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Le prototype à traction avant NAMI-1101 est restée longtemps un secret de l'industrie automobile soviétique. Elle a été mentionnée une ou deux fois dans le magazine Za Roulem et dans le livre de Lev Shugurov « Voitures du pays des Soviets ». On connait une illustration de cette voiture - la vue latérale d'une petite berline à deux volumes, et derrière la voiture se tient un homme vêtu d'un costume à la mode des années 1960 et portant des lunettes noires. On sait par d'autres recoupement que cette voiture portait le nom de « Vassiliok ». Récemment, j'ai réussi à trouver des informations détaillées sur le projet NAMI-1101. Cette voiture compacte à hayon et à traction avant, développée dans le pays au milieu des années 1960, a été proposée comme alternative à la future Jigouli et a été présentée comme telle aux représentants du Ministère de l'industrie automobile de l'URSS.

Nous pouvons donc affirmer aujourd'hui que la Renault 16 française, vue par beaucoup comme une alternative légitime à la Jigouli, ne pouvait pas remplacer la Fiat 124 sur la chaîne de montage de Togliatti. La possibilité de la production en série de cette voiture en URSS n'a pas été envisagée en 1966... Mais il existait bien une alternative à traction avant à la Jigouli ! Et ce n’est pas celle que vous croyez.

Lorsque le gouvernement a publié un décret sur la construction d'une usine d'une capacité de 500,000 voitures par an en URSS, Boris Fitterman, chef du département des voitures particulières à l'Institut NAMI a fait une proposition audacieuse : ne pas acheter de licence pour produire une voiture étrangère. Les ingénieurs soviétiques étaient capables de concevoir eux-mêmes un modèle de base pour la production en série. Boris Fitterman joint le geste à la parole. L’Institut a imaginé un projet, élaboré les spécifications techniques et dessiné les plans de cette voiture. Dans un premier temps, les documents ont été transmis au Ministère sous le nom de NAMI-0124, puis ils ont été indexés selon la nouvelle norme industrielle - NAMI-1101 et NAMI-11011.

Où commence le développement d'un nouveau modèle de voiture ? Pas du tout par la recherche d'un « design extérieur », comme le pensent les non-professionnels. Tout d'abord, une spécification technique approximative du futur modèle est élaborée. Il est important de savoir à quelle catégorie la nouvelle voiture appartiendra. Sur cette base, pour une voiture de tourisme, la taille de l'habitacle est définie. Ensuite, l'architecture globale est déterminée. En particulier, l'emplacement du moteur et le type d'entraînement des roues motrices. Le choix des dimensions, de l'empattement et de la voie est un point important. Des paramètres clés en dépendent - le poids à vide et le poids total de la voiture, et en fonction de ceux-ci, pour fournir les qualités de traction et de vitesse requises, on calcule quelle devrait être la puissance et la cylindrée du moteur.

La nouvelle voiture, selon les plans, devait occuper une place intermédiaire entre la ZAZ-966 Zaporojets et la Moskvitch-408. L'équipe réunie au sein de l’Institut NAMI, autour de Boris Fitterman, a décidé de reprendre toutes les dimensions de la berline Moskvitch-407, un modèle éprouvé. La distance entre le pare-brise et la lunette arrière, la largeur au niveau des épaules du conducteur et des passagers, la distance entre les sièges avant et arrière, la hauteur sous plafond depuis le plancher ou l’assise des sièges étaient exactement les mêmes. Dans le même temps, le poids à vide de la voiture devait rester dans la limite de 800 kg, c'est-à-dire que le nouveau modèle devait peser environ 100 kg de plus que la ZAZ-966.

Pour réduire le poids et la longueur totale, une carrosserie sans coffre saillant, avec un hayon et une banquette arrière rabattable a été proposée. Ce type de carrosserie avait commencé à apparaître dans les années 1960 sur les petites voitures européennes. Le mot « hatchback » ne faisait pas encore partie du lexique, et on les appelait semi-universelles. Boris Fitterman a vu, dans l'utilisation de la traction avant et la disposition transversale du groupe motopropulseur, un moyen de réduire les dimensions et le poids. Il s'était inspiré de la Mini anglaise, créée en 1959 par Alec Issigonis.

Boris Fitterman était considéré comme un ingénieur expérimenté. Avant la guerre, il avait travaillé chez ZiS, par exemple pour concevoir le premier trolleybus soviétique, le « Lazar Kaganovich » (LK-1). Il a gravi les échelons jusqu'au poste de chef du bureau d’études de ZiS, coordonnant les travaux sur les ZiS-110 et ZiS-150 d'après-guerre, les autobus et les véhicules militaires, tels que le BTR-152. Au début des années 50, il est arrêté sur la base de fausses accusations, il est condamné et purge une peine sous liberté surveillée, mais en 1954, il est amnistié et rejoint l’Institut NAMI, où on lui confie le thème de la « voiture de tourisme ».

Il travaille sur le LuAZ-967 et des voitures pour les handicapés dotées du même groupe motopropulseur commun. Il ne concevra pas la future Zaporojets à l’Institut NAMI, celle-ci sera signée par Alexandre Andronov chez MZMA. Mais de nombreuses voitures étrangères, analogues à la future ZAZ, ont été testées à l’Institut sous sa direction. Ce dernier a même publié un livre sur les microvoitures.

En 1966, Boris Fitterman mène des recherches fondamentales sur l'agencement d'une petite voiture de tourisme. L'Institut NAMI a acheté tout un lot de voitures étrangères avec différentes architectures. Les Renault 8, Hillman Imp, Skoda 1000 MB et la ZAZ-965A représentent le modèle à moteur arrière. L'Opel Kadett, ainsi que les Moskvitch-407 et Moskvitch-433 soviétiques servent d'exemples d'architecture classique. Mais Boris Fitterman accorde une attention particulière aux voitures à traction avant. La Ford Taunus 12M, la Renault 4 et la Glas allemande sont choisies comme exemples à motorisation longitudinale. et les Morris-1100 et Autobianchi Primula comme exemples à motorisation transversale. En 1965, l’Institut NAMI reçoit également les nouveautés françaises à traction avant que sont les Renault 16 et Peugeot 204.

L'Institut soumet ces voitures à des essais comparatifs dans différentes conditions routières. Leur comportement sur l'asphalte, sur les routes enneigées et verglacées de l'hiver, sur les chemins de terre pendant le dégel du printemps est étudié.

Depuis l'avant-guerre, on considérait que la traction avant n'était pas adaptée aux routes de l’URSS. Les essais des Cord américaines et de la Citroën Traction Avant, ainsi que les « trophées allemands » Adler et DKW l'ont confirmé. Mais Boris Fitterman a trouvé ce qu'il cherchait : les Autobianchi, Morris, Ford et Renault 16 sont meilleures sur chaussées glissantes, en particulier dans les virages, se conduisent avec assurance sur les terres lessivées et se sortent seules des congères. Elles font mieux que les Opel, Moskvitch, Zaporojets et autres voitures étrangères à moteur arrière. Fitterman a recueilli des preuves non seulement de l'adaptabilité de la traction avant aux conditions routières de l’Union Soviétique, mais aussi de ses avantages. Cela lui permet de donner des instructions claires au principal ingénieur travaillant sur la NAMI-0124 (future -1101), Vladimir Mironov, pour qu'il conçoive une voiture à traction avant dotée d'un moteur transversal.

Toutefois, un certain nombre de questions devaient être résolues. À quel angle de la verticale positionner le moteur ? Comment le lier à la boîte de vitesses, aux demi-essieux, à la suspension de type McPherson et à la direction à crémaillère ? Selon une version non vérifiée, Boris Fitterman et Vladimir Mironov se sont inspirés de la Peugeot 204, mais ne l'ont pas copiée directement. J'ai vu une première esquisse du plan d'aménagement avec le moteur de la Moskvitch-407 ou -408 et les bras de suspension arrière de la ZAZ-966. Mais dans la version finale, il a été décidé que le moteur serait original et que la suspension arrière serait à barres de torsion transversales, comme sur la Renault 16.

Le moteur conçu par l’Institut NAMI était, bien entendu, un 4 cylindres en ligne, refroidi par liquide. Il se distinguait par des solutions nouvelles pour l'époque : bloc et culasse en aluminium, arbre à cames en tête, chambre de combustion hémisphérique, filtre à huile à passage intégral, système de refroidissement fermé avec vase d'expansion et ventilateur électrique.

Deux versions étaient proposées. La première, d'une cylindrée de 1,1 litre, donnait à la voiture qui en était équipée l'indice NAMI-1101. La seconde variante avait une cylindrée portée à 1,3 litre. Elle reçut le nom NAMI-11011. Le moteur de 1,106 cm3 était censé avoir un régime maxi de 5,800-6,000 tr/min, et le moteur de 1,270 cm3 était plus silencieux - 5,200 tr/min. Le poids du moteur était estimé à 100-105 kg, à comparer au dernier moteur MZMA-412, qui pèse 140 kg. Des cardans Birfield étaient proposés pour entraîner les roues avant motrices (l'expression « joint homocinétique » n'était pas encore très répandue). Sur les différents plans, on trouve des freins à disque ou à tambour. Les pneus devaient être identiques à ceux de la ZAZ-966.

Dès le début, les concepteurs de l’Institut NAMI ont calculé que la nouvelle voiture devait atteindre une vitesse maximale de 135 km/h, consommer 8,5 litres d'essence aux 100 km, pouvoir rouler au moins 100,000 kilomètres, mais aucune « grosse » révision n'était envisagée, la voiture était conçue comme « jetable ». On estimait même son prix de vente à environ 2,500 roubles.

Le décret gouvernemental sur la nouvelle usine automobile a été publié en 1965 et, au printemps 1966, l’Institut NAMI disposait d'un plan de la voiture complète et de son groupe motopropulseur, ainsi que du document le plus important, les spécifications techniques. Boris Fitterman avait même demandé au styliste Erik Sabo d'en dessiner l’extérieur !

Le célèbre styliste avait commencé sa carrière chez ZiL et avait participé à l'élaboration de la forme extérieure du bus ZiL-118 Iounost et des camions ZiL-130 et ZiL-131. Dans la première moitié des années 1960, il avait quitté l'usine moscovite et dirigeait le Bureau d’études et de design qui venait d’ouvrir à Moscou sous le Sovnarkhoz de Khrouchtchev. Erik Sabo avait réalisé une maquette grandeur nature de la limousine ZiL-114, mais le chef du bureau d’études de ZiL, Anatoliï Krieger, avait rejeté cette variante. Erik Sabo dessine alors plusieurs croquis de modernisation de la forme extérieure et de l'intérieur de la Moskvitch-408. Et si Alexandre Andronov avait déjà rassemblé une équipe de designers au sein de l'usine, il ordonna la réalisation d'un prototype de Moskvitch modernisé sur la base de ses croquis. Mais finalement, il choisit pour la présentation à la commission du Ministère de l'industrie automobile un projet alternatif réalisé par les stylistes de l'usine Boris Ivanov, Marat Elbaev et Efim Mastbaum. Enfin, Sabo Erik a réalisé un modèle de tout-terrain miniature. Les ingénieurs de l'usine de quadricycles de Serpoukhov s'en sont emparés et ont conçu sur cette base la carrosserie du SMZ S3D. Au final, les dessins colorés d’Erik Sabo représentant des voitures et des personnes ont suscité l'intérêt d'Autoexport, qui les a utilisés pour ses affiches publicitaires.

En 1966,  Erik Sabo travaille donc pour l’Institut NAMI. À la demande de Boris Fitterman et sur la base du plan proposé, il dessine un certain nombre de croquis, puis, en suivant les dimensions fixées par les ingénieurs, il réalise une maquette grandeur nature en plastiline. Bien des années plus tard, il se souviendra qu'il a été inspiré par la « beauté française » de la Renault 16, et qu'il a été heureux d'installer sur ce modèle les phares de cette voiture, qui lui ont été donnés par Boris Fitterman. Durant cette étude, le nom de  « Vassiliok » est apparu, et Erik Sabo a proposé plusieurs variantes pour son écriture.

Le dossier technique complet de la nouvelle voiture devait être soumis au jugement de nombreux spécialistes. Tout d'abord, il devait être évalué par les concepteurs des trois principales usines de voitures particulières, MZMA, GAZ et ZAZ. Il était nécessaire d'obtenir les conclusions de l'Institut de recherche sur le transport automobile (NIIAT), de l'Institut des problèmes complexes de transport, des représentants des départements du Minavtoprom responsables de la production de divers composants. Même les recteurs des universités MADI et MAMI étaient impliqués.

Je dois dire que de nombreux scientifiques et ingénieurs étaient prêts à discuter du projet « Vassiliok ». En 1966, les pages du magazine « Transport Automobile » présentaient une sélection de documents sur la prochaine production en série d'une voiture de tourisme soviétique destinée à être vendue à des particuliers. D'éminents spécialistes automobile soviétiques donnaient leur opinion sur la manière de concevoir une voiture de ce type, sur les problèmes à résoudre au cours de sa production et de son exploitation. Pour des raisons évidentes, personne n'a cité directement l'indice NAMI-1101 ou le nom de « Vassiliok », mais de très nombreuses personnes se sont prononcées en faveur d'une voiture compacte, à traction avant et à moteur transversal...

Le 18 mars 1966, partisans et adversaires de la « Vassiliok » se sont retrouvés lors d'une réunion élargie au Ministère de l'industrie automobile de l'URSS. Pourquoi la NAMI-1101 n'a pas pu concurrencer la Fiat 124 ? C’est une autre histoire.

Lu sur : https://www.kolesa.ru/article/zabytyj-nami-1101-vasilyok-peredneprivodnyj-predok-zhigulej-vdohnovlyonnyj-mini
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #NAMI, #1101, #11011, #Projet, #Jigouli