Parmi les actifs de l’Etat roumain on trouve l'usine Daewoo Automobile Romania. Il y a quelques mois, la Roumanie a décidé de vendre cet actif et cette usine a suscité l’intérêt de quelques compagnies : GM-Daewoo, Ford, Renault, le chinois Chery et l’indien Tata.
Le 26 avril dernier, le Ministère des Finances roumain a dressé la liste préliminaire des trois candidats au rachat (la liste définitive sera communiquée au cours du mois de juin). On trouve parmi les prétendants GM-Daewoo et Ford, ce qui n'a étonné personne. Mais c’est le troisième nom qui est une vraie surprise : la société « Voitures Russes » d’Oleg Deripaska. Cette holding est contrôlée par de nombreux constructeurs russes dont l’un des plus importants est GAZ.
Il n’a pas été donné de réponse à la question de savoir pourquoi la société « Voitures Russes » a besoin d’une usine roumaine produisant de vieilles Daewoo. D’ailleurs, en Roumanie comme en Russie la stratégie de cette holding reste une énigme pour de nombreux experts. Elle constitue cependant une belle source de rumeurs. L’une des plus intéressantes est la possible fusion ou alliance entre GAZ et AvtoVAZ.
Côté russe : Fin 2005, Oleg Deripaska, participant à Washington à une conférence ayant pour thème « Comment réorganiser les anciennes entreprises soviétiques ? » a déclaré que la production de la Volga cesserait bientôt et qu’il n’y aurait plus de voitures particulières au catalogue de GAZ.
Au même moment, les autorités russes ont décidé de sauver les constructeurs automobiles du pays et ont placé sous le contrôle de Rosoboronexport l’autre géant de l’automobile, AvtoVAZ. Dans ces conditions la déclaration de Deripaska allait en totale opposition avec la politique en cours en Russie.
Finalement le revirement a eu lieu en mars 2006 quand les dirigeants de GAZ ont annoncé qu’ils n’avaient pas l’intention d’enterrer la Volga et prévoyaient même d’augmenter sa production. Pourtant, un mois plus tard, en avril 2006 ces mêmes dirigeants annonçaient leur plan pour racheter la licence et les machines pour produire la Chrysler Sebring. A l’été 2006 ce contrat était signé.
Finalement GAZ n’a pas mis fin à la production de voitures particulières et en août 2006 Oleg Deripaska a affirmé au Président Poutine que le Groupe GAZ deviendrait un acteur international de la production automobile. L’homme d’affaire a même promis de laisser la célèbre Volga sur la chaîne et d’en faire de nouveau un modèle produit en masse.
Si GAZ (et « Voitures Russes ») est un acteur clé de la production automobile internationale alors son acquisition de Daewoo Automobile Romania paraît tout à fait logique. Il y a pourtant un « mais » car l’Etat roumain a demandé que le futur acheteur soit un constructeur automobile ayant un chiffre d’affaire d’au moins 10 milliards d’euros et une production d’au moins un million de voitures par an. Et « Voitures Russes » ne remplit même pas l’une ou l’autre de ces conditions. Comme l’écrit le journal Kommersant, la compagnie fait moins de 5 milliards de chiffre d’affaire et en volume elle ne pèse moins de 300,000 voitures.
Les dirigeants de « Voitures Russes » ont déclaré au journal que l’Etat Roumain ne lui avait pas mis de battons dans les roues et que les négociations allaient bon train pour que la société participe à la dernière étape de l’appel d’offre.
Les experts consultés par le journal ne savent pas pourquoi la holding russe a besoin de cette usine roumaine. La rumeur veut que « Voitures Russes » pourrait s’aligner avec ... AvtoVAZ. Il n’est pas exclu que pour cela GAZ prenne une participation dans VAZ, ou que les deux constructeurs russes organisent un échange d’actions. L’alliance ainsi formée permettrait à « Voitures Russes » de remplir les deux conditions fixées par l’Etat roumain.
