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« Start » ou le romantisme socialiste.

Cette voiture reflète clairement l’esprit et les réalités de son époque : une époque intéressante et contreversée. Cette voiture à remonter dans le temps, Za Roulem vient de la rencontrer. Elle date des années 60 et porte le nom de « Start ».

« Je me souviens quand j’ai croisé la première fois ce minibus dans les rues de Moscou à la fin des années 60. Pour l’enfant que j’étais, cette voiture bizarre avait tout de la science-fiction et ne pouvait être qu’une voiture étrangère, originaire de cet autre monde qui nous attirait tant. Les adultes aussi regardaient cette voiture étrange avec intérêt. Ils l’avaient vue, dans la dernière séquence de « La Prisonnière du Caucase » de Leonid Gaïdaï. Mais à la sortie du film en 1967, l’histoire de la « Start » était déjà terminée depuis longtemps » raconte l'auteur de l'article.

On sait que Nikita Khrouchtchev était un personnage controversé. Si les écrivains et les artistes restaient pieds et mains liés, une relative liberté fut donnée aux entrepreneurs locaux avec la création en 1957(ou plutôt en relançant) les conseils économiques populaires. Dans le pays, à côté des grandes et puissantes industries de l’Etat, des petites usines ont commencé à se développer, poussées par l’enthousiasme de techniciens et de dirigeants énergiques. C’est ainsi que A. Antonov, le directeur du département transport de Severodonetsk a pu être pris par une idée que seuls des romantiques ou illuminés auraient pu avoir à cette époque : construire une caravane en fibre de verre, puis construire une voiture dans le même esprit. C'était alors dans le monde entier le matériau à la mode. Dans les années 50, il y avait eu quelques prototypes et on avait même vu des voitures produites en série (comme la Chevrolet Corvette) avec une carrosserie réalisé dans ce matériau moderne, léger et insensible à la corrosion.

C’est I. Andros qui avait dessiné cette voiture de 10 places. La mécanique provenait de la GAZ-21. On ne pouvait choisir rien d’autre. Le premier prototype a été réalisé à la fin de 1963. Cette année-là on avait lancé des satellites presque tous les deux mois et on avait vu voler la première femme cosmonaute, Valentina Terechkova. Les premiers essais de l’Il-62 avaient eu lieu. A quoi aurait donc pu ressembler un minibus dans le pays des grandes réalisations sociales et technologiques, qui était sur le point de dépasser les Etats-Unis en terme de production et de bien-être ?

Etait-ce le but des créateurs de la « Start » ? Bien-sûr l’influence de l’Amérique sur le styliste ukrainien était évidente mais, à l’époque dans le monde entier, peu de compagnies pouvaient se targuer d’être indépendante en la matière. Les quatre phares sous de larges paupières et les interminables ailes arrière se terminant par des ailerons acérés étaient des gimmicks déjà passés de mode aux USA. Il y avait aussi ces vitres panoramiques, éléments indispensables du design américain influencé par l’aérospatiale. Allait-on donner la permission à cette petite entreprise d’utiliser les vitres de la Tchaïka ? Pas sûr. La voiture a donc été conçue sur le principe du « on prend ce que l’on a ».

Pour reprendre la terminologie de la littérature soviétique, on peut dire que les Volga et les RAF construits sur leur base font partie du réalisme socialiste et que le minibus ukrainien est un représentant clair et lumineux du romantisme socialiste. Le nom de « Start » n’était certes pas très original, mais il a tout de même été amené au VDNKh de Moscou où il a été montré à Khrouchtchev en personne, à qui il a beaucoup plu. La presse de l’époque s’est également fait écho de cette voiture inhabituelle. Les créateurs de la voiture ont eu l’autorisation de recevoir quelques dizaines de jeux de pièces de Volga GAZ-21 : c’était d’autant plus capital qu’il était impossible de les trouver en vente libre en URSS. En clair, sans l’autorisation des hautes autorités de l'Etat, il aurait été impossible de lancer ne serait-ce qu’une production en petite série de ce véhicule.

Quelle modernité ! Bien-sûr en un demi-siècle, les notions d’ergonomie ont grandement évolué mais pour l’époque la « Start » avait de quoi étonner. Ceux qui l’ont créé n’avaient visiblement pas d’expérience en conception automobile. Si on peut rentrer le ventre pour pouvoir tourner le volant, que peut-on faire avec les jambes ? Celle de droite est anormalement pliée et fait presque mal. En passant de l’accélérateur à la pédale de frein, on se cogne sur le volant. A gauche, avec l’embrayage, c’est pareil. Pourquoi n’ont-ils pas reculé un peu plus le siège conducteur pour offrir une position un peu plus naturelle au conducteur ? Pour rendre l’habitacle encore plus vaste ? Et dire que sans cette cloison moteur on aurait pu mettre encore plus de sièges ! Finalement on finit par s’habituer. La douleur de la position de conduite s’atténue et l’on s’adapte pour appuyer sur l’accélérateur.

En fait, la voiture est conduisible si on évite de freiner ou de passer des vitesses trop souvent. Le moteur de la Volga est un peu faible par rapport aux normes actuelles mais il était suffisant pour la voiture. Malgré tout, au volant de la « Start » vous trouverez le minibus RAF-977 (sans parler de la GAZ-21) incroyablement confortable pour le conducteur !

Par contre, le « Start » dispose d’un coffre immense situé dans cette partie arrière immense, invisible en manœuvre à travers la lunette arrière. Et comme la voiture n’a pas de rétroviseurs extérieurs... Mais elle se conduit aussi facilement qu’une Volga ou un RAF. La direction et les freins répondent avec prévenance aux sollicitations de son conducteur, elle prend beaucoup de roulis dans les virages, mais même à trois et sans bagages, elle accélère bien. Elle offre un comportement identique à la plupart de ses homologues étrangers de l’époque.

Comme souvent, la « Start » a été victime car en avance sur son temps. Quelques voitures ont été fabriquées à l’Usine de réparation automobile de Lougansk. Infatigable, Antonov a essayé ensuite de d’organiser sa production à Donetsk, à l’usine Glavdonbassstroï. Pas plus d’une dizaine de voitures y ont été assemblées sous le nom de « Donbass ». En 1965, les conseils économiques populaires ont été bannis. La « Start » n’avait donc plus aucun soutien local et il n’est venu à l’idée de personne qu'il serait possible de vendre une voiture de ce type à des propriétaires privés. D’ailleurs à quel prix l'aurait-on vendue sachant qu’elle resterait produite de manière artisanale ! En plus GAZ avait déjà bien du mal à produire des pièces pour ses propres Volga, pour les RAF et à partir de 1966 pour les ErAZ, ces derniers étant mieux finis, plus vastes et plus faciles à fabriquer. S'en était donc fini de la « Start ».

Dans sa comédie romantique de 1967, Leonid Gaïdaï n’avait nullement l’intention de se pencher sur les problèmes de l’industrie automobile soviétique. Il a pourtant filmé pour la postérité l’une des voitures les plus romantiques (si ce n’est la plus romantique) de toute l’histoire de l’URSS. On dit que la voiture du film a longtemps été utilisée par Mosfilm. D’ailleurs, les quelques « Start » produites ont vécu assez longtemps : elle ne rouillait pas et les pièces de Volga GAZ-21 sont très faciles à trouver.

La voiture essayée par Za Roulem a été entièrement reconstruite. Il y a un demi-siècle, la « Start » était une voiture fantastique et c’est un véritable voyage dans l’espace et dans le journal a pu effectuer.

Légende des photos :

  • Ici, tout ressemble à un RAF, mais les minibus fabriqués à Riga sont beaucoup plus pratiques.
  • L’instrumentation est familière. Elle vient de la GAZ-21.
  • De nos jours, l’ergonomie serait plus rationnelle. Mais quel espace !
  • Contrairement au RAF, les vitres coulissent dans les portières avant.
  • La partie arrière dans le plus pur style américain cache le coffre à bagages.

Lu sur :
http://www.zr.ru/content/articles/563093-zhivyje_klassiki_socialisticheskij_romantizm/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Start, #Petit constructeur