J'ai régulièrement utilisé la S100, en alternance avec une 4L export. La S100 passait facilement pour une voiture bourgeoise (du moins dans ces conditions de comparaison) : sièges en Skaï, garniture intérieure des portières, qualité du chauffage et surtout, sentiment de sécurité (passive). Les performances étaient grosso modo du même tonneau (110km/h de croisière), de même que les accélérations et les reprises. Le seul avantage flagrant de la 4L se situait au niveau de la consommation (+/- 1 litre au 100 de moins, ce qui dans mon budget d'étudiant comptait).
En 1976, je fis l'acquisition d'une magnifique 1100 MB de 1969 (la dernière année pleine de production, la S100 / 110 sortira en 1970), affichant fièrement 60.000 km au compteur, pour le prix de 9.750 francs belges, c'est à dire 241,71 Euros. Pour ce prix, j'eu même droit au remplacement de la chaîne de distribution qui en avait bien besoin.
Une série d'indices complémentaires me firent vite comprendre que le compteur n'affichait pas 60.000 pour la première fois. La voiture était d'un beau rouge (celui qu'on voit sur les catalogues de la 1000 MB), mat par carrosserie sèche, et brillant dès que la pluie tombait. C'était ma première voiture, j'en étais (suis toujours ?) très fier, et il valait mieux ne pas s'en moquer.
J'ai toujours eu un doute : les Skoda MB avant-elles des dents taillées droites au pont arrière, car vu le bruit que celui-ci faisait – à moins que ce ne soit de l'usure de la mienne ? Dans un souci de luxe, les poignées de portes et manivelles de vitre étaient fabriquées dans un plastique argenté (parfaitement kitch) et censé imiter le métal. Comme toutes les MB (et je pense également les toutes premiers S100), ma voiture représentait une énigme pour les pompistes (pour les plus jeunes, cherchez au dictionnaire des métiers disparus) : l'orifice de remplissage du réservoir se dissimulait dans la moulure décorative de l'aile avant droite. À l'aide d'une poignée située à l'intérieur de la voiture vous pouviez ouvrir la partie circulaire de cette moulure qui supportait le logo en tête d'Indien. La poignée se trouvait du coté du passager, ce qui pouvait se révéler très agréable en fonction de la passagère. l était recommandé de faire le plein après avoir été la chercher : l'ouverture du clapet d'essence vous imposait de vous coucher sur ses genoux. Skoda, facétieux, rééditera ce gag avec la 105/120, mais cette fois-ci pour ouvrir le capot avant, j'y reviendrai.
Les phares comportaient des ampoules traditionnelles, éclairant beaucoup moins bien que les optiques à ampoules à iode des S100 / 110. Les quatre freins à tambour parvenaient quand même à ralentir l'engin dans des délais raisonnables, et un peu plus inquiétant, le pare-brise était bêtement en verre sécurit (trempé) et pas en verre feuilleté. Il n'était bien entendu pas question d'assistance de freinage, et encore moins de direction assistée. La pièce la plus usée de la voiture était l'embrayage. Dès la livraison, il fallait relever entièrement la pédale pour que l'embrayage prenne.
J'ai utilisé la voiture pendant un an et parcouru 30.000 km, il a tenu le coup jusqu'au bout. Ma voiture datait du « printemps de Prague », et il paraît que c'est à cette époque que Skoda a produit ses meilleurs voitures. En tout cas, la mienne était indestructible. La mauvaise qualité du caoutchouc tchèque a rapidement provoqué une fuite de liquide de refroidissement par une durit. Vu que le thermomètre de température d'eau ne fonctionnait plus, la surchauffe moteur m'a été signalée par de pétarades venant de l'arrière (pour rappel pour les distraits, c'est là que se trouvait le moteur) : de la vapeur d'eau s'échappait bruyamment de la soupape de surpression du radiateur. N'ayant rien pu trouver d'autre, j'ai rempli le système de refroidissement d'eau froide (ah l'insouciance de la jeunesse !!) ; croyez-moi ou pas, mais la vérité c'est que le moteur a tenu le coup !
En dehors des entretiens (vidange tous les 5.000 km) et d'une durite d'eau, cette voiture m'a coûté un train de pneus, c'est tout. La consommation est toujours restée comprise entre 7,5 et 8,5 litres au 100 km. La seule pièce atteinte par la rouille était le capot avant, et plus précisément l'angle avec le pare-brise, du côté passager. Ca a un jour fini par percer, et avec un peu d'aide, j'ai ressoudé un bout de métal qui a fait office de coin de capot. Une fois, une seule, la voiture a pris l'eau à l'intérieur. Je n'ai jamais su pourquoi, un matin après une nuit de forte pluie, la tablette arrière était détrempée. Ca ne s'est jamais plus produit.
Par contre, l'embrayage, s'il a tenu jusqu'au bout, s'usait quand même de plus en plus : il devenait difficile vers les 80.000 km au compteur (180.000 ?) d'accélérer efficacement sans provoquer un sérieux patinage. Pendant les 3.000 dernier km, les camions me grattaient au démarrage... Cette voiture m'a en fait accompagné pendant ma première année de travail. Je l'employais tous les jours pour mes déplacements professionnels. Vu que je visitais les points de vente d'une grande chaîne de distribution belge. Ma 1100MB rouge terne (sauf par temps de pluie) était devenue célèbre dans toute l'entreprise.
A 90.000 km au compteur, nous sommes partis pour notre dernier voyage ensemble. N'osant pas, après un an présenter cette voiture au contrôle technique belge (obligatoire pour toutes les voitures âgées de 4 ans et plus) et devant absolument remplacer l'embrayage, j'avais acheté une 110LS de 4 ans d'âge et affichant +/- 45.000 km (réels cette fois ci). J'habitais une rue en pente (sens de la montée obligatoire). Du moment où j'ai lâché l'embrayage, j'ai en le temps de compter jusqu `à 20 avant que la voiture ne se décide à bouger. J'ai eu peur qu `elle ne s'arrête définitivement, embrayage mort avant le garage , mais la fidèle a tenu bon. Par contre, au garage, ils ont du la pousser pour la mettre à l'atelier pour changer l'embrayage.
J'ai appris par après que ma voiture était ainsi repartie pour une nouvelle vie aux mains de la fille du patron d'une entreprise de terrassement, gros client de camions Tatra à l'époque. Cette voiture m'avait un jour valu un contrôle de plus d'une heure à la Douane Franco/Belge : les douanier français, ignorant de l'origine de cette voiture peu répandue en France se sont enquis de la chose, et il m'a fallu leur faire la visite guidée pendant une bonne heure. Lors du changement des pneus, elle étonnera également le mécano qui avait des scrupules à la lever par les 4 points d'appuis de la carrosserie. Il avait la semaine précédent vu une Taunus 12M se briser en deux en essayant de la lever. Ma voiture a résisté à l'opération sans aucun problème.
Amicalement et à bientôt pour la suite
Alain
Pour le précédent épisode :
http://www.sovietauto.fr/2004/11/temoignage-mes-voitures-de-l-est-1ere-partie.html