Mon grand-père, Egor Ivanovitch, était un vétéran de la Grande Guerre Patriotique. Invalide de guerre il se voyait attribuer tous les cinq ans un quadricycle à moteur. Dès mon plus jeune âge, je me souviens très bien de cette petite voiture.
De loin on entendait arriver ce véhicule : il faisait un bruit spécifique et très fort. On l’entendait à plusieurs kilomètres et on savait que c’étaient nos grands-parents qui nous rendaient visite. Heureux de les voir, nous nous jetions dans leurs bras et mon grand-père ouvrait coffre (situé sous le capot avant) pour sortir un grand sac rempli de friandises. Il nous ramenait aussi obligatoirement un grand pot de trois litres de lait. Ensuite nous faisions un tour avec lui à bord : un d’entre nous à la place du passager, l’autre directement sur ses genoux. Il est même arrivé que nous prenions nous-mêmes le volant dans un champ.
L’autre jour, dans une rue de Moscou, j’ai vu une de ces voitures et ces souvenirs d’enfance sont revenus à mon esprit.
Je n’ai pas pu résister. J’ai ouvert la portière. Immédiatement j’ai senti cette odeur familière de son intérieur. La voiture de mon grand-père avait l’embrayage au volant. Sur celle-ci c’est un peu différent. Le frein manuel est visible à droite du réservoir d’eau. Le tableau de bord est vraiment très simple. En raison de l’absence de moteur à l’avant, du remplacement des pédales par des manette et de leviers spéciaux et la conception de la suspension avant avec de longues barres de torsion, il y avait beaucoup de place pour les jambes. C’était d’autant plus important pour ceux qui ne pouvaient pas les plier ou qui étaient paralysés. La voiture mesurait 2,6 mètres et pesait un peu moins de 500 kg. La photo numéro 6 permet de se rendre compte de sa faible hauteur et son faible encombrement est clairement visible lorsqu’on le compare avec un Duster (photo 7).
Malgré son manque d’esthétisme et de prestige, cette voiturette avait bénéficié d’un certain nombre de solutions inhabituelles ou en avance sur leur temps pour l’industrie automobile soviétique : il suffit de mentionner la suspension indépendante aux quatre roues (à l’arrière elle reprend un schéma rappelant une suspension de type « McPherson »), la direction à crémaillère, la commande d’embrayage par câble qui n’étaient pas encore à cette époque devenus une pratique courante au point de vue mondial et qui sur les voitures soviétiques ne sont apparus que dans les années 80 !
A la campagne sur les chaussées non carrossables cette voiturette était excellente. Elle tirait profit de son faible poids, de son empattement court, de la suspension indépendante et de l’essieu moteur bien chargé. Sur la neige, elle était toutefois moins à l’aise et c’est pourquoi on montait parfois des jantes plus larges - avec lesquelles la durée de vie des pneus était réduite - qui rendaient la voiture plus facile à conduire.
Pour conduire ce quadricycle, il fallait un permis de conduire catégorie A (motos et scooters) avec une mention spécifique. Les personnes handicapées suivaient une formation organisée par les organismes de sécurité sociale.
Le moteur IZH-P3 à refroidissement par air était franchement limite pour un véhicule de ce poids avec une carrosserie entièrement métallique et il le faisait savoir par ses cliquetis permanents (typiques cependant de tous les moteurs deux temps) extrêmement désagréables.
Si l'exemplaire rencontré n'est pas dans un très bel état, je vous invite à conserver ces belles photos.
Lu sur : http://unmodern-person.livejournal.com/160998.html
Adaptation VG