« Notre réponse à Ferrari » c’est ce que claironnaient les représentants d’AvtoVAZ, lors de la présentation du prototype Lada Revolution au salon de Paris. Qu’avaient demandé les italiens aux russes de Togliatti ? Que voulaient dire par là les créateurs du projet LR3 ? Za Roulem répond à ces questions en interviewant son designer.
L’idée de faire une supercar routière avec une mécanique Lada n’est pas nouvelle. Elle avait d’ailleurs déjà pris forme sous la forme d’une maquette qui depuis cinq ans se trouve sur le bureau du directeur de « Lada Sport », Vladislav Nezvankine. Elle avait été réalisée par le pilote Vladimir Buzlanov, qui a depuis perdu la vie, le designer Andreï Ruzanov et l’équipe d’ingénieurs de la société « Torgmach ». Alors pourquoi pendant si longtemps on a continué à développer la Revolution uniquement comme une voiture de circuit ?
- « L’une des raisons principales est les changements fréquents à la tête de l’usine » reconnaît Ruzanov après quelques secondes de réflexion. « L’idée de concevoir une version routière a germé très tôt, mais il n’y que récemment que Vladislav Nezvankine a réussi à intéresser sérieusement les hauts dirigeants d’AvtoVAZ ».
Le modèle actuel est le troisième de la lignée. Les ingénieurs de « Torgmach » l’appelle aussi « LR3 ». Le premier, une barquette deux places rouge vif, a été présenté au Salon international de Moscou en 2003. C’était un prototype totalement opérationnel capable de rouler. Le second est la voiture de course monotype que l’on a vu s’illustrer sur circuit. Le troisième est donc le modèle qui vient d’être présenté à Paris.
- « D’ailleurs, après la LR3, nous pensons déjà à la LR4 et même la LR5. C’est indispensable car si nous nous arrêtons maintenant, arrivera un moment où la Revolution sera dépassée et où personne ne pensera plus à elle. Nous devons constamment être tournés vers l’avenir et penser aux futurs modèles ».
Bien joué ! Car combien y a-t-il eu de projets qui sont tombés dans l’oubli en l’absence de réelle stratégie... Pour la Révolution, on a déjà construit un programme de développement concret. Cette voiture est le fer de lance de Lada, destiné à promouvoir la marque. Dans le monde entier, c’est ce qu’on attend d’une antenne sportive, et « Lada Sport » ne fait pas exception à la règle. On va introduire sur la LR3 des solutions techniques qui pourront être utilisées sur les futurs modèles de la marque.
- « A la base, notre voiture est conçue avec un châssis tubulaire recouvert de panneaux en plastique. C’est la solution habituelle dans le monde des voitures de sport. Rappelez-vous les britanniques Lotus et Caterham... Nous nous sommes aussi intéressés aux kit-cars. Une expérience terrible » indique Ruzanov. « Nous ne voulions pas des accostages supérieurs à cinq millimètres, alors que les Anglais ne se posent pas autant de question. Les joints entre les panneaux de carrosserie, le collage ... rien ne peut être critiqué sur notre prototype, même lorsqu’il n’était encore qu’une maquette ».
Qu’est-ce qui empêcherait de passer de châssis-cage à une technologie beaucoup plus moderne comme une construction monocoque en carbone ? Il fût un temps ou le carbone spatial atteignait des prix astronomiques, mais bon... Il y a maintenant des voitures de courses produites en Russie.
- « Vous avez parfaitement raison. Et cela nous serait encore plus facile que pour l’écurie ArtTech car l’actuel dirigeant d’AvtoVAZ, Boris Aleshine, a conservé ses contacts dans le complexe militaro-industriel, et il est même difficile de s’imaginer quelles sont leurs capacités ! C’est pourquoi on pourrait très bien voir dans l’avenir une carrosserie en aluminium ou en carbone ».
La version actuelle va bientôt subir des tests en soufflerie. La maquette à l’échelle 1:4 avait déjà passé ces tests et les résultats étaient déjà impressionnants.
- « Vous allez rire, mais de nombreux constructeurs pourtant renommés utilisent encore des soufflerie dimensionnées uniquement pour tester des maquettes ! ».
