Ceux qui ont visité le Musée Polytechnique de Moscou se souviennent probablement d'une Russo-Balt K-12/20. Cette voiture noire avec ses sièges en cuir rouge avec l’inscription Russo-Balt en lettres dorées sur la calandre ne peut laisser personne indifférent. Mais ce que l’on peut remarquer c’est aussi que le volant de cette voiture se trouve à droite ce qui signifierait donc que dans l’Empire Russe, on roulait à gauche !? Une remarque pas si anodine que cela quand on sait que la question de l’interdiction en Russie des voitures d’occasion importées du Japon, et leur conduite à droite, se pose très souvent.
En fait, la circulation à gauche n’a jamais existé en Russie. De plus, un décret de la tsarine Elisabeth Ière du 5 février 1752 indiquait que toute circulation dans l’Empire Russe devait se faire seulement à droite. Deux ans plus tard, un décret similaire a été signé par le gouverneur général de Saint-Pétersbourg.
Alors pourquoi le volant est-il à droite sur cette Russo-Balt ?
C’est que jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays européens roulaient à droite avec un volant à droite et que jusqu’en 1932, toutes les voitures produites en Russie, puis en URSS, avaient également le volant à droite ! Dans ce cas, le levier de vitesse et le frein à main étaient généralement montés à droite du conducteur. Ils étaient installés à l’extérieur du véhicule et étaient actionnés en passant la main à travers la fenêtre ou alors ils étaient installés entre le siège du conducteur et la portière droite. La disposition de ces commandes à droite était considérée comme plus sûre, premièrement parce qu’en cas de collision frontale c’est le côté gauche qui souffre le plus et parce qu'en descendant du véhicule par la droite, le conducteur ne risque pas d’être percuté par un autre véhicule.
Alors pourquoi a-t-on choisi la conduite à gauche ? Il faut se tourner vers Ford et son modèle T. Au Musée Polytechnique de Moscou, cette voiture est exposée en face de la Russo-Balt. Avant elle, même en Amérique, toutes les voitures étaient des conduites à droite. Ford a été le premier à ne pas se préoccuper du conducteur mais plutôt de ses passagers. En Europe, on n’aurait pas vu un baron s’assoir à côté de son chauffeur mais en Amérique, où la Ford T ne valait que $998, il n’y avait pas de noblesse à transporter. Si en valeur, cela ne représente pas la même chose aujourd’hui, une personne avec des revenus moyens pouvait s’offrir cette Ford T et elle la conduisait elle-même et emmenait un passager. Assis à côté du chauffeur, il essayait par sa conversation de couvrir les bruits du moteur. Et de temps en temps, il pouvait descendre de la voiture pour acheter le New-York Times ou le Washington Post.
C’est pour prendre en compte le fait que le passager pouvait descendre souvent sa voiture que Henry Ford a disposé le poste de conduite sur le côté gauche de sa Ford T. Et pour que le conducteur n’apprenne pas à changer les vitesses de la main gauche, Ford a monté le levier de vitesse à l’intérieur de l'habitacle sur la colonne de direction. On trouve un sélecteur de ce type sur de nombreuses voitures soviétiques comme la Volga GAZ-21. Sur les Moskvitch, ce système a perduré sur tous les modèles jusqu’à la 408. Il a définitivement été enterré avec la 412.
Mais alors pourquoi la conduite à gauche est-elle apparue en URSS ?
Le premier véhicule soviétique qui a reçu la conduite à gauche est le camion Ia-3. Pourtant les autres modèles produits en URSS continuaient à être fabriqués avec le volant à droite. Ce n’est qu’après 1932, avec la création de GAZ dans la ville de Gorki, quand on a commencé à produire la voiture particulière GAZ-A et le camion GAZ-AA, que le Conseil des Commissaires du Peuple a décidé d’imposer la direction à gauche sur les ZiS fabriquées à Moscou et les IaAZ de Iaroslav pour éviter toute discorde.
On a commencé à parler des avantages de la conduite à gauche alors que le problème n’existait plus... En mars 1937, le Commissaire aux Affaires Intérieures, Nikolaï Iejov, a signé une ordonnance interdisant l’usage de véhicules à conduite à droite dans les villes. L’ordre était dirigé contre les derniers propriétaires privés de voitures, qui avaient encore en leur possession des voitures achetées avant la Révolution ou pendant la NEP. Depuis, seuls les tracteurs ont encore des volants à droite.
En Europe, on continuait à faire des voitures à conduite à droite. Il n’y a pas que les Anglais qui en produisaient, mais aussi les Français, les Italiens ou les Tchèques, qui roulaient pourtant à droite. Seule l’Allemagne avait, en suivant l’innovation de Ford, monté ses volants à gauche. En plus, sur la plupart des voitures allemandes, le levier de vitesse n’était pas sur la colonne de direction mais entre les sièges conducteur et passager. Il y avait aussi des voitures reprenant la mode américaine. Peu à peu, la France est passée à la direction à gauche et certaines usines produisaient simultanément des modèles avec le volant à droite, mais aussi à gauche.
La fin de la direction à droite est intervenue en Europe à la fin de le Seconde Guerre Mondiale. L’Europe toute entière a été envahie de voitures américaines et se remettant des ravages de la guerre, les Italiens sont également passés à la conduite à gauche. Les Tchèques y étaient passés alors qu’ils étaient occupés par l’Allemagne. En Grande-Bretagne, où il y avait beaucoup de voitures à volant à gauche – importées d’Amérique ou trésor de guerre en provenance d’Allemagne – on n’a pourtant pas abandonné la conduite à droite car on a souhaité conserver la circulation à gauche. Les voitures à conduite à gauche ont donc continuer à rouler dans le pays jusqu’à ce qu’elles terminent à la casse ou deviennent des voitures de collection. Par la suite, les importateurs ont commencé à produire spécialement pour les Anglais et les habitants du Commonwealth des versions à conduite à droite de leurs modèles. C’est ainsi que de nombreux Russes connaissent aujourd’hui des Jigoulis à conduite à droite, car ces voitures ont ensuite été réexportées dans le pays. Et il y avait aussi des Volga et des Moskvitch RHD (« Right Hand Drive » - conduite à droite).
La Pobeda RHD a été exportée principalement en Afrique mais quelques milliers roulaient en Angleterre dans les années 50. Le seul pays à circulation à droite qui a continué à produire pour son marché intérieur des voitures à conduite à droite a été la Suède et ce jusqu’en 1962. Mais comme les voitures à conduite à gauche, dépassaient en nombre les Volvo et Saab, les Suédois ont décidé de s’aligner avec le reste de l’Europe.
Depuis, la conduite à droite n’est restée que dans les pays où l’on circule à gauche : la Grande Bretagne et ses anciennes colonies comme par exemple l’Inde et l’Australie. Des pays qui n’ont jamais fait partie du Commonwealth roulent aussi à gauche : le Japon, la Thaïlande et le Surinam. Mais certaines colonies britanniques ont cependant refusé et roulent à droite, comme par exemple le Canada.
Lu sur : http://fishki.net/auto/146451-istorija-raspolozhenija-rulja-pravo-levo-4-fototekst.html
Adaptation VG