Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La scène se passe en 1932 à Leningrad, dans la cour intérieure de l’usine « Krasniï Putilovets » où l’on produit à très faible cadence le tracteur Fordson Putilovets, un modèle déjà obsolète puisque datant de 1917. Les ouvriers héroïques de cette usine soviétique de matériel agricole, viennent d’avoir l’idée - fort éloignée du concept du prolétariat - de produire la première limousine soviétique.

Nos travailleurs acharnés ont d'ailleurs une seconde idée : copier l’une des voitures les plus sophistiquées roulant alors en URSS. Leur choix se porte sur la Buick 32-90, une limousine 7 places extérieurement très attrayante et techniquement sophistiquée. Ce modèle n’est pas exceptionnel mais il correspond aux exigences techniques soviétiques et n’est dépassé que par la Cadillac. Pour sa production, on a libéré l’atelier où l’on fabriquait encore hier des tracteurs Ford, et avant-hier des véhicules blindés et des bateaux. Le directeur technique de l’usine, Mikhaïl Ter-Asatourov, soutenu par un groupe de spécialistes techniques et le directeur de l’usine Karl Ots, est chargé de construire cette Buick soviétique.

Les premières voitures sont construites très rapidement - en seulement 8 mois - car elles doivent participer au défilé du 1er mai 1933. Bien entendu, pour copier sans licence cette voiture américaine, les Soviétiques n’y vont pas par quatre chemins et achètent deux Buick 32-90 neuves. A peine arrivée à Leningrad, la première est démontée jusqu’à la dernière vis et les mesures de chaque pièce qui la constituent sont prises méticuleusement.

Pour le constructeur de tracteurs, la Buick 32-90 est un saut vers l'inconnu. Elle grouille de toutes sortes d’automatisation et de servos complexes. C’est totalement dans l’air du temps mais en URSS, on ne connait pas encore le moteur à arbres à cames latéral, le double carburateur avec contrôle automatique de l’admission d’air, l’embrayage semi-automatique, le thermostat ouvrant automatiquement les volets latéraux du radiateur, les amortisseurs ajustables depuis le siège du conducteur… Tout est nouveau pour les techniciens de « Krasniï Putilovets »… Même la pourtant banale pompe à essence à diaphragme leur fait dresser les cheveux sur la tête, eux qui ne connaissaient jusqu'alors que le systèmes d’alimentation par gravité. Mais la Buick ne leur fait pas peur pour autant.

La documentation technique est préparée à l’Institut d’Etat de Leningrad « LengiproVATO » et les meilleurs spécialistes sont impliqués dans le projet. Le 24 avril 1933, la première L-1 est prête et ce ne sont pas moins de six limousines qui sont fabriquées pour participer au défilé du 1er mai.

Il faut saluer le travail titanesque effectué. Non seulement, les ingénieurs ont eu affaire à des équipements qui leurs étaient inconnus, mais ils ont en plus réussi à respecter les délais ! Et même si la limousine L-1 s’est avéré être beaucoup plus simple que la Buick originale, il s’agissait d’une copie de haute qualité, alors que de nombreuses pièces de carrosseries ont été littéralement formées sur les genoux et que de nombreuses pièces du moteur et du châssis ont été finalisées lors du montage final.

Après le 1er mai, les six L-1 se rendent à Moscou par leurs propres moyens où elles sont présentées à Grigory Ordjonikidze, le commissaire du peuple à l'industrie lourde, avant de revenir triomphalement à Leningrad le 20 mai. La voiture a plu au Ministre qui donne sa bénédiction pour une production de masse, avec un plan pour en produire 2 mille exemplaires dès la première année ! Tout le monde à l’usine « Krasniï Putilovets » se retrousse les manches… mais quelque chose se passe mal.

La rumeur veut que pendant leur voyage, toutes les voitures ont souffert de problèmes techniques. Cela n’aurait rien de répréhensible puisqu’il s’agissait littéralement de prototypes. Mais les journaux et les magazines de l’époque s’emparent de cette rumeur et racontent avec moult détails qu’aucune des six voitures n’a échappé à la panne sur ce long trajet ! Et quant on sait que la presse de l’époque tirait à des millions d’exemplaires…

Il existe une autre version sur la fin de l'histoire de la L-1. A cette époque, Ivan Likhachev, le directeur de l’usine ZiS de Moscou avait déjà émis le souhait de produire non seulement des camions mais aussi des voitures dans son usine. Et, comme il était membre des plus hauts cercles de la direction du pays, il ne lui fut pas difficile de convaincre Staline lui-même que la fabrication de la première limousine russe devrait être organisée précisément à Moscou. ZiS avait les capacités appropriées, du personnel expérimenté et jouissait d’un prestige certain… contrairement à ce modeste atelier au fond de la cour d’une usine de tracteurs !

En fin de compte, deux L-1 et les Buick démontées ont été envoyées directement à l’usine de Likhatchev pour en faire la célèbre ZiS-101. Extérieurement si elle n’avait rien à voir avec la L-1, elle était techniquement très similaire à celle-ci. Les quatre autres voitures ont été offertes à la Mongolie, mais aucune n’a survécu jusqu’à nos jours.

Lu sur : https://www.popmech.ru/vehicles/579624-l-1-kak-v-sssr-vmesto-traktora-postroili-pervyy-limuzin/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #L-1, #Limousine, #URSS