Rejetée par les consommateurs, ridiculisée par les Occidentaux, attaquée par les écologistes, la minuscule Trabant est aujourd'hui confrontée à une nouvelle menace : des scientifiques tentent de trouver un microbe capable de la manger.
Cette petite voiture caricaturale était autrefois considérée comme pittoresque, mignonne, voire héroïque, car elle a transporté des milliers d'Allemands de l'Est pour les libérer de l'oppression communiste. Aujourd'hui, la petite Trabant carrée est méprisée par beaucoup comme un parasite à quatre roues, un paria peu puissant et polluant qui ne peut même pas être correctement mis à la casse sans répandre des toxines.
Des milliers d'anciens Allemands de l'Est sont passés aux voitures occidentales et mettent à la ferraille, donnent ou vendent leurs vieilles Trabant, dont le nom signifie « satellite » et qui coûtaient autrefois l'équivalent d'une année de salaire moyen.
Aujourd'hui, un groupe de scientifiques tente de mettre au point un processus qui utiliserait des souches de bactéries pour dévorer les principaux composants de la carrosserie synthétique de la berline. « Cela résoudrait le problème fondamental de la Trabant : la gestion des déchets solides », explique Peter Lietz, directeur du Centre de recherche industrielle pour la biotechnologie à Berlin-Est. Il raconte que ses scientifiques ont déjà breveté des bactéries capables de digérer les résines cellulosiques de la carrosserie de la voiture. Ils tentent à présent de décomposer l'autre ingrédient principal, les résines phénoliques formaldéhydes.
Il pense que le laboratoire mettra au point, d'ici deux à trois ans, un processus dans lequel les bactéries réduiront la carrosserie en quelques kilos de résidus. Un tel processus pourrait être appliqué à d'autres composés qui nécessitent des techniques d'élimination spéciales et coûteuses.
Petra Loecher, porte-parole du ministère fédéral de l'environnement, indique que le gouvernement cherche également des moyens de résoudre le dilemme de la gestion des déchets posé par les montagnes de Trabant mises au rebut. La carrosserie ne peut pas être recyclée comme les autres voitures. Brûler la carrosserie libérerait des dioxines dans l'air, ajoute Peter Lietz. Enterrée, la voiture finirait par pourrir, souillant le sol avec les mêmes substances cancérigènes.
La plupart des deux millions de Trabant en circulation sont équipées de moteurs à deux temps, qui crachent des gaz d'échappement lourds et font le bruit d'une tondeuse à gazon bruyante. « La Trabant est en général nocive pour l'environnement », déclare Frank Welskop, un responsable du groupe environnemental Green League. « Par-dessus tout, la Trabant crache du dioxyde de soufre qui tue les insectes ».
Petra Loecher explique que son ministère n'entreprendra aucun effort pour interdire la Trabant. « Elle s'éliminera d'elle-même. Les conducteurs de Trabant sont de moins en moins nombreux ». Ses performances médiocres, son poids plume et sa petite taille sont également considérés comme des risques pour la sécurité, en particulier lorsqu'il s'agit de survivre à la mentalité du plus rapide des autobahns ouest-allemandes.
La voiture est devenue une sorte d'icône pop allemande en 1989, lorsque des masses d'Allemands de l'Est ont commencé à fuir vers l'Ouest pour échapper au régime communiste. Des milliers de Trabant se sont alignées comme des jouets à la frontière ouest-allemande, créant l'image indélébile d'une société rigidement conformiste qui se désagrège.
Les rues et les parkings d'Allemagne de l'Est sont aujourd'hui remplis de Trabant mises au rebut et cannibalisées. Les sections de petites annonces regorgent de Trabi à prix cassés. Mais si les masses ont abandonné la voiture de 26 chevaux, la Trabi est devenue un objet culte pour les jeunes et les Allemands soucieux de leur budget des deux côtés de l'ancienne frontière.
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http://news.google.com/newspapers?nid=1243&dat=19910428&id=TKpFAAAAIBAJ&sjid=OocDAAAAIBAJ&pg=6807,4909903
Article paru le 28 avril 1991 dans The Bulletin, un journal de Bend dans l’Oregon (USA).
Adaptation VG