Pour tout le monde, la Niva était la voiture idéale : outre des capacités de franchissement à s’attirer des louanges, elle était une voiture assez confortable et fiable. Son défaut ? Un habitacle étriqué. C'est la raison pour laquelle la Niva – une voiture assez chère et pas très pratique avec ses deux portes, son petit coffre et ses places arrière exigües - n’était pas si répandue dans les campagnes de l'URSS. Il fallait une voiture plus grande, capable d’embarquer la famille entière, de sortir de la ville et d’emprunter des chemins de terre. En l’absence du véhicule idéal, les Russes choisissaient des voitures sans prétention mais solides comme la Moskvitch ou la IZH. Ceux qui avaient besoin d’un véritable véhicule tout-terrain se tournaient vers le LuAZ, simple et peu coûteux.
Chez VAZ, l’idée de faire quelque chose de plus pratique basé sur la Niva n’a pas émergée immédiatement. L’usine a d’abord décidé de jouer la sécurité en rallongeant la Niva normale : pour cela elle utilisa deux carrosseries de VAZ-2121 pour réaliser une Niva « longue ». Les différents prototypes rallongés de 500 mm permirent de montrer que l’idée était viable : la carrosserie était suffisamment rigide pour supporter la transformation. Ces expérimentations avaient aussi permis d’imaginer deux voitures totalement différentes : une version cinq portes de la Niva avec un empattement long et un monospace de sept places à quatre roues motrices !
Lorsque dans les années 80 VAZ a commencé à étudier ce véhicule monocorps, plusieurs constructeurs dans le monde (Mitsubishi par exemple) produisaient déjà des minivans ou des minibus tout-terrains. Mais celui proposé par VAZ avait une particularité importante : la transmission aux quatre roues était permanente et disposait d’un réducteur avec blocage du différentiel central. En d’autres termes, ce monospace conservait toutes les qualités déjà légendaires de la Niva tout en offrant un empattement plus long et donc plus d'espace habitable.
Le choix de la Niva ne s’expliquait pas seulement par le désir de jouer la sécurité. A l’époque VAZ n’avait comme autre alternative que la plateforme à traction avant de la Samara mais elle ne convenait pas du tout à ce type de véhicule. C’est pourquoi la nouvelle voiture avait dû être créée sur une base qui, il faut bien le dire, n’était pas de toute première jeunesse. Mais au final ce choix n’aurait que peu d’incidence sur les qualités intrinsèques du futur monovan à sept places et à quatre roues motrices. Et cela, VAZ l’avait bien compris.
Malheureusement, le projet a souffert de la période durant laquelle on a travaillé dessus : le début des années 90, une période difficile pour tout le pays... Pour diverses raisons, ce nouveau modèle qui a reçu l’indice usine 2120 fut réalisé à la hâte et présenté au Salon de Moscou 1997. Le véhicule a été n'était pas encore au point au fur quand il fut mis entre les mains des premiers clients ce qui a immédiatement affecté l’image de la voiture : celle qui avait suscité de grands espoirs (NDT : « Nadezhda » signifie espoir en russe) était loin d’être à la hauteur des attentes.
Et ce n'était pas tout. Par exemple sur les tous premiers modèles, les optiques avant se composaient de phares ronds provenant de différentes Jigouli. A cause decette face avant peu réussie, la voiture avait été immédiatement surnommée « Nadejda Konstantinovna » en allusion à la « beauté » de l’épouse de Lénine. A l’arrière, ce n’était guère mieux car les ingénieurs de VAZ avaient installé des petits feux d’Oka. Bref, on avait paré au plus pressé... Un peu plus tard, l'allure générale a toutefois été corrigée en montant des phares de Deciatka (VAZ-2110).
Mais c’était déjà trop tard. Il est très difficile de vendre une voiture hideuse même si elle est assez pratique. De plus, on constata rapidement que ce n’était pas ce minivan VAZ-2120 qui était le plus profitable pour l’usine, mais la VAZ-2131, la Niva « longue ». La Nadezhda était donc peu rentable.
L’une des raisons de l’échec du VAZ-2120 est qu’elle n’était pas fabriquée sur la chaîne principale mais par l’atelier de production expérimental (OPP VAZ). La voiture offrait pourtant quelques solutions intéressantes pour le milieu des années 90 comme la direction assistée ZF et sa colonne de direction réglable en hauteur. L’aménagement des sept places était également bien pensé : la rangée du milieu pouvait être ajustée en longueur et cette dernière et la troisième rangée de sièges pouvaient être rabattues complètement ce qui augmentait de manière significative le volume du coffre, transformant ainsi la Nadezdha en une sorte de fourgonnette.
Pour compenser l’augmentation du poids et des dimensions par rapport à la Niva habituelle, on montait un moteur VAZ-2130 à carburateur de 1,8 litre, ainsi que le VAZ-21214 1,7 litre à injection de 84 ch.
Si la voiture effrayait l’acheteur potentiel par son aspect extérieur particulier, le « patchwork » du design intérieur était loin de le rassurer. Beaucoup de Russes préféraient se tourner vers une berline Lada ou acheter directement une Niva qui était désormais produite en châssis « normal » ou en châssis rallongé. La mentalité des automobilistes russes, qui à cette époque regardaient les monospaces avec scepticisme, a également pu jouer sur le manque de popularité de la Nadezdha. Nombreux sont ceux qui devaient se poser une question du genre : « Pourquoi aurais-je besoin de cette « niche » à quatre roues ? ».
Les propriétaires de société de transport appréciaient cette voiture pour son volume de chargement. En fait, avec quelques modifications cosmétiques, la voiture aurait pu être produite beaucoup plus longtemps. Hélas, les relations financières spécifiques unissant VAZ et l’OPP VAZ (qui était une entité distincte, sorte d’usine dans l’usine) ont laissé leur marque et fixéé le sort de la Nadezhda.
Le destin de la Nadezhda est donc peu enviable. C’est doublement dommage car dès le début de l’histoire de l’usine en 1970 on avait déjà commencé à réfléchir à un véhicule monocorps ! Hélas, les travaux n’avaient pas pu être menés plus loin, car la direction ne voyait pas d’intérêt à produire un petit minibus. Fait intéressant, VAZ s’est encore intéressé au thème du monospace au moins une fois avant le lancement de la production de la VAZ-2120. Le fait est peu connu mais au milieu des années 80 les stylistes de Togliatti ont réalisé une maquette de minibus dans le cadre d’un concours lancé pour imaginer le le futur modèle de l’usine RAF. Ce projet a reçu la seconde place mais aurait bien mérité de terminer premier tant il dépassait le travail des autres participants !
Dix ans avant de produire la Nadezdha, les ingénieurs de VAZ avaient commencé à regarder de près les modèles proposés par les grands constructeurs mondiaux : ils testèrent ainsi la Nissan Prairie et le Renault Espace. C’est à peu près à cette époque-là qu’ils ont commencé à étudier leur propre minivan. Celui portait au début le nom de VAZ-2114 dont un prototype a même été construit en 1995.
La Nadezhda n’a finalement été produite qu’en petite série et en une seule version. Toutes les versions dérivées étudiées (taxi, ambulance, fourgon, etc...) sont restées à l’état de prototype. Au total de 1998 à 2005, un peu plus de huit mille Nadezdha ont été fabriquées par l’OPP. Certaines d’entre elles sont toujours utilisées aujourd’hui, mais leur faible résistance à la corrosion et le manque de fiabilité de certains éléments mécaniques ont joué une plaisanterie cruelle à nombre d’entre elles. A ce jour, la VAZ-2120 est le seul monospace à sept places et transmission permanente jamais produit en Russie.
Lu sur : http://www.kolesa.ru/article/fol-poslednej-nadezhdy-istorija-razrabotki-vazovskogo-minivjena-2016-03-11
Adaptation VG