« AvtoVAZ » et « Lada » ne sont pas les plus vieilles marques commerciales de la province de Samara. De leur côté, la « bière Jigouli » (référence justement aux Lada à propulsion et à une bière russe) et 2 ou 3 autres noms sont devenus eux aussi en quelque sorte des symboles du coin.
1) Au départ il y avait les « Jigouli » :
Paradoxalement l’histoire de l’apparition de ce nom n'a qu'une quarantaine d'années, mais elle a déjà été oubliée plus ou moins dans sa totalité non seulement par les descendants de ceux qui ont créé ce nom, mais aussi par ses créateurs eux-mêmes.
Selon la version la plus répandue, le nom qui a été donnée à la première voiture de Togliatti est le résultat d’un concours organisé à travers presque toute l’Union (l’URSS d’alors). Les règles du concours ont été publiées dans la presse et des réponses sont parvenues de tout le pays. Au total près de 30,000 lettres et télégrammes ont été reçus par les organisateurs. Un comission d’Etat très pointilleuse a retenu 8 noms, et l’ingénieur A. Tchernij en a proposé un de plus, « Jigouli ». C’est ce dernier qui au final a été choisi par le gouvernement.
Cependant il y a une autre version de cette histoire. C’est celle de Guennadi Liakhov, révélée l’an dernier lors de la parution d’un recueil de souvenirs d’ingénieurs de VAZ à la retraite intitulé « Vissokoj misli plamien ». Voici la citation de Guennadi Liakhov dans ce livre : « Un jour, à la mi-février (1967), Poliakov a demandé à Poslepov (qui était l’adjoint du chef du bureau d’études de VAZ, V. Soloviev) de trouver un nom à la voiture qui serait produite dans la nouvelle usine. Après deux jours passés à éplucher des journaux et des encyclopédies dans la bibliothèque de l’institut Nami, il m’a proposé une liste de 8 noms. A. Tchernij y a rajouté le nom de « Jigouli ». Après deux tours de vote, c’est ce nom qui a été choisi. Il a été accepté par Poliakov, qui l’a lui-même proposé à la FIAT. C’était bien avant tous les concours organisés par la presse ... ».
Peu importe aujourd’hui comme il a été choisi, mais le nom de « Jigouli » n'a existé que brièvement. Au début des années 70, les VAZ ont été commercialisées à l’étranger et il y eut un petit problème. Non seulement le nom des voitures VAZ était assez inhabituel pour les oreilles étrangères, mais en plus il sonnait mal dans certaines langues. Ainsi en Hongrie, il se rapprochait de « Tchikouli » dont la décence nous interdit ici d’en écrire plus ! A l’international, le sort de « Jigouli » était donc déjà joué.
2) Le coffre hongrois :
« Il y a bien un homme qui a inventé le nom « Lada », affirme l’actuel chef du bureau d’étude d’Avtovaz Piotr Prussov, mais son nom est inconnu... ». Il s’est pourtant passé 27 ans. C’est précisément en 1973 qu’un nom plus adapté, un nom d’usage a été trouvé pour la Jigouli.
La tâche était relativement simple : il fallait un nom qui sonne bien, un nom court et élégant. Et qui plaise aux étrangers ! Après une recherche bien ciblée, le choix s’est arrêté sur « Lada ». Les témoins de l’époque ne se souviennent pas pourquoi ce nom a été choisi. Certains se souviennent qu’on s’était rappelé de la comptine populaire « Ne boude pas, Lada ». Les autres font l’analogie avec le logo de la marque qui était apparu pratiquement en même temps que le nom « Jigouli » : la fameuse barque à fond plat « Ladia ». D’autres diront que c’était pour féminiser la voiture en lui donnant un prénom de femme. Il n’y a qu’une chose dont on soit sûr : c’est que le nouveau nom a plu immédiatement à tout le monde. Cependant on ne s’est pas empressé à officialiser ce nouveau nom car on était bien décidé à contrôler qu’il allait passer dans toutes les langues.
Heureusement il n’y avait aucune contre-indication. Par exemple en hongrois, l’intonation est proche du mot désignant un coffre ou une malle, tout comme en croate d’ailleurs.
Aujourd’hui « Lada » est pour ainsi dire la principale marque de fabrique d’AvtoVAZ. Ce nom a pratiquement fait disparaître celui de « Jigouli », un nom qui n’est plus du tout utilisé par les gens du marketing qui ont en charge le développement de la marque sur le marché russe ou à l’étranger.
3) Le "satellite" de VAZ :
Dix ans après, l’histoire du choix d’un nom inadapté s’est pourtant répétée. Pour être un peu imagé, les dirigeants de Togliatti se sont encore pris un râteau ou se sont encore retrouvé la tête sous l’eau en cherchant un nom pour leur nouveau modèle. Ils ont choisi le nom de « Spoutnik » pour la nouvelle gamme 2108. Un peu trop vite comme cela s’est avéré lorsqu’il a fallu lancer la 2108 à l’étranger.
« A tord, nous pensions, se souvient Prussov, que le nom de « Spoutnik » était connu et compris dans le monde entier. En fait ce n’était pas le cas et certains voulaient le traduire par « Satellite » ou encore par autre chose ... ».
En 1985, la direction de l’usine a donc du trouver un nouveau nom pour la « Spoutnik ». En tirant les leçons du passé, on a chargé l’organisation « Avtoexport » de se pencher sur le sujet. Piotr Prussov ne se souvient du nom que d’un des collaborateurs : Ponomarev. C’est à lui qu’a été confiée la tâche de trouver un nom à cette voiture, révolutionnaire à son apparition. Après une première sélection, il restait six noms mais Ponomarev a insisté pour que soit retenu « Samara ». Il faut rappeler que qu’au milieu des années 80 que le chef lieu de région était encore Kouibichev, renommé Samara lors de la chute de l’URSS.
Ce « Samara » est aussi lié à une anecdote curieuse. Car on a décidé de changer définitivement et irrévocablement le nom de « Spoutnik » en « Samara » alors que par tradition les voitures qui tombaient de chaîne avaient deux finitions : celle pour le marché intérieur, et celle pour l’exportation. Il y avait donc deux variantes pour écrire le nom de la nouvelle voiture : Samara en caractères cyrilliques ou en lettres latines. Curieusement dans les rues on constatait que les logos en latin disparaissaient plus rapidement que ceux en russe. Les voitures « latinisées » se vendaient plus cher et plus vite que les autres.
Rapidement il a fallu unifier ce logo et il a été décidé de ne commercialiser que des Samara ... en latin.
4) La légende sur la "Niva" :
Le nom du tout-terrain de VAZ est l’un des plus réussi. Il sonne bien et il est beau. Il n’a jamais fallu l’adapter pour les marchés étrangers.
Il n’est écrit nulle part par qui et comment a été inventé ce nom. Même ceux qui ont participé à la création de la VAZ-2121 parlent seulement d’associations d’idées qui leur ont fait penser au nom de « Niva ». On suppose sans trop de mal qu’elles sont liées aux champs de blé et aux vastes espaces de prairies.
Pourtant l’actuel directeur du bureau d’étude d’AvtoVAZ a une nouvelle version sur l’apparition du nom « Niva » : « Il s’agit de l’abréviation composée des premières lettres de quatres prénoms : ceux de deux de mes filles, Natalia et Irina, et ceux des deux fils du premier chef du bureau d’études de VAZ, V. Soloviev, Vadim (ou Vladimir) et Andreï... ». Une belle légende, digne de la Niva !
La marque « Niva » est tellement populaire, que la nouveau tout-terrain indice VAZ-2123 sortira aussi sous le nom de « Niva » (NDT : cette phrase indique que cet article est finalement très ancien et pour cause, il date de juin 2000 !). Les gens du marketing ont pris comme modèle Volkswagen et sa Golf qui en est déjà à la quatrième génération. On comprend par cela que la Niva a encore un long avenir. La 2123 ne sera que la deuxième lignée de voitures portant un nom devenu populaire sur les routes et les chemins du monde entier.
5) On compte sur ses doigts jusqu’à 10 :
Avec le lancement de la Lada 110, AvtoVAZ faisait sa première tentative de s’affranchir d’un vrai nom. Preuve que cela n’a pas porté ses fruits : l’expérience n’a pas été reconduite par la suite.
Initialement on avait bien pensé par tradition donner à la 110, la « Deciatka » (dizaine), un véritable nom, comme on l’avait fait avec la Samara. Lors de l’étude préliminaire, deux noms avaient même été évoqués : « Afalina » (dauphin en russe) et « Poseïdon ». Pourtant, pour diverses raisons, le comité stratégique du plan refusa ses propositions. Plus tard les voitures furent présentées sous les simples appellations Lada 110, Lada 111 et Lada 112.
Comme l’indique l’adjoint du responsable du marketing, Alexandre Bredikhine, l’utilisation de chiffres pour désigner les différents modèles est une chose fréquente. C’est la méthode utilisée par des marques comme Audi, BMW ou Peugeot. Cependant ces chiffres ont toujours une information à transporter : soit la catégorie de la voiture, la série ou très souvent sa cylindrée ou sa puissance.
Pour la Lada 110, ce choix était un peu spécial. Les chiffres ne signifient absolument rien. Enfin presque : il ne s’agit que de l’indice usine, le numéro d’ordre donné par le bureau d’étude. Seul le 2 a été retiré de ce nom de code, et la marque Lada y a été apposé : ainsi la VAZ-2110 est devenue Lada 110.
Le pays a été obligé de s’habituer à cette nouvelle dénomination des productions de VAZ. Cette accoutumance ne s’est pas faite sans difficultés. Lorsqu’en 2000 est revenu à Togliatti le héros des Jeux Olympiques de Sydney, le champion Alexeï Nemov, AvtoVAZ lui a offert la version la plus récente de sa 110, la VAZ-21108. En lui remettant son cadeau, le directeur général d’AvtoVAZ Alexeï Nikolaev a fait une erreur : il lui a remis les clés de la « Lada 108 ». Erreur ? Enfin presque puisque finalement et étrangement, on désigne assez fréquemment les diverses versions de la 110, par les trois derniers chiffres : « 102 », « 103 », « 106 » et « 108 ».
x) Des importateurs débrouillards :
Les partenaires étrangers d’AvtoVAZ n’ont pas le temps pour s’accoutumer aux nouvelles et inhabituelles marques décidées à Togliatti. Ils pensent avant tout à leurs chiffres d’affaires et décident eux-mêmes s’ils vont conserver un nom ou en trouver un autre.
Ainsi en Grèce, la firme « Lada Hellas », l’un des meilleurs importateurs travaillant avec AvtoVAZ, a décidé de renommer la Lada 110 en « Lada Libra » (c’est le signe du zodiaque « Balance »), un nom qui a permis à la voiture de connaître un beau succès.
Cependant les Grecs ont rapidement eu un problème, lorsque quelques temps plus tard une autre nouveauté à fait son apparition : la Lancia Libra. Apparemment le nom était tellement dans l’air du temps, que deux constructeurs avaient eu la même idée (à moins que les gènes Fiat communs aient joués un rôle ?). Les deux voitures ne jouaient pas dans la même catégorie, mais sur le marché il ne pouvait y avoir la place pour deux voitures portant le même nom. Il y donc eu un débat entre AvtoVAZ et FIAT. Mais les Grecs avaient déposés le nom « Libra » avant les Italiens. Le groupe Fiat, ne voulant pas en démordre n’eut qu’une solution : changer son « Libra » en « Lybra », le « i » en « y ». La même prononciation, mais écrit de manière différente.
Pour la 110, les têtes pensantes de Lada Hellas, ne sont pas à court d’idées. Pour la version « 103 » de la Lada 110, c'est-à-dire le type 21103, ils ont utilisé un autre signe du zodiaque : Aquarius (Verseau).
On ne peut pas dire que tous les importateurs inventaient des noms originaux pour les Lada, mais c’était parfois nécessaire. Ce fut le cas en France, quand le modèle 21099 est apparu sur le marché. Il arrivait en retard : près de 5 ans après les premières Samara. Pour que les futurs acheteurs ne l’associent pas avec un modèle déjà vieillissant, il fut donc décidé de donner un nouveau nom à la 21099. C’est ainsi qu’apparu la Lada « Sagona », un station thermale populaire (??). Et ça a marché !
Il est possible que les trouvailles des partenaires occidentaux prendront le pas sur l’appellation d’origine. Ce n’est pas exclu qu’après une modernisation profonde ou un restyling, il faille trouver de nouveau un nom à la Lada 110. Peut-être que l’on s’orientera alors vers les signes du zodiaque.
6) La « Kalina », la dernière improvisation :
Comme nous l’assurent les responsables du marketing d’AvtoVAZ, tout est clair pour les 5 ou 7 ans à venir pour les noms des voitures. Tous les futurs modèles sont déjà planifiés et ils ont déjà tous reçu un nom. Il est ici avant tout question des différents modèles de « Kalina ». C’est par ce nom sympathique que les designers désignent la VAZ-2118, un modèle aux formes modernes. On a ainsi évité de refaire la gaffe de la 110 et ce nom, qui provoque une multitude d’associations agréables, est déjà solidement ancré dans les têtes des futurs acheteurs.
Ces 5 à 7 ans de pause, permettront aussi au marketing d’AvtoVAZ d’éviter les erreurs du passé et de réfléchir aux noms des nouveaux modèles de Lada. Le temps de l’improvisation, quand le nom d’un futur modèle apparaissait de manière quasi spontanée, est révolu. Cela fait partie de l’histoire de la marque.
Lu sur http://www.omega-inter.ru/articles/14/view/
Adaptation VG