AvtoVAZ dispose d’une vraie soufflerie. Ruzanov a corrigé l’aileron arrière sur la maquette en clay. « Quand nous nous adressons à des étrangers, il s’avère que cette soufflerie est pour eux un objet de désir. Pour nous, c’est un outil de travail qui nous permet de gagner du temps et des efforts. Nous avons déjà obtenu un Cx d’environ 0,3. C’est un très bon chiffre pour une voiture de cette catégorie : le coefficient de pénétration dans l’air d’une Ferrari avoisine les 0,4. Pour eux c’est le coefficient de portance à haute vitesse qui est le plus important. Nous nous sommes fixés un niveau élevé sur ces deux paramètres ».
Andreï Ruzanov est un très bon designer, mais également un excellent technicien. Cette double casquette, renforcée par une énorme expérience lui permet de trouver des proportions extérieures harmonieuses et qui vont avoir une incidence positive sur l’aérodynamique. Beaucoup de clients s’adressent à lui et lui demandent de créer un kit-carrosserie pour améliorer les caractéristiques d’une voiture de série. Les connaissances qu’il a accumulé au fil des ans sont parfaitement reflétées dans le projet « Revolution ».
- « C’est une stricte voiture deux places. Il ne faut pas se faire d’illusion, ce n’est pas une 2+2. Pourtant elle n’est pas moins large qu’une voiture familiale comme la Priora ».
Et sur le terrain, dans les allées du salon, la présence de cette voiture de sport efficace a provoqué beaucoup de réaction de scepticisme comme par exemple le fait qu’AvtoVAZ doit d’abord apprendre à faire des voitures de série de qualité, pour se lancer dans ce projet complexe. Ruzanov n’est pas du tout d’accord.
- « Personne n’empêche les autres constructeurs mondiaux de produire une large variété de véhicules. Prenez Fiat dont les modèles bon marchés sont parfois critiqués par leur manque de fiabilité et qui possède aussi Ferrari ».
D’ailleurs les supercars italiennes sont pleines de caprices, mais elle ont pour elle un grand nom et une longue histoire. Le projet d’AvtoVAZ est lié aux ressources de Lada. Mais l’intérêt est bien de promouvoir la marque. Et l’investissement de la Revolution sera de loin inférieur aux retombées. Et si au Salon de Paris on pouvait encore parler de prix et de délai, maintenant les chefs de projet sont beaucoup plus prudents.
- « Le prix plancher sera de 100,000 dollars même si je voudrai la voir beaucoup moins cher. Bien sûr, on trouverait un acheteur, même pour une seule voiture, et vu son caractère d’exclusivité cela ne serait pas un pêché de la vendre encore plus cher. Rappelez-vous du projet de renaissance de « Russo-Balt » dont le prix était à tomber des nues. D’accord, mais nous voulons lancer une vraie production en série ».
A quelle échelle ? Il est prévu qu’en 2010 que les premiers exemplaires devraient satisfaire quatre ou cinq clients, la suivante une dizaine, et qu’ensuite on produirait quelques dizaines de voitures par an. En faire plus n’a pas de sens, car l’effet de la nouveauté et du dernier chic à posséder s’effacera rapidement. Naturellement toutes les voitures auront un numéro VIN, une plaque avec le numéro de série et seront garanties à vie. Ce dernier point est important pour le fabricant : c’est le moyen de revoir les voitures et d’identifier facilement les lacunes. En passant, il est inexact d’affirmer que la Revolution est basée sur une plateforme Renault. Si le moteur 2 litres turbocompressé vient de Renault Sport, les éléments du châssis seront totalement originaux. Dans tous les cas, on a encore du temps pour les expérimentations.
AvtoVAZ, TorgMach et les Français pourront-ils mener le projet à son terme ? Le soutien de la direction sur ce projet permet de le croire. Les différentes équipes d’ingénieurs ont des idées. Les gens de Renault ont fait la découverte de la Révolution et ont déclaré qu’il s’agissait du chemin à suivre pour tout constructeur automobile. Mais encore ?
- « Revolution », « Lada Sport ». Ce ne sont pas uniquement une voiture et une marque, sourit Andreï Ruzanov. Dites moi, combien de sportcars roulent tous les jours ? Ce n’est pas leur vocation. Elles sont destinées aux « track-days » où le propriétaire peut exploiter pleinement le potentiel de sa voiture. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il y doit y avoir des circuits dans le pays. Il y a en a d'ailleurs un qui sera construit dans le cadre de la stratégie globale de « Lada Sport ».
La seule chose qui pourra peut-être empêcher la réalisation du projet est la situation économique. Mais d'un autre côté, on le prépare depuis longtemps et en suivant le planning la Revolution. On saura bientôt si les coups de canons raisonneront !
Lu sur http://www.zr.ru/articles/58364
Adaptation VG