Après l’effondrement de l’URSS la production en Russie, y compris dans l’automobile, est restée miraculeusement à flot. Les attentes étaient pourtant fortes : on estimait que des milliards d’investissements allaient affluer vers le pays et permettre à son économie de se relever. Au lieu de cela, le marché est resté largement déficitaire et même le choix proposé aux acheteurs de voiture a évolué de manière indescriptible.
Malgré tout de nouvelles marques auraient pu faire l’apparition en Russie. Par exemple la société Avtokam, jusqu’alors totalement inconnue, a clamé haut et fort qu’elle proposerait bientôt à l’acheteur russe une nouvelle voiture - avec un châssis « indestructible » et une carrosserie en fibre de verre insensible à la rouille - que l’on pourrait facilement réparer dans n’importe quel garage… Hélas, le projet n’a pas pu résister à la concurrence, surtout celle des voitures d’occasion importées massivement de l’étranger. Mais en réalité avait-elle la moindre chance ?
Dans les faits, il s’agissait d’une voiture en kit. Ce type de voiture n’a en soi rien à se reprocher. Sur le marché britannique elles occupent toujours une petite niche - petite mais stable. Hélas, souvent, ces kit-cars ne brillent pas par leur niveau technologique élevé. Ainsi celui qui choisissait une Rickman Ranger ne recevait pas une voiture complète mais seulement le châssis, la carrosserie en plastique et l’ensemble des vitres. Le reste devait être récupéré sur une autre voiture. Chez Avtokam, on avait décrété que compléter les Ranger ne poserait aucun problème et qu’il ne serait pas nécessaire d’acheter des pièces neuves. On pouvait s’en tirer autrement.
Les particularités de construction du Ranger, assemblé par Avtokam, était tout simplement incroyables. Il suffit de lire les « Commentaires sur la conception de la voiture, ses composants et de leur qualité » rédigés par les experts qui avaient été impliqués dans les essais d’homologation du Ranger sur le polygone de Dimitrov...
Le premier paragraphe de ce rapport mentionnait que « le faisceau électrique fourni par le constructeur avait déjà été utilisé et nécessitait d’être totalement contrôlé et réparé ». Il manquait des cosses et des connecteurs, certains fils étaient dénudés et d’autres avaient été rajoutés pour le fonctionnement de la voiture. En général les ingénieurs de NAMI en concluaient que le faisceau électrique était inadapté au Ranger. En d’autres termes celui-ci avait été récupéré sur une épave dans un casse. De plus, il avait été clairement bidouillé pour l’installation de l’autoradio, des haut-parleurs, de l’alarme et d’autres appareils.
Le paragraphe suivant parlait du châssis du Ranger. « Les parties roulantes sont loin d’être neuves : plaquettes usées, traces d’huile, goujons de roues avec différents filetages, boulons de fixation des demi-arbre de transmission et des cylindres de freins mal serrés, bourdonnement des roulements de boîte de vitesses, jeu latéral de l’engrenage conique du pont arrière mettant en doute quant à la justesse de son réglage ».
Il n’était donc pas surprenant qu’une pièce, petite mais aussi importante, que l’instrumentation du tableau de bord ne soit pas dans un meilleur état. Certains témoins d’avertissement manquaient, d’autres étaient grillés, la jauge de température ne fonctionnait pas… Mais le pire est que comme les pièces étaient de taille différente, « l’assembleur » n’avait pas réussi à monter ce tableau de bord. Il était littéralement posé sur les buses du chauffage et le boitier du moteur des essuie-glaces !
Cerise sur le gâteau lors des tests d’homologation, le « moteur N°1314 n’a pas démarré ». S’agissait-il d’un moteur provenant de la casse et que personne n’avait même pas pris la peine de vérifier ?
Les ingénieurs de NAMI purent également lister des points « rigolos » indiquant que les pièces et les composants de ce kit-car britannique n’étaient tout simplement pas adaptés les uns aux autres car ils étaient empruntés dès le début à différents modèles de voitures. Les supports moteur ne correspondaient pas aux trous de montage du moteur, le levier du frein à main tapait contre le levier de vitesses. Le support du montage des sièges avant ne correspondait pas à leur largeur. C’est pourquoi le siège conducteur était décalé par rapport au volant. Les joints de portes n’étaient pas adaptés en particulier au niveau des garnitures intérieures. Le déflecteur n’avait pas été conçu pour s’adapter au panneau de porte en plastique et il avait dû être « fini à la lime ». Les petits défauts ne manquaient donc pas comme le « diamètre des tuyaux de lave-glace ne correspondant pas au diamètre des buses de lave-glace ».
Toutes ces « vieilles » pièces essayaient de remplir leur fonction, mais qu’en était-il des pièces originales ? Pas mieux, hélas. Par exemple, les panneaux de carrosserie en plastique cachaient également beaucoup de mauvaises surprises. Il était ainsi impossible d’assurer l’étanchéité du joint de pare-brise puisque « la découpe du pare-brise ne correspond pas à la taille de la baie ». Les trous dans les panneaux de portières ne correspondaient pas aux poignées. Le plastique des panneaux extérieurs n'était clairement pas le plus approprié : « Les joints ne tiennent pas sur le plastique car ils sont conçus pour des cloisons métalliques de moindre épaisseur ». Lors de l'installation des portes elles-mêmes, il n'était pas possible d'obtenir l'ajustement souhaité et ce d’autant plus que la conception ne prévoyait aucune possibilité de réglage !
Autre raison de se plaindre : le kit de montage n'assurait pas le fonctionnement de la voiture complète. Les différents partenaires n’avaient même pas pris la peine de fournir certaines petites pièces pourtant indispensables : il n’y n’avait pas de tige d’ouverture de capot, de capteur de niveau de liquide de frein, de carter d’alternateur ou de joint dans les feux arrière.
L’un après l’autre, des défauts inacceptables ont été mis à jour dans la conception générale du Ranger : « Les suspensions fournies dans le kit ne correspondent pas à notre avis au poids de la voiture ». Le carrossage des roues n’avait pas été réglé, l’emplacement des feux arrière sur le pare-chocs ne répondait pas « à la fonction première d'un pare-choc » et risquait « d’endommager les réflecteurs » et le pot d’échappement excédait le gabarit de la voiture. Tous ces défauts de conception étaient accentués par le manque de documentation technique et d’instruction pour son assemblage. Il n’y avait même pas un tableau des couples de serrage des différentes vis et boulons !
A la lecture des « Commentaires sur la conception de la voiture, ses composants et de leur qualité », il est facile de comprendre pourquoi cette indigente voiture assemblée à partir de vieilles pièces, n’avait aucune chance face à des voitures d’occasions importées d’Europe, souvent en très bon état.
Les photographies en noir et blanc qui accompagnent cet article ont été prises sur le polygone d’essai de Dimitrov lors des tests de sécurité passive du Ranger. Dans le rapport on ne trouve aucun détail des résultats de ces essais. L'Avtokam Ranger ne pouvait sans doute assurer aucune protection à son conducteur et à ses passagers…
Lu sur : https://www.kolesa.ru/article/plastikovyy-gelik-iz-starykh-zapchastey-pochemu-v-90-kh-v-rossii-provalilsya-avtokam-ranger
Adaptation VG