Frustration. Comment résumer autrement la période de normalisation, c'est-à-dire les années 1970 et la majeure partie des années 1980 pour l'industrie automobile de la Tchécoslovaquie ? Si l'on excepte quelques succès sportifs, la production courante n'était pas vraiment brillante. En fait, jusqu'à l'arrivée de la Favorit en 1988, le pays produisait exclusivement des voitures particulières à moteur arrière, qui étaient déjà obsolètes au moment de leur création. Des tentatives ont été faites pour inverser la situation. La plus prometteuse était la Skoda 720 et parmi les fragments oubliés de ce projet figure un généreux break construit en 1968.
Dans l'histoire de Skoda, le projet S 720 est probablement le plus important qui n'est pas été mené à terme. Le développement de cette série a commencé vers juillet 1967 et a duré jusqu'en 1971, date à laquelle elle a été plus ou moins définitivement abandonnée. La Skoda 720 était une voiture de conception classique d'un niveau technique relativement élevé, que certains ont à l'époque comparé, par exemple, aux BMW.
Depuis le milieu des années 1950, la production d'une voiture moderne de classe moyenne était régulièrement envisagée à Mlada Boleslav. Selon un document du directeur de l'AZNP de l'époque, Josef Kaderavek, intitulé « Proposition de conditions techniques de base pour la voiture de tourisme moyenne Skoda 1500 » et daté de novembre 1959, 100,000 voitures devaient être produites chaque année à partir de 1970. Entre-temps, cependant, une toute nouvelle série de base 1000 MB a été créée avec un moteur arrière, une solution à la mode à l'époque. La voiture de classe moyenne est donc restée dans les cartons jusqu'en 1965, date à laquelle son développement a commencé pour de bon avec, en interne, la désignation officielle Skoda 720.
Parallèlement au développement de la série S 720, les travaux sur le projet de voiture populaire S 740 avec des moteurs de 900 et 1,000 cm3 ont également commencé, mais avec un concept différent, c'est-à-dire avec un moteur à l’avant et la traction avant. Le manque d'unification entre les deux projets a, sans doute, été l'une des raisons pour lesquelles leur développement n'a pas été poursuivi jusqu’au bout. Les deux séries devaient être produites avec les mêmes types de carrosserie, c'est-à-dire des berlines, tudors (2 portes) et breaks, et seule la S 720 devait également être produite en coupé. La différenciation logique devait être assurée par une partie avant différente : alors que la voiture la moins puissante ne devait avoir que deux phares, la version équipée du moteur plus puissant devait en avoir quatre. C’est de cette manière que l’on a pu plus tard distinguer la Skoda 110 de la 100 moins puissante, et les Skoda 120 LS / GLS des 105 / 120.
Bien que la Skoda 1000 MB ait été une voiture relativement moderne à son époque, comparable par exemple à la Renault 8, les limites du concept « tout à l'arrière » ont commencé à apparaître relativement tôt. Outre le taux de pannes non négligeable (« 1000 petits maux »), il y avait surtout l'impossibilité d'offrir plus de variantes de carrosserie que la berline et plus tard le coupé (respectivement 1000 MBX et 110 R dans la génération suivante).
La carrosserie autoportante de l'« Embecko », bien que moderne par rapport à l'Octavia à châssis séparé, était peu rigide en torsion, si bien que les tentatives d’en faire un roadster se sont vite soldées par des échecs. L'emplacement du moteur derrière l'essieu arrière ne favorisait pas non plus la carrosserie break, qui disposait d'un petit coffre et dont le moteur surchauffait constamment sous le plancher.
Le constructeur a donc fait face à la situation d'une manière typiquement socialiste, en repoussant la production des archaïques mais robuste Octavia Combi et de la 1202 STW jusqu'en 1971 et 1973 respectivement. Après, jusqu'à l'arrivée de la Skoda Forman (en 1991), les Tchèques ont dû se contenter des rares versions breaks Lada (VAZ-2102), Wartburg 353 (Tourist), des Trabant et des Dacia. Pourtant, il aurait pu en être tout autrement. Vous avez deviné : la solution était le numéro 720 !
Au début, le développement de la Skoda 720 était une affaire purement tchécoslovaque, ce qui était particulièrement visible dans la conception de la carrosserie. Outre le département de développement de l'usine automobile de Mlada Boleslav, l'Institut de recherche sur les véhicules à moteur de Prague (UVMV) s'est également mis au travail.
Cependant, les croquis de Milan Strejcek de Prague ou de Josef Brokes de l’usine de Kvasiny n'ont pas suscité beaucoup d'enthousiasme, même dans des conditions socialistes. Le constructeur s'est donc mis à la recherche de designers étrangers et a failli conclure un accord avec Vignale, qui a réalisé peu après la carrosserie de la Tatra 613. Mais par manque de devises étrangères, la coopération n'a même pas pu commencer et le travail de conception est retourné dans la mère patrie.
Cette fois, c'est Jan Zacek, un carrossier de Mlada Boleslav qui s’est mis au travail. La partie avant quelque peu surchargée et les formes anguleuses des modèles qu’il a créés lui valurent le surnom peu flatteur de « chalets de Zacek ». Au total, cinq prototypes roulants ont été produits, dont trois berlines, le break que vous avez sous les yeux et un coupé.
Malgré tous les efforts, aucun des prototypes construits n’a abouti à un modèle de série. Le constructeur avait prévu de commencer la production en 1973, avec une production annuelle de 120,000 voitures à partir de 1975. Mais que s’est-il passé ? La technique ne posait pas de problème, mais l'apparence...
Finalement, les devises nécessaires ont été obtenues et, en février 1969, le design a finalement été confié au tout nouveau studio turinois Ital Design de Giorgetto Giugiaro, âgé de trente ans, mais qui, après avoir travaillé avec Bertone ou Ghia, avait déjà suffisamment d'expérience. Il est difficile de dire aujourd'hui ce que les Italiens ont pensé des dessins tchécoslovaques originaux de la Skoda 720, mais ils n'ont rien laissé paraître et ont réussi en peu de temps à livrer les premières esquisses et une maquette grandeur nature à Mlada Boleslav. À la fin de l'été, le premier prototype fonctionnel de la berline était achevé à Cesana, confirmant le fait que les Italiens avaient proposé quelque chose avec des caractéristiques véritablement européennes, ce qui était également important pour les dirigeants communistes qui voulaient faire rentrer des devises fortes grâce aux succès prévus à l’exportation.
Les prototypes ont été testés sur les autoroutes d'Allemagne de l'Est et en Union soviétique, où le fonctionnement en conditions hivernales a été vérifié. Lors des essais longue durée, la S 720 aurait également été comparée à ses concurrentes : BMW 1600 et 1800. Doté d'un moteur de 1,5 litre, le break atteignait une vitesse maximale d'environ 146 km/h avec 82 ch et un poids de 965 kg, et passait de 0 à 100 en 18 secondes, un temps médiocre.
Pour travailler sur la voiture, Ital Design avait reçu plus de 30 millions de couronnes tchèques en devises étrangères et fourni la plupart des pièces pour réaliser le prototype, étudié les versions avec conduite à droite et mené des études de marketing à l'étranger. Le coût de production de la voiture était également estimé à 25,240 couronnes, avec un prix sorti usine de 27,000 couronnes, et un prix de vente de 30,000 couronnes pour la version 1,250 cm3 et de 35,000 couronnes pour la version 1500 (en 1975, le salaire mensuel moyen en Tchécoslovaquie était d'environ 2,000 couronnes). Cela semblait tout simplement trop beau et l'euphorie n'a pas duré longtemps.
Avec la récente fédéralisation de la Tchécoslovaquie (le seul vestige de 1968), la nouvelle direction du Parti et de l'État était très intéressée par le développement industriel de la Slovaquie, qui était également lié au projet de construction de la gigantesque usine automobile de Bratislava (BAZ). Les quatre milliards nécessaires allaient manquer logiquement ailleurs, mais c'est surtout la volonté politique de mener à bien les projets 720 et 740 qui a fait défaut.
Bien que le développement de la Skoda 720 ait été symboliquement transféré à l’usine BAZ encore inexistante, le personnel de la filiale Tatra de Bratislava n'a pas pu, avec la meilleure volonté du monde, produire plus de deux prototypes supplémentaires de berline et de break - et cela s'est terminé en 1972. Chez BAZ, la production très limitée des modèles Garde et Rapid a souffert de problèmes de qualité chroniques dans les années 1980, ce qui n'a pas changé jusqu'à la reprise de l'usine par Volkswagen en 1991.
Les projets S 740 et S 760 ont ensuite connu le même sort que la Skoda 720, et la première véritable nouvelle Skoda depuis 1964 n'est apparue qu'en 1987. Il s’agissait du projet S 781, plus connu sous le nom de Skoda Favorit.
Lu sur : https://www.autosalon.tv/novinky/retro/tohle-kombi-od-skody-mohlo-dobyt-svet-uz-pred-padesati-lety-misto-nej-se-vyrabely-stovky-a-stodvacy
Adaptation VG