Deux choses témoignent indirectement de la possible fusion entre VAZ et GAZ. Premièrement le voyage récent d’ Oleg Deripaska à Togliatti et des négociations qui ont suivi avec le dirigeant de Rosoboronexport, Slava Tchemezov. Secundo, le désengagement de VAZ dans des actifs ne constituant pas une source de profits comme des complexes sportifs ou des installations en rapport avec la production électrique.
Côté Roumain : L’histoire de Daewoo Automobile Romania a débuté dans les années 70 quand dans la ville de Craiova une usine de production automobile est sortie de terre en partenariat avec Citroën. Au début des années 80 les premières Oltcit, un modèle compact étudié par les Français, ont été fabriquées. Citroën avait lui-même renoncé à produire ce modèle après sa fusion avec Peugeot (NDT : ce qui n’est pas tout a fait exact).
En 1994, sur les fondements de cette usine relativement moderne le gouvernement roumain et Daewoo ont créé une société Mixte, la Daewoo Automobile Romania destinée à produire des voitures coréennes. Elle a fait faillite après quelques années et l’Etat Roumain a racheté les actions de son partenaire pour un montant de 60 millions de dollars. 95% de Daewoo Automobile Romania sont mis en vente aujourd’hui.
Actuellement, l’usine produit quatre modèles : les Daewoo Cielo (Nexia), Nubira, Matiz et Tacuma, mais aussi des moteurs et des boîtes de vitesse. Le principal partenaire de l’usine est le Groupe General Motors qui avait racheté Daewoo après la faillite du constructeur coréen. La production en Roumanie se fait donc sous licence avec des pièces d’origine coréenne. Les Roumains fournissent aussi des moteurs et des boîtes de vitesses pour la Chevrolet Lanos ukrainienne, et les Nexia et Matiz ouzbeks. La capacité de production est de 150,000 voitures, 380,000 moteurs et 260,000 boîtes par an.
A supposer que GAZ s’unisse à AvtoVAZ, l’intérêt que porte « Voitures Russes » pour le Roumain n’est toujours pas clair. Les Nexia, Matiz, Nubira et Tacuma sont des voitures déjà vieillissantes et ce n’est pas avec elles que l’on peut conquérir le marché russe ou est-européen. Est-il possible que les russes soient intéressés par les moteurs et les boîtes de vitesses ? Pas vraiment car ces moteurs ne conviendront ni aux Volga, ni aux GAZelle, ni aux futurs modèles comme la Chrysler Sebring ou le fourgon LDV.
Ces moteurs pourraient par contre servir pour la Lada Kalina et la Lada Priora. D’ailleurs Togliatti a souvent déclaré manquer chroniquement de moteurs. Pour résoudre ce problème le géant russe prévoyait de s’unir à General Motors pour ouvrir une usine commune destinée à la production de moteurs Daewoo, identiques à ceux faits en Roumanie. Mais le projet a fini à la poubelle. AvtoVAZ a ensuite annoncé qu’il allait ouvrir sa propre usine pour une capacité annuelle de 660,000 moteurs, mais on n’entend plus parler de ce projet dont le coût était estimé à 500 millions de dollars.
Racheter cette grande usine roumaine seulement pour les moteurs, plutôt que d’en construire une nouvelle, pourrait paraître étrange à première vue. Mais selon les experts, la valeur de Daewoo Automobile Romania serait de seulement 120 millions d’euros ... soit beaucoup moins.
Le scénario suivant serait donc tout à fait envisageable : GAZ achète ou échange à AvtoVAZ des actions, la nouvelle holding acquiert l’usine roumaine pour qu’une partie de sa production - les moteurs – soient utilisée sur les voitures de Togliatti ...
Voici une bien amusante conspiration !
Lu sur : http://auto.lenta.ru/articles/2007/04/27/deripaska/
Adaptation VG