droit dans le coffre. Sous le plancher de celui-ci se logeait le réservoir de 55 litres. Un point fut à l’époque critiqué : l’orifice de remplissage se trouvait sur l’aile gauche, alors que les stations services étaient conçues pour un remplissage à droite. En raison de la pénurie de moteurs S-21, FSO proposa une version 204 avec un moteur développant 57ch et un rapport de pont final de 5,512 (contre 4,55). Ce modèle ne dépassait pas les 110km/h, quand une 203 atteignait les 130km/h.
La date exacte du démarrage de la production de la Warszawa 203/204 est assez confuse. Selon un ancien employé de FSO, elle a du intervenir peu après sa présentation à la Foire de Poznan, à la fin de juin 1964, mais il s'agirait de modèles de pré-série. Andrzej Zielinski dans son livre « Polskie Konstrukcje Motoryzacyjne » parle du 4ème trimestre 1964. D’autres sources parlent d’août 1964. On s’étonne aussi de la discrétion de la presse de l’époque, peu avare habituellement à informer ses lecteurs des nouveautés. Le 24 octobre 1964, l’hebdomadaire « Motor » écrit :
« Le 30 septembre à 14h, FSO a produit la dernière Warszawa 201, numéro 120,269. La production des Warszawa 203 et 204 a débuté et d’ici la fin de l’année 3,000 exemplaires devraient quitter l’usine. En janvier devrait apparaître le break 203K et une version taxi, et au second trimestre 1965 sera lancée une ambulance basée sur la 203K. L’année prochaine FSO produira 15,000 voitures ».
Ces plans étaient sans doute très optimistes et les difficultés récurrentes de l’époque les ont mis à mal. Un an après on pouvait constater seulement que la production avait légèrement augmenté, passant de 1,000 à 1,300 voitures par mois. Le record de production a été atteint en 1968, avec 17,000 voitures alors que le planning était initialement de 25,000 véhicules. Il y eu du retard dans le lancement des versions dérivées. Autre problème, Peugeot imposa à FSO de modifier les noms de ses Warszawa 203/204, car la marque française possédait l’exclusivité des numéros avec un zéro au milieu depuis les années 20. Il est amusant de constater qu’à peu près à la même époque, Porsche dû changer sa 901 en 911. Au début de l’année 1965, les Warszawa 203/204 devinrent par conséquent Warszawa 223/224.
Destiné au début aux services de santé, le break 223K/224K fut finalement proposé à la vente aux particuliers. Sa production en série débute à la fin de l’année 1965. Le pick-up 2 places et 500kg, apparaît à peu près à la même époque, mais celui-ci reste exclusivement réservé aux institutions et aux entreprises d’Etat. Le taxi 223T apparaît également en 1965. Le siège avant passager est supprimé pour transporter les bagages. Sur le côté droit on trouve un luminion indiquant « occupé/libre », un taximètre et un panneau taxi sur le toit. L’ambulance, basée sur le break, permet de transporter un brancard et des équipements médicaux. Il dispose d’une sirène, de la radio et ses vitres arrière sont occultées. La version « police » peinte en blanc ou crème avec une bande bleue sur laquelle est écrit le mot Milicia ou MO, dispose d’une syrène deux tons, d’un gyrophare bleu et d’une radio. Il faut aussi parler de la draisine Warszawa avec ses roues métalliques et son système lui permettant de pivoter sur 180° pour changer de direction. La direction est bloquée. Sa vitesse maximale était théoriquement de 135km/h, mais les recommandations des Chemins de Fer polonais étaient de ne pas dépasser les 80km/h.
Longuement attendu, le modèle 203/204 fût bien accueilli par les utilisateurs et par la presse. Le premier essai réalisé par l’hebdomadaire « Motor » en décembre 1964, fût publié dans le numéro 11 du 14 mars 1965. Cet essai confirmait que la vitesse maxi (131km/h) était celle annoncée par l’usine, mais montrait que la vitesse affichée au compteur était moins élevée qu’en réalité, ce qui n’arrive jamais chez les autres constructeurs. La mauvaise surprise provenait de la consommation. Donnée pour une moyenne de 12l/100km (+ 20% en ville, soit 14,4l), elle a été mesurée entre 12,2l à 15,8l en ville, et 11,2 à 16l sur route - la plus faible valeur obtenue à 45km/h en 3ème et la plus élevée, pied au plancher. La consommation moyenne était donc loin de la valeur communiquée par l’usine, avec un 13,9l au 100km. Avec un 0 à 100km/h en 29,2s, la Warszawa était plus rapide que la Volga GAZ-21, mais moins vive qu’une Wartburg. La puissance de freinage était satisfaisante, mais les meilleures valeurs obtenues pratiquement debout sur les freins. La boîte de vitesse était également mal notée, au contraire du confort de suspension, annihilant les mauvaises conditions des routes polonaises. L’article faisait remarquer que la voiture était très capricieuse en entretien : souvent après seulement 20,000km, le moteur devait être entièrement nettoyé car encrassé de calamine. Il relevait également l’absence d’une protection efficace contre la corrosion. Au final, la voiture était évaluée comme un progrès significatif par rapport à la version précédente et l’on mettait l’accent sur l’amélioration radicale de la visibilité et l’augmentation substantielle du coffre à bagages. Le moteur, malgré une consommation légèrement en hausse, assurait de meilleures performances à la voiture.
Le même « Motor » a essayé en septembre 1967 le break 223K et a de nouveau remarqué son excellent confort sur mauvaise et route et noté qu’il lui faudrait disposer d’un différentiel auto-bloquant pour les marchés d’exportation. Les critiques portaient sur sa banquette peu pratique à replier et sur l’orifice de remplissage de carburant à gauche et ses points positifs, la capacité de chargement et la visibilité à travers la lunette arrière.
Comme la Fiat 125p, apparue à la fin des années 60, la Warszawa était une voiture confortable destinée à quelques privilégiés. Les réalités économiques de la PRL, définies par les économistes comme une économie de pénurie, faisaient que FSO n’avait à se préoccuper ni du client, ni du nombre d’exemplaires produits. En 1970, FSO ne proposait qu’un nombre limité de teintes de carrosserie : gris, blanc ou gris clair. L’usine de Wloclawek fournit à FSO d’autres teintes moins courantes comme le turquoise, référencé comme bleu turc F419, le jaune sable ou le rouge cerise. On trouvait aussi des Warszawa rouge et beige. Les dernières années, FSO proposait les mêmes teintes que pour la Fiat 125p : la peinture L87 ivoire brillant, était couramment adoptée sur les voitures sanitaires, mais rarement sur les voitures « civiles ». Si la Warszawa était si confortable, c’est aussi à cause de ses sièges, de véritables fauteuils rembourrés à l’herbe de mer et recouverts de tissu et de simili cuir. L’ajustage de la sellerie exigeait la présence de deux personnes sur la chaîne de montage.
En 1969, les ingénieurs de FSO proposèrent une boîte de vitesses à 4 rapports synchronisés qui devait être montée en série à partir de l’année suivante. Aucun exemplaire n’a jamais été équipé de ce type de boîte que l’on retrouvera ensuite sur le fourgon Zuk. Les années suivantes, la Warszawa 223/224 restera dans l’ombre de la Fiat 125p, considérée comme plus moderne et préférée des médias. L’apparition en 1971 à la foire de Poznan d’une version pick-up de la 125p va également réduire les chances de survie de la Warszawa. Le dernier exemplaire sera produit le vendredi 30 mars 1973 à Zeran. Il porte le numéro 340,247 mais la question du nombre total de Warszawa 223/224 produites reste ouverte.
Depuis 1951, un total de 254,471 exemplaires de Warszawa avaient été assemblés. Si l’on se réfère aux détails des chiffres de production, 134,202 exemplaires de Warszawa 223/224 ont du être fabriqués. Mais Zbigniew Knight, un journaliste lié à FSO, estime que ce chiffre n’inclut pas tous les véhicules produits à Zeran car il ne prend pas en compte les exemplaires produits pour l’armée et la police, les véhicules destinés au Ministère de la Défense censés être confidentiels.
A l’exportation la Warszawa 223 a été envoyée en Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Hongrie, Chine, Corée du Nord, Mongolie et Vietnam. Il est probable que quelques véhicules ont été également vendus à l’Albanie. A l’ouest, on retrouve la Warszawa en Egypte, en Finlande, en Colombie, en Turquie et au Venezuela, où elle était utilisée comme taxi et par des chauffeurs privés. On estime à 70,000, le nombre de véhicules exportés, toutes générations confondues. A la fin des années 60, la principale source d’entrée en devise de la Pologne devient la Fiat 125p plus moderne et plus compétitive.
Aujourd’hui, les Warszawa 223/224 complètes et entièrement d’origine sont extrêmement rares. Plus rares que la génération précédente, la Garbus à carrosserie fastback. Les breaks et les pick-ups, non modifiés, sont une espèce en voie de disparition. Jusqu’à la fin des années 70, les institutions ou les entreprises d’Etat ont utilisé des Warszawa. Elles ont ensuite été vendues aux enchères à des particuliers qui ont pu apprécier leur robustesse et leur confort. Les cartes de rationnement en carburant introduite en 1981 ont par contre eu un effet négatif car les propriétaires ont préféré à la Warszawa, les Fiat 125p, moins voraces. C’est dans la seconde moitié des années 90 que la Warszawa est revenue à la mode, mais sa restauration n’est pas bon marché car s’il n’est pas difficile de trouver des pièces moteur ou mécaniques, il est de plus en plus compliqué de trouver des éléments de carrosserie ou des accessoires.
Lu sur : http://moto.onet.pl/1577217,1,artykul.html
Adaptation